Mexique

12 Avril 2017

Nous arrivons à Los Mochis à midi et achetons tout de suite nos billets pour le ferry du soir. Après bien des discussions entre les employées de l'agence de ferry, nous bénéficions d'un tarif pick-up à 2900 pesos au lieu du tarif Sprinter à 6600. Nous devons arriver à 20h pour un départ à minuit. L'attente sera longue et bien souvent les yeux se ferment. Klaus part de son côté pour entrer le fourgon dans le ferry, moi je continue d'attendre jusqu'à ce qu'un mouvement dirige tous les passagers vers l'escalier, chacun voulant être le premier. Ma place étant réservée, j'attends tranquillement que le flot s'écoule, surtout qu'il va stagner un bon bout de temps sur l'escalier. Une famille avec trois jeunes enfants fait de même.

Quand nous nous décidons à y aller, bons derniers, un passage se fait dans l'escalier pour laisser passer la famille et ... moi aussi. Gentils les petits jeunes ! En haut, les passagers sont sur deux longues files et un employé me fait signe d'avancer et me fait passer devant tout le monde. Ah ! Le privilège des cheveux blancs ! J'aurais été gênée de passer devant tous si je n'avais pas trouvé cela si comique ! Surtout que personne ne contestait et on me regardait avec respect.
Le ferry sera long à se mettre en route. Il faut dire que s'il y a peu de voitures et assez peu de passagers, il engrange une quantité phénoménale de camions en général à deux remorques. Voyant l'un d'eux rempli de bière, je fais remarquer à un employé que nous ne manquerons pas de bière à bord ; il me répond qu'il y a dix camions comme cela qui vont embarquer ! Nous ne serons pas à sec en Basse Californie ! Tout le ravitaillement de l'île se fait par les ferries, du moins la partie sud de la péninsule.

Le trajet, assis sur des fauteuils, se fera finalement assez vite ; l'arrivée est à 5heures du matin. Nous avons beaucoup plus de place que dans l'avion et c'est presque confortable. Toute la nuit nous avons droit à la diffusion de films plus violents les uns que les autres, montrant des bêtes préhistoriques horribles et méchantes.

Nous sommes bien gardés sur ce bateau, un régiment de marines ayant embarqué avec nous.

Déjà sous haute surveillance dans la salle d'attente avant le départ, nous aurons tous ces gars dans le salon voisin du nôtre pendant le trajet. En descendant du bateau je passe devant une haie de marines armés jusqu'aux dents qui stationnent tout le long de l'escalier. Pendant ce temps, Klaus sort le fourgon qui est passé au peigne fin. Si aucun contrôle n'a été fait au départ, on se rattrape à l'arrivée. Les marines sont sans doute là pour cela. Nous apprendrons plus tard que plus de 30 tonnes de drogue (haschisch je crois) ont été saisies dans ce même port deux jours avant.
Nous roulons jusqu'à la première plage et nous évanouissons dans les bras de Morphée pendant quelques heures pour récupérer de notre nuit quasiment blanche.
La Basse Californie, Baja California en mexicain, est communément appelée Baja (se prononce Barra). C'est une péninsule très longue, plus de 1500 km, et très étroite, une centaine de km de large, qui se situe à l'extrême ouest du Mexique, au sud de la Californie américaine. Elle est formée de deux états, Baja sud et Baja nord (logique). La péninsule est traversée du nord au sud par la Tranpeninsula, une route goudronnée avec parfois des petits troutrous... qui oscille entre les côtes est et ouest. Le centre est occupé par une chaîne de montagne que la route traverse à certains endroits pour passer de la côte pacifique à celle du golfe de Californie.
Loreto est situé sur le Golfe de Californie, mais ici on l'appelle la Mer de Cortès, Cortès étant l'espagnol qui fit la conquête du Mexique.
La capitale, La Paz, compte moins de 200 000 habitants. Nous n'y restons guère, juste le temps d'une balade sur le front de mer et de quelques réserves au supermarché.
Nous partons vers Loreto, au nord de La Paz. Le paysage est d'abord assez monotone, plat, juste agrémenté de cactus de-ci, de-là. Mais elle est en bon état et nous avançons vite ! Nous traversons les montagnes et là, le paysage est beaucoup plus joli. Les cactus sont nombreux, variés, les montagnes très sèches comme partout au Mexique en cette saison.
La ville est un des points d'observation de la baleine bleue, 14 mètres de long pour 30 tonnes, une des plus grandes baleines du monde. Menacée d'extinction, les règles pour l'approcher en bateau sont très strictes. Mais nous ne la verrons pas car elle est repartie vers le nord depuis une semaine.
A Loreto se trouve la première mission jésuite en Basse Californie. L'église est sobre et cela change du cliquant que nous voyons dans les églises du continent. 

En sortant de l'église, nous sommes abordés par une jeune fille distribuant des prospectus pour un petit restau mexicain. Caroline est française et nous engageons vite la conversation. Nous découvrons petit à petit une merveille en cette petite bonne femme. Caroline est ce qu'on appelle une grande marcheuse. Je vois d'ici les grands marcheurs de nos montagnes tendre leurs oreilles ou plutôt ouvrir de grands yeux. Mais qui que vous soyez, sachez dès à présent que vous ne serez à côté de Caroline que des petits petits marcheurs.
Caroline effectue depuis 8 ans un tour du monde ... à pied ! Que de pays nous avons parcourus, parfois laborieusement, en voiture, elle, elle les a fait à pied. Elle est allée en Mongolie, et même au-delà, en Sibérie jusqu'à Magadan, à pied, en passant par la Turquie, Iran, Azerbaïdjan, Ouzbékistan, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Chine et Mongolie. Puis Corée et Japon. Après avoir passé le Détroit de Bering en bateau, elle va de l'Alaska au Mexique en vélo. Depuis 4 mois elle est en Basse Californie sur un catamaran.
De Loreto, nous allons à la mission San Francisco de San Xavier. La route passe dans la montagne et est très jolie. Nous nous arrêtons pour les photos autant que les rares parkings le permettent.
A San Xavier où nous arrivons en fin d'après-midi ; les touristes sont repartis et un grand calme règne dans ce petit village perdu dans la montagne. Pas un bruit... très peu de voitures... Nous nous installons pour la nuit devant l'église.

Morceau de bois

En descendant le long d'un chemin à travers des jardins potagers, nous arrivons à un petit groupe d'oliviers assez tordus. L'un d'eux, le plus tordu de tous et aussi le plus vieux, a été planté au moment de l'édification de la mission, en 1699.

On ne sait pas trop où se trouve le tronc d'origine tant il y a de ramifications ! Là aussi, l'endroit est très serein d'autant plus qu'une magnifique lumière de fin d'après-midi éclaire le paysage.

On comprend pourquoi ce lieu a été choisi pour y créer une mission. Nous penserons la même chose des autres missions que nous aurons vues.

Nous quittons vite le goudron pour attaquer une piste bien roulante. Le paysage est très joli, montagnes tabulaires (meseta en mexicain), canyons, et surtout les cactus ! Il y en a partout. C'est vrai que nous commençons à être habitués mais c'est chaque fois un émerveillement que de voir différents cactus regroupés en arrangement digne d'un jardin. En fait le Mexique ressemble à un immense jardin botanique ! C'est le pays qui compte le plus grand nombre d'espèces de cactus dont certaines endémiques.

Sur notre piste, nous aurons bientôt un deuxième C comme dit Klaus : Cactus et … Cailloux ! Ah ! Eux aussi sont nombreux et alors que la piste monte de plus en plus, Klaus doit les éviter ce qui n'est pas évident sur une piste à une seule voie. Et puis la pente est raide et il faut rester en première, alors le moteur chauffe. Pour le laisser refroidir, pour calmer le conducteur aussi, nous nous arrêtons pour un café. Le paysage est grandiose ! Digne d'un super western.

Nous guettons là-bas au loin le nuage de poussière qui nous annoncera la venue de la diligence...

Mais point de diligence à l'horizon, ni de voiture d'ailleurs. Nous reprenons la route pour arriver au col, 650 m. Un replat et nous croisons un 4X4 qui sera la seule voiture rencontrée sur cette difficile partie du trajet. Entre nous, nous lui souhaitons bonne chance pour la suite. De son côté, il a dû faire la même chose...
La descente est extrêmement raide et sinueuse ; Klaus se pose des questions... Il nous reste deux cols à monter ; si nous trouvons là-bas une telle pente, nous ne monterons pas et nous ne pourrons pas non plus faire demi-tour. Croisons les doigts...
Les dieux sont avec nous ! Les pentes sont pleines de grosses pierres mais ne sont pas très raides.
Nous nous arrêtons sans cesse pour photographier ce paysage sublime, ces cactus splendides. Et nous n'avançons pas vite. Nous mettrons 5 heures pour parcourir les ...53 km de piste !
... et arriver à San José qui est une oasis comme on en trouve dans le Sahara. Palmiers dattiers au fond d'une vallée verdoyante encaissée, falaises abruptes ocre et paysage stérile tout autour. Là aussi, les missionnaires avaient fait un bon choix. Sauf pour les moustiques peut-être ...

 

Nous achetons du poisson à des pêcheurs directement sur la plage, nous nous ravitaillons à la boutique du coin et nous nous installons pour la nuit sur la falaise, face à la mer. Demain, il nous reste 100km de piste pour arriver à la Laguna San Ignacio et nous décidons de partir très tôt.

Encore deux ou trois ans en Amérique du sud puis elle rentrera (peut-être !) en France. Elle ne travaille pas pendant son voyage ayant économisé ses 10 ans de voyage avant le départ. Vivant avec 2€ par jour, je vous laisse faire le compte... Que l'on ne vienne plus dire que l'argent est un obstacle au voyage. Si on veut partir vraiment, on peut toujours, Caroline en est la preuve. Vous pouvez voir son trajet sur son blog (Pieds libres) et la suivre dans son périple.
L'intérieur de l'église est très sobre. On y ressent une grande sérénité.
Nous quittons la mission San Francisco de San Xavier au matin, sous un ciel splendide comme toujours. Si pendant la journée de la veille, le thermomètre est monté jusqu'à 36°, la nuit il fait beaucoup plus frais (16° le matin) ce qui nous permet d'avoir des nuits très reposantes, blottis sous notre couette.
C'est un spot de surf et les pratiquants sont assez nombreux. Mais ils ne ressemblent en rien à ceux des stations branchées chez qui le look compte beaucoup et qui veulent avant tout se faire voir. Ici, rien de tout cela. D'ailleurs, il n'y a personne pour les voir. Ils sont cools, aimables, simples.
Raté !!! A peine avons-nous fait quelques centaines de mètres que les gens nous appellent. Pneu arrière crevé. Klaus change la roue et on nous indique un garage pour réparer les pneus. C'est dimanche mais le garagiste travaille. Il nous dit que cela va prendre un momentito, un petit moment. Il sera vraiment petit, ce moment, une demi-heure à peine.
Et nous retrouvons le goudron. Ah ! Le plaisir de rouler sans le stress des cailloux, de pouvoir regarder le paysage. Nous arrivons le soir à l'océan Pacifique à San Juanico, petite bourgade du bord de mer où les gringos viennent séjourner pour l'hiver ou seulement le temps des vacances.
On file sur cette plage ! Les mirages nous font croire sans cesse que nous allons entrer dans la mer mais celle-ci s'évanouit au fur et à mesure que nous avançons. Et la mer, la vraie, nous ne la verrons même pas sur ce trajet. Ah ! Le bonheur de rouler vite, de manger les km et de pouvoir rouler décontractés sans risque de tomber dans un trou, de rencontrer du sable mou ou de se heurter à de grosses pierres.
Cela coûte 70 pesos, 3,50€. Mais il est déjà 11 heures et il faut se mettre vite en route. Pendant l'attente au garage, des habitants viennent nous parler. En particulier un mexicain dont le moteur de la voiture faisait un bruit d'enfer et on avait en plus du mal à comprendre son accent. Il rigole et arrête son moteur, nous parle de la piste que nous allons prendre, de Cagil, de la route qu'il faut demander aux gens... Je devine ce qu'il dit plus que je ne le comprends et le laisse parler sans m'intéresser plus que cela à ce qu'il dit...
La piste est bonne mais nous voyons les montagnes devant nous qui nous réservent peut-être des surprises. Arrive une intersection, et je vois le panneau Cagil vers la gauche, mais le GPS nous indique le chemin tout droit ; alors je repense à notre mexicain... Nous sommes indécis car je ne suis pas sûre d'avoir bien compris. Il faut demander, mais à qui ? Nous n'avons pas rencontrer une voiture depuis notre départ.
Et c'est alors qu'arrive en cahotant un vieux 4X4 dans lequel se trouve une petite famille mexicaine. Le jeune chauffeur nous dit que la piste est meilleure par Cagil, qu'elle passe par le littoral. Ah oui ! Il y a du sable, poquito. Mais par les montagnes, il y a des gros cailloux. Entre grosses pierres et poquito sable, Klaus n'hésite pas longtemps et nous partons vers le littoral, en direction des dunes.
Arrivé à Cagil, un camp de cabanes, de carcasses de camping-cars américains recyclés par la population locale, village dans le sable et le vent, nous suivons la piste GPS pour nous ensabler rapidement. La piste n'est plus utilisée et après avoir largement dégonflé les pneus (en trois fois et trois tentatives de sortie), Klaus refait le chemin en marche arrière se guidant avec les miroirs.

J'admire la précision de sa conduite qui fait passer les roues exactement sur les traces de l'aller et cela, dans le sable mou. La bonne piste qui nous sera indiquée au camp passe sur la plage.

En fait il n'y a guère de sable mou sur cette plage. C'est plutôt un amalgame de sable et de sel qui en fait une surface très dure et totalement plane. Nous comprenons pourquoi on nous avait annoncer une heure pour les 7O km restants.

Il sera déjà assez tard quand nous arrivons à la Laguna San Ignacio. Tout de suite on nous dit que d'ici on ne voit pas les baleines ou alors très loin, et qu'il faut prendre un bateau. La nuit porte conseil, et, bien que la lagune soit assez fermée, les vagues se retournent violemment tout près de notre fourgon et le vent nous balance dans la nuit. Le lendemain matin,la surface de l'eau est couverte de vagues et nous décidons de ne pas prendre le bateau, histoire de ne pas risquer le mal de mer, ce qui déprécierait quelque peu l'excursion.
Nous passons la journée à nous promener dans le désert, ou sur les plages recouvertes d'innombrables coquillages géants. Dans un petit village, des pêcheurs sont occupés à préparer le produit de leur pêche, des centaines de petites raies. Je demande s'il n'ont rien d'autre et ils nous sortent une sole de plus de deux kilos. Un jeune garçon nous la détaille en filet, tout heureux d'empocher ses 100 pesos (5euro).
Le soir, nous dormons dans le village. Les maisons, battues par le vent, enfouies dans le sable, sont petites et n'ont presque pas d'ouvertures. Des carcasses de camping-cars américains complètent leur habitat bien pauvre.
Le lendemain, le vent s'est calmé, il n'y a plus de vagues et nous allons voir les baleines. Il y a assez peu de clients et les bateaux ne sont guère remplis. Les touristes présents dans le nôtre sont assez intéressants... Tout d'abord une famille américaine, les parents et les deux filles adolescentes qui semblent s'ennuyer profondément. Les américains, c'est « moi d'abord ». Ils se précipitent pour entrer les premiers dans le bateau et se placer à l'avant. Viennent ensuite trois jeunes mexicains qui s'écartent pour nous laisser passer. C'est une vraie caricature de deux mondes qui se côtoient et ne se ressemblent pas...
Le bateau navigue une demi heure pour arriver sur place où se trouvent déjà plusieurs autres bateaux. Là on attend … on attend qu'une baleine daigne venir à la surface. Dés qu'on l'aperçoit, le bateau se dirige vers elle et attend encore. Soit la baleine s'en va, soit elle reste. Mais en fait ce n'est pas elle qui décide de rester, c'est son bambin. Le bambin en question a au moins trois mois et pèse déjà plus d'une tonne !
Nous sommes là chez les baleines grises. Plus petites que les baleines bleues, elles ne mesure que (!) 10 mètres et ne pèsent que (!) 10 tonnes. Les baleines viennent dans le golfe de Californie pour les baleines bleues, sur le littoral du Pacifique de Baja pour les baleines grises et sur les côtes du Pacifique au sud du continent mexicain pour les baleines à bosses (celles que nous avons vues en Patagonie). Elles arrivent vers décembre pour donner naissance à leur baleineau dans des eaux assez chaudes. Elles repartent en avril vers le nord, l'Alaska, là où elles trouveront en été des eaux riches en nourriture.
Nous sommes restés près d'une heure à attendre qu'un baleineau veuille venir vers nous. Parfois il approchait et au moment de le toucher il s'enfonçait dans l'eau, passait sous le bateau. Bref ! Ces petits nous faisaient un peu marcher... Et puis au moment de partir, l'un d'eux vient près du bateau et sort sa frimousse adorable de petite baleine et se fait caresser. Les mains le caressent, le frottent et le petit en redemande.
De temps en temps, un petit jet d'eau vaporisée sort de ses narines, et il y en a toujours un pour le prendre en pleine figure ! Notre américain a même eu droit à un véritable jet d'eau alors qu'il se penchait pour filmer le « petit » avec sa mini-caméra fixée sur sa casquette. Notre baleineau restera près d'un quart d'heure à se faire câliner de la sorte, plongeant parfois pour mieux revenir.
Sa peau est très douce et on fond de tendresse devant ce « petit » être qui sera bientôt un géant. Ce furent vraiment des moments de très intense émotion comme le sont toujours ces moments où l'on est en contact intime avec la nature et les animaux.

Nous le laisserons aller vers un autre bateau dont les touristes nous regardaient depuis un moment avec beaucoup d'envie...

Le retour en bateau sera silencieux mais que de bonheur au fond de nos cœurs...

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