Mongolie
A l'office du tourisme d'Ulan Batoor, Mona nous accueille avec son délicieux sourire. Entre nous s'est installée dès notre premier passage à UB une relation d'amitié. Nous passons avec elle, en dehors de son cadre de travail, de très bons moments comme lorsque nous l'avons invitée à manger dans notre fourgon. A 18 ans elle a une maturité étonnante. Elle nous apprend beaucoup sur la Mongolie, sur le vécu mongol analysé avec recul et lucidité par une mongole.

15 juillet 2014

Nous revenons en Mongolie le 23 juin 2014 pour notre deuxième séjour, plus long que le précédent puisque, avec la prolongation obtenue à Ulan Batoor, nous diposons maintenant de deux mois .

Le dernier soir, nous sommes allés au restau et à 22h, Mona rentrait chez elle, en rollers, en short, dans la circulation d'Ulan Batoor, sans lumière ni protection, pour un parcours de 10 km, 40 minutes nous dit-elle. Elle est bien arrivée. Ouf ! Nous avons le cœur gros de la quitter.
Nous retrouvons aussi, « par hasard », Françoise et Bruno, avec qui les contacts par SMS ne marchaient pas et qui étaient aussi inquiets sur notre sort que nous l'étions sur le leur ! Leur véhicule stationné au garage Mercedes nous a signalé leur présence et nous avons pu leur faire la surprise de notre arrivée.
Les problèmes mécaniques les obligent à rester plus longtemps que nous à Ulan Batoor. Après un week-end passé en leur compagnie dans l'attente de notre visa kazakh, nous nous préparons à quitter UB, sa foule et ses embouteillages pour nous retrouver enfin dans la solitude de la steppe mongole.
Nous avons attendu près d'une semaine nos visas kazakhs et les « I hope to-morrow » de la gentille secrétaire nous sont devenus insupportables. En moins de deux minutes, nous avons décidé de changer notre itinéraire et de ne pas aller au Kazakhstan, et nous avons repris nos passeports.
Nous sommes ravis de cette décision qui nous permet de rester nos trois mois complets en Mongolie et de continuer notre voyage sans impératif de dates.
Le lundi en fin d'après-midi, nous partons pour l'est, le pays de Genghis Khan. Notre premier but est Dadal, une petite ville à 600 km de la capitale, moitié piste moitié goudron, où nous voudrions être pour le Nadaam, le samedi 5 juillet. Peu après Ulan Batoor, une immense statue de Gengis Khan permettrait aux touristes de grimper à l'intérieur et même jusque dans la tête du cheval , paraît-il ! (un peu comme Notre-Dame du Puy).
Nous avançons vite le premier jour sur le goudron puis la piste sèche. Dans la nuit éclate un orage et la pluie ne cessera plus de toute la journée. La route est glissante, les flaques d'eau se remplissent à vue d’œil. La visibilité est par ailleurs déplorable.
Un mongol nous demande quelque chose que nous ne comprenons pas. Nous pensons plus tard qu'il voulait faire la route avec nous. Sa voiture démarre sans un bruit. Hybride. Il nous attend, nous l'attendons, sans vraiment nous suivre et sans nous perdre de vue non plus.
Klaus prend une déviation et le fourgon glisse sur la boue. Moments stressants, on ne sait jamais si on va ou non passer, si on va s'enfoncer dans la boue et rester immobilisé des heures. Dans la boue, comme dans le sable, il faut rouler assez vite (20km/h au moins) et on ne doit pas s'arrêter avant de trouver un endroit sûr. Cela oblige à prendre très vite les décisions sur le trajet à emprunter, car bien sûr, les déviations sont nombreuses et les choix multiples. Une erreur d'appréciation et on est pris. C'est là que la fonction de copilote prend toute son importance (il faut bien qu'il serve à quelque chose) ; on n'a pas trop de quatre zyeux alors ! nous sommes en quelque sorte en vision double foyer : Klaus est la vision de près, moi la vision de loin. On passe. La voiture nous emboîte le pas. Elle passe aussi. Qui a dit que le 4X4 est indispensable en Mongolie ? Même les simples voitures de tourisme font des trajets difficiles.
Une camionnette lourdement chargée transporte le déménagement d'une yourte. Le chauffeur cherche un passage. La camionnette tombe dans un trou rempli d'eau et oscille dangereusement, prête à se renverser .
Nous nous arrêtons dans l'herbe pour une pause café bien méritée ! Nous sommes garés au milieu des edelweiss ! Quelle récompense ! La pluie arrête et la piste reste boueuse mais la visibilité est bonne à présent.
On atteint la petite ville de Norovlin. De là, il nous reste encore 75 km pour rejoindre Dadal. Nous décidons de les faire encore dans l'après-midi. Nous ne sommes pas au bout de nos peines ! Soudain, la route est barrée et la déviation ne nous dit rien qui vaille. La route s'est effondrée plus loin et des travailleurs en train de la remettre en état viennent vers nous et nous expliquent que c'est bien là que nous devrons passer.
Klaus demande s'ils nous poussent si on reste bloqué. C'est d'accord. Ils s'installent pour le spectacle, appareil photo en main, se réjouissent déjà. Mais Klaus bricole, bricole sur le fourgon, … alors ils se lassent et je les vois remonter vers leur yourte. Klaus est prêt. Caméra en main, je l'attends de l'autre côté du passage. Le voilà qui s'élance à travers les arbres, dans la boue creusée de sillons. Il passe, très bien même. Le chauffeur du 4X4 qui s'était posté à la sortie pour le tirer remonte dans son véhicule à la fois surpris et dépité. J'étais fière de mon chauffeur ! En fait son petit bricolage consistait à mettre les chaînes, un accessoire qui rend parfois de bons services !
Nous gardons les chaînes car nous avons encore une rivière à passer. Lorsque nous la voyons apparaître, nous pâlissons ; jamais on ne pourra traverser ! Et alors, la logique parle. Il y a forcément un pont ! Bien sûr qu'il y en a un !
Nous traversons des prés recouverts d'edelweiss, de lys martagon orangés, d'asters mauves en petits bouquets, et de tant d'autres fleurs. La Mongolie est vraiment un jardin magique !

Après encore quelques passages de boue, quelques petits cours d'eau, nous arrivons enfin à Dadal le mercredi soir.

Klaus fait l'entretien du fourgon ; de loin le patron du bureau du WWF le remarque et arrive en moto, avec sa secrétaire parlant anglais et que nous connaissons déjà, pour s'enquérir si nous avons des problèmes.

Jeudi et vendredi, nous faisons du tourisme, nous nous reposons dans notre fourgon. Nous pouvons enfin évacuer le stress de la conduite.

Dadal est le lieu de naissance de Genghis Khan. A l'endroit précis (supposé) se dresse un grand ovoo avec une plaque. On dit ce lieu riche en énergie. Nous avons fait le plein.

On s'ensable quelques centaines de mètres plus loin en traversant le lit d'une rivière à sec. L'énergie emmagasinée me suffira à faire sortir d'une chiquenaude le fourgon du sable.

Sceptique, Klaus laisse sous-entendre que, peut-être, le fait d'avoir dégonflé les pneus...

Nous sommes aussi allés boire à la source où la mère de Temudjin prenait l'eau pour son thé. (Selon le guide Lonely planet : "Vous n'avez jamais bu de l'eau aussi froide !". Il n'a sans doute jamais fait le plein d'eau en Mongolie, ni bu de l'eau de nos montagnes...)

En dehors de tous ces endroits historiques, Dadal est aussi une charmante petite ville. Il y a beaucoup de forêts donc peu de yourtes mais des maisons en rondins de bois. Sur cette place, chaque maison de bois est une boutique. On passe de l'une à l'autre pour acheter ici du pain, là des yaourths, là-bas de la bière. Les habitants sont adorables même si pour parler, on a toujours des problèmes !
Le dimanche, nous quittons la ville pour retourner à Norovlin où doit se dérouler le prochain Nadaam. En fait pas de Nadaam avant une semaine, mais tout de suite, de la pluie. Il pleuvra toute la nuit et toute la journée. Impossible de prendre la route. Ici et là, d'autres véhicules attendent que la piste sèche. Notre consolation sera de regarder par la fenêtre les très grosses edelweiss qui nous entourent. Une journée comme celle-là est néanmoins appréciable pour nous mettre à jour dans le tri des photos et des films (lors d'un Nadaam, nous n'arrêtons pas!) et différents travaux que nous n'avons le cœur d'attaquer après une journée de pistes..
Le 18 et 19 juillet, c'est la grande fête bouriate qui a lieu tous les 2 ans. Les préparatifs sont visibles : tous ont un pinceau à la main pour rafraîchir maisons et palissades. Les rues sont en chantier : on rebouche les ornières avec du sable, le tout bien lissé au rouleau compresseur. On monte des lampadaires en ville et chaque nuit nous voyons quelques lumières en plus.
Et le samedi 5 juillet, c'est le Nadaam. Un petit Nadaam puisque deux semaines plus tard sera le grand avec la fête. Nous ne serons malheureusement plus là pour vivre cette fête qui promet d'être bien belle. (voir article : les 3 Nadaam)
Le lundi, on prend la route vers le nord. La piste est encore assez mouillée mais on arrive à passer jusqu'à une petite rivière assez profonde et au courant rapide. Le pont est effondré. On n'ose pas se risquer de peur de rester bloquer au milieu de l'eau, et on fait demi-tour.
Retour à Norovlin où les conducteurs d'une camionnette transportant quatre vaches et d'un semi-remorque vide qui nous ont déjà vus passer quatre fois dans la journée sont devenus des copains. Les 100km entre Norovlin et Batnorov se feront plus ou moins en leur compagnie, chacun suivant l'autre, le dépassant, se laissant dépasser en fonction des possibilités de chacun.
Arrivés devant la route submergée, nous nous arrêtons les uns après les autres. Des enfants à cheval jouent dans les prés inondés. L'un d'eux nous fait signe de passer et, devant l'hésitation des trois conducteurs, va dans l'eau avec son cheval pour nous montrer la profondeur de l'eau. Et la course reprend.
Jamais nous n'avons été si vite ! et en plus dans la boue ! Klaus pense s'inscrire au Dakar dans la catégorie « Fourgon 2 Roues Motrices ». Il est absolument sûr de gagner (vu qu'il serait sûrement le seul de sa catégorie!)
A Batnarov, nous voyons les préparatifs du Nadaam qui a lieu le lendemain. Heureusement qu'on avait trié nos photos ! Totalement différent de celui de Dadal, ce Nadaam sera encore l'occasion d'une journée de bonheur bien qu'épuisante. (voir article : les 3 Nadaam)
En milieu d'après-midi, nous reprenons la route. Pas très facile à trouver, la piste. Une erreur d'estimation nous plante joliment dans la boue ! Après que nous ayions déjà bien manœuvré, une camionnette chargée d'un cheval (en route pour le Nadaam) s'arrête et on nous donne un coup de main.
Après avoir poussé en avant, en arrière, on opte pour la remorque vers l'arrière, Klaus ayant une bonne réserve de sangles. On aurait pu s'en sortir seuls mais en travaillant au moins une heure de plus. Nous noterons qu'en 10 ans et plus de 200000 km, c'est la première fois que l'on remorque notre véhicule. Une bonne petite bête quand même !
Nous continuons notre chemin sur des pistes très peu fréquentées. Nous ne croisons guère plus d'une voiture ou une ou deux motos par jour. La présence humaine est signalée par quelques yourtes éparses. Il n'existe guère d'endroits en Mongolie où on ne rencontre pas de yourte.
Ces pistes sont pour nous un délice, d'une part parce qu'il n'y a pas ou peu de tôle ondulée, d'autre part elles sont en terre ou en sable, pas de cailloux donc très douces. Le milieu de la piste est de l'herbe d'où s'échappent en trottant quantité de rongeurs et d'où s'envolent des groupes d'oiseaux parfois magnifiques.
Le long de la piste nous voyons de très nombreux faucons saker, oiseaux immenses au vol gracieux. Ils ne bougent pas lorsque l'on passe, mais si la voiture s'arrête, ils se méfient et, après délestage, s'envolent pour se poser un peu plus loin. Le faucon Saker est l'oiseau symbole de la Mongolie (et non pas l'aigle).
Lorsqu'une averse survient, en général très violente, de nombreuses flaques d'eau se créent et la piste devient tout de suite boueuse et glissante. Quelques heures suffisent à la sécher suffisamment pour nous permettre de reprendre la route. Nous allons vers le désert de Gobi, au sud et le sol, plus sec, se couvre après l'averse d'un duvet vert tendre
Les couleurs très pures de l'herbe et des nuages gris violet foncé font un spectacle merveilleux. Nous aimons nous arrêter pour la nuit dans la steppe, loin de tout bruit et de toute lumière.

Au bord de la piste, une voiture est arrêtée, capot ouvert. Un homme nous fait signe d'arrêter puis nous explique qu'étant en panne il voudrait qu'on l'emmène à une yourte. Quelques km plus tard, il nous montre avec fierté « Maya yourta » (transcription phonétique, les russophiles excuseront). Le voyant arriver dans cet inhabituel équipage, sa femme et son fils s'inquiètent. Mais notre homme est très souriant ce qui les rassure, et il nous invite à entrer dans sa yourte. L'intérieur est simple, joli ; la télé, un grand écran plat, présente un dessin animé.Tout de suite on nous sert le thé et les directives sont données pour que tout nous soit proposé : petits fromages sous différentes formes, pain, crème de lait, yaourth. Klaus aime ces fromages qu'il connaît bien et se régale. De mon côté, je n'y touche pas craignant quelques surprises. Notre homme retrouve son russe oublié depuis longtemps et nous arrivons à parler autrement qu'avec des sourires.

Sa femme est là, habillée dans une robe plus ou moins en loques, son vêtement de travail, les jambes arquées et déformées comme beaucoup de gens en Mongolie (travail trop pénible ou conséquence du cheval?). Le fils est un solide gaillard d'une trentaine d'années, proche du père qui lui sert d'interprète. Et soudain une apparition tout à fait incongrue dans ce décor, une fillette d'une dizaine d'années, bien habillée, bien coiffée ; une vraie petite fée ! Nous prenons des photos, ils en sont ravis. (sur les photos, les mongols ne rient jamais!)

Puis c'est le départ. Tous nous font de grands signes de la main, le visage rayonnant de bonheur, en particulier la femme. Nous avons assurément illuminé leur journée. Eux ont illuminé la nôtre...

Un fennec se tenait au bord de la piste et nous regardait venir. Il ne se sauvait pas et n'a commencé à s'éloigner que lorsque nous avons arrêté le véhicule, sans se presser et en s'arrêtant fréquemment pour nous regarder. Les annimaux sauvages sont toujours très curieux (tout comme les touristes) .

Quelques grues demoiselle, très courantes en mongolie, s'éloignent de leur pas cadencé.

Nous repérons de loin un troupeau de chameaux sur la piste quand soudain, une troupe de 6 gazelles traversent la piste et s'éloignent très rapidement. On dit que le meilleur conducteur de jeep ne rattrape pas les gazelles, comparaison à mon avis absurde parce que ce n'est pas le chauffeur qui court...
Les gazelles, on n'a pas eu le temps de les photographier (on court encore moins vite que le chauffeur). Nous allons donc vous présenter la Nouvelle Collection Été de la mode Chameaux . Ils sont quand même plus jolis qu'avec leurs vieilles hardes de printemps !
Après 800 km de pistes, les meilleures que nous ayons eues en Mongolie et où notre vitesse moyenne a dépassé les 34km/h au lieu des 24km/h d'ordinaire, Klaus ayant retrouvé l'usage d'une troisième et d'une quatrième de croisière  ! nous arrivons à Saynchand, l'entrée au désert de Gobi.
Nous reverrons d'autres gazelles plus tard sur cette piste seulement fréquentée par elles et nous. Tous les 70 à 100 km, nous passons dans un village où nous faisons le plein d'eau et achetons quelques provisions.
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