Argentine
4 janvier 2016
Nous quittons La Serena et la côte Pacifique
sous un ciel brumeux et gris. Nous avons presque toujours vu cette côte Pacifique
sous un ciel gris. A La Serena, vers midi, la brume se lève et un peu de ciel
bleu apparaît dans l'après-midi. La mer reste assez froide cependant.
Nous
passons la douane chilienne à 4300m. Nous faisons les différentes formalités
et un carabiniero reste près de notre fourgon. Nous entamons la conversation,
parlons du mal des montagnes qui doit aussi toucher le personnel de la frontière ;
il me parle d'herbe de la montagne qui soigne le mal d'altitude et m'emmène
vers le logement qu'il occupe avec ses confrères. Là il me donne de ces herbes,
m'explique comment les utiliser puis va fouiller dans ses affaires et m'offre
une petite statuette. Je suis très touchée par ce petit cadeau.
Nous
commençons à monter vers le col San Francisco et traversons Copiapo, une ville
minière, totalement morte en ce dimanche. Néanmoins, de très grands et luxueux
centres commerciaux sont ouverts, et choquent un peu dans cette ville au milieu
du désert. Nous continuons notre route qui monte toujours. De nombreuses mines
sont sur le chemin mais toutes sont fermées pendant la période des fêtes et
nous ne rencontrons guère de véhicules.
Fiambala,
la prochaine ville est à 439 km. La piste est par endroit totalement
reconstruite car l'ancienne a été ravagée par les pluies diluviennes qui se
sont abattues sur cette région créant des torrents qui ont tout emporté
sur leur passage, creusant de très profondes ravines.
Nous
nous arrêtons pour la nuit à 3300m, l'altitude idéale pour encore bien dormir.
Puis nous continuons notre montée vers le col San Francisco ; le paysage est
comme toujours magnifique dans ce désert. Peu de véhicules nous doublent, aucun
ne vient en sens inverse. Passés les 4200m, je commence à ressentir un mal de
tête qui va aller en s'aggravant au fur et à mesure que l'on monte.
Nous
restons un certain temps à discuter avec lui, parlons du Dakar ce qui provoque
immédiatement une grimace. Non, il n'aime pas le Dakar. La première fois c'était
une curiosité, mais maintenant cela suffit. Le Dakar était passé juste après
nous à ce col en 2011, il y est encore passé l'an dernier. Le nombre de véhicules
et de passagers, le surcroît de travail pour les douaniers, les pistes massacrées
et l'environnement méprisé font que le Dakar n'est pas apprécié ici au Chili.
La version 2016 ne passera d'ailleurs pas dans ce pays.
Nous
continuons notre montée vers le col et le mal de tête continue aussi sa montée.
Le mal d'altitude est spécial ; il plonge dans une sorte d'inconscience et de
somnolence ; on sent que l'on pourrait être prêt à des actes incontrôlables,
avec toujours ce marteau qui tape dans la tête... Ayant pris une gélule de Sorojchi,
je ressens un mieux en arrivant à la Laguna Verde, juste sous le col.
Magnifique
laguna ! Nous pouvons admirer le Nevado Ojos de Salado, 6800 m, que nous n'avions
pas pu seulement apercevoir en 2010, car en arrivant au col nous avions eu droit
à une tempête de neige. Nous sommes entourés d'une vingtaine de sommets
de plus de 6000m dans un rayon assez réduit. Mais comme nous sommes déjà
à 4700m, la hauteur des montagnes paraît moins impressionante.
Nous
voyons arriver en sens inverse un cycliste tout emmitouflé, poussant son vélo
très chargé, courbé pour faire face à un vent assez violent, zigzagant à cause
de l'effort sur une piste de cailloux mobiles. Nous nous arrêtons pour savoir
s'il a besoin de quelque chose. « Dulce ! » (du sucré). Nous lui donnons des
mangues, des pêches. Tout de suite, il croque avidement dans une mangue. Il
n'a pas mangé à midi. Lorsque nous l'avons croisé à la Laguna Verde, il venait
de passer le col à 4700 m.
Je
me sentais assez mal à cette altitude et pourtant quel confort dans notre fourgon !
Sur son vélo, des bouteilles d'eau ; chaudes sans doute car en plein soleil.
Son pantalon est déchiré sur toute la longueur de l'entrejambe, sa tête est
enveloppée de tissus pour éviter les brûlures du soleil.
Après avoir fait le plein de fruits et
biscuits, il repart en poussant son vélo, face au vent, toujours en zigzaguant.
William aura parcouru plus de 400km, tout seul dans ces montagnes arides sans
voir d'autres gens que ceux des deux postes de douane (et nous) partant de
Fiambala et arrivant à Copiapo, en passant en chemin le col à 4700m. Et ce
n'est qu'une infime partie de son périple. Quel
courageux bonhomme !
Nous
nous arrêtons pour passer la nuit à l'habituelle altitude de 3300 m. Le ciel
est assez menaçant mais nous n'aurons pas de pluie. Le lendemain nous comprendrons
pourquoi nous n'avions pas rencontré de véhicules la veille.
Des
machines travaillent à l'évacuation de la boue due aux éboulements. Il a beaucoup
plu l'avant-veille côté argentin alors que nous quittions Copiapo.
Nous avions bien remarqué les gros nuages menaçants qui n'annonçaient
rien de bon de l'autre côté du col.
Nous
roulons dans un paysage grandiose, magnifique ! Les couleurs des rochers passent
sans transition du rouge au noir, au jaune, au blanc. Et nous revoyons des arbres,
de l'herbe, des chevaux aussi. La vie !
Ce
sont ces pluies torrentielles emportant tout sur leur passage qui auront compromis
les premières étapes du Dakar.
Nous
faisons une halte aux thermes de Fiambala pour des baignades dans de l'eau bien
chaude ! (de 37° à 40° selon le bassin) très décontractantes, même
si la température extérieure flirte avec les 35°. Le soir
nous rejoignons la Ruta 40 et nous arrêtons au bord de la route, à côté d'un
autel dédié à la Difunte Corea (morte de soif dans le désert en allaitant son
enfant).
D'innombrables
bouteilles en plastique lui sont offertes ; elles sont à moitié pleines d'eau ou de sable pour éviter que le vent ne les emporte. Ce culte à la Difunte Corea que l'on rencontre
partout en Argentine et au Chili, est plus intense dans les régions désertiques.
Par ailleurs, l'événement s'est passé pas très loin d'ici.
Pendant
que nous étions au Chili, une avancée notoire s'est produite dans la politique
en Argentine avec l'arrivée du nouveau président Macri. Le Blue Dollar n'existe
plus et on peut maintenant payer et retirer de l'argent aux distributeurs à
un cours tout à fait normal. Les spéculateurs ont dû faire une drôle de tête
!
A
Belen, toute petite ville, future étape du Dakar (une semaine plus tard), nous
retrouvons la circulation, les bouchons, les klaxons. Mais aussi les fruits
et légumes et une visite au supermarché s'impose avant de repartir ! Quelques
sms sont envoyés pour prévenir la famille que nous serons coupés
du monde pour une semaine.
Nous
partons vers notre première étape à travers la Pampa d'Atacama : Antofagasta
de la Sierra. Nous ne savons absolument rien de la piste que nous allons emprunter,
seulement que cela sera le désert total. Nous avons déjà envisagé quelques solutions
de repli ou même de faire demi-tour si on ne pouvait pas passer. Notre première
surprise sera de trouver du goudron (certes parfois un peu abîmé) jusqu'à Antofagasta.
Notre
deuxième surprise sera le point que nous avions choisi pour la première nuit,
la Laguna Blanca. Pas la moindre goutte d'eau, un peu de sel, des pâturages
pour les vigognes. Un vent violent s'est levé et, le soir, les éclairs feront
écho au tonnerre grondant dans les montagnes tout autour de nous. Le ciel est
d'un noir d'encre, mais nous n'aurons que quelques gouttes de pluie. Nous imaginons
le déluge qui s'est abattu pas très loin.
Le
lendemain, la route nous fait découvrir d'étonnants paysages, des vaches dans
les dunes et ces montagnes noires au milieu du sable blanc ou rose. Isolées
dans le désert, elles sont entourées de pierres noires et nous soupçonnons
des coulées de lave. Mais on ne peut pas les approcher.
Au
loin, une coulée blanche qui ferait penser à un glacier, descend dans le sable.
A cette altitude, 3500m, et par ce soleil, ce ne peut pas être de la glace.
Vu la pente, ce ne peut pas être non plus un salar. Plus tard sur la piste,
nous verrons un camion chargé de ce minerai et au vu des morceaux perdus, nous
penserons qu'il s'agit peut-être de borax.
Plus
loin, nous revoyons ces montagnes noires et nous nous en approchons de plus
en plus. Les montagnes montrent des cratères explosés, rouges ou noirs, le sol
est jonché de lave empilée sur une grande hauteur. Spectacle fascinant, désolé
et on ne peut s'empêcher de penser à ce terrifiant cataclysme lors des explosions.
La lave est déchiquetée et ayant été peu soumise à l'érosion, nous pensons que
les éruptions ne doivent pas être très anciennes, ce qu'on l'on nous
démentira plus tard « Millones de anos ! »
La
Laguna d'Antofasta sera une belle surprise. Après ce déchaînement volcanique,
nous arrivons à une laguna verdoyante, oasis de fraîcheur. L'air très pur à
3350 m renforce l'intensité des couleurs en cette fin d'après-midi. Le vert
de l'herbe, le bleu de l'eau et le jaune doré des roseaux font un admirable
tableau.
Dans
l'eau, les flamants roses raclent interminablement le fond de l'eau de leur
bec crochu avant de s'envoler dans un délicieux ballet.
Les lamas s'approchent de nous pour brouter une herbe sûrement meilleure ici.
Les petits qui ne broutent pas encore folâtrent entre les adultes et parfois...se
font attendre.
Le calme, la sérénité qui se dégagent
de cet endroit sont extraordinaires.
C'est
ici que nous changeons d'année !
Gracias, Juan, para
su amistad y para la Senora que nos protege en nuestro viaje!
William
est colombien. Il est souriant, heureux. Une ombre dans ce bonheur, ce sont
les fêtes de fin d'année (nous sommes le 27 décembre) qu'il passe loin de sa
famille, dans une totale solitude ; demain, c'est l'anniversaire de son père
et il ne pourra pas lui souhaiter.
Nous
passons le col, puis redescendons assez vite pour retrouver des altitudes plus
respirables pour moi. Dés le col, nous trouvons un très bon goudron. Le paysage
change complètement ! Côté chilien, c'était le désert total sans aucune végétation.
Côté argentin, les herbes jaunes, si typiques de l'Amérique du sud, recouvrent
les reliefs, conférant aux montagnes une superbe couleur dorée.
Nuit
calme, avec plein d'oxygène (nous sommes à 1000m environ) avant de remonter
vers les altitudes désertiques de la Pampa de l'Atacama.
Oasis
dans le désert...
Le lendemain matin, déconvenue à la (seule)
station-service d'Antofagasta de la Sierra. Fermée jusqu'à 18h pour le 1er
janvier. Déjà dans le pickup et prêt à partir, le pompiste ouvrira la pompe
pour nous. Nous voulons toujours faire le plein avant de partir dans le désert.
Je lui demande si le Dakar va passer ici cette année. «Heureusement !
Non ! Dakar es muy malo ! » .
La
ville est très petite, une station-service, peu de boutiques. On imagine le
rush du Dakar dans cette petite ville endormie. Sur la place centrale se dresse
un arbre de Noël très original : un immense cône fait avec des bouteilles plastique
et garni de boules, de guirlandes de Noël. Nous sommes en plein désert, l'eau,
c'est tout !
C'est
la piste à présent, mais une bonne piste, sans difficulté, avec quelquefois
de la tôle ondulée. Le paysage est absolument fantastique. L'érosion a travaillé
les pierres ; les couleurs du sable et des rochers sont multiples. C'est plus
beau encore que le sud Lipez sauf qu'il manque les lagunas.
Mais
ici, pas un touriste, pas une voiture. Nous sommes seuls et nous sommes bien.
Ici,
à Incahuasi, quelques maisons en ruine et le cimetière témoignent d'une activité
minière révolue.
Cette
route pourrait s'appeler « la route des salars » car nous allons en voir de
très nombreux, certains de la taille d'un lac, mais d'autres immenses.
Nous sommes ici au Salar de l'Hombre Muerte (de l'Homme Mort). Plus
de vie à cet endroit, sauf tout à coup ces petits ânes curieux qui viennent
vers nous.
Nous
nous arrêtons à l'écart de la route pour la nuit près d'un autre grand salar.
Il nous faut à présent choisir des endroits légèrement en pente car notre fourgon
démarre mal le matin, surtout en altitude. Peu de temps après notre arrêt,
un pickup arrive avec deux mineurs. Sur le salar nous avions remarqué au loin
des bâtiments. C'est une mine de lithium et ces deux hommes, nous ayant vu arriver,
venaient voir si tout allait bien.
Il
sont à peine partis qu'un vent violent se lève et qu'une tempête de sable se
déchaîne. Les rafales secouent le fourgon en tous sens. Le tonnerre gronde et
les éclairs zèbrent le ciel. C'est un orage sec, nous n'aurons pas une goutte
d'eau. Au milieu de la nuit, le vent se calme et il n'y aura plus que quelques
rafales de temps en temps.
Sur
tout ce trajet, nous n'aurons rencontré que deux ou trois véhicules par jour.
Cependant, jamais nous ne nous sentons en insécurité dans le désert, dans la
mesure où nous restons sur les pistes. Quand un véhicule passe et nous voit
arrêtés, il ne manque jamais de ralentir, voir s'arrêter jusqu'à ce que nous
fassions des signes que tout va bien. La solidarité dans le désert ressemble
à celle de la montagne (celles du moins qui ne sont pas encore envahies de promeneurs
!).
Le
lendemain, nous arrivons vers midi au poste de douane argentin du Paso Sico.
Nous sommes maintenant en territoire connu, ayant déjà franchi ce col, vers
Salta, en 2010.
Le
paysage est toujours époustouflant et nous ne nous lassons pas de prendre photos
et films.
Nous
nous arrêtons pour une dernière nuit de silence et de solitude avant San Pedro
de Atacama.