Brésil

Pantanal et l'Amazonie du sud. 25 avril 2010.

Chapada dos Guimaraes est un endroit important, du moins pour les passionnés de l'Unique : c'est en effet le point géodésique d'Amérique du Sud. Dessinez l'Amérique du sud sur un support quelconque, découpez-en le contour et mettez la découpe en équilibre sur la pointe d'un crayon : elle se situera à Chapada dos Guimaraes. Extraordinaire, non ?

Ayant ouï dire que des touristes étaient arrivés, un superbe ara est venu se poser sur un palmier près de la voiture.
Nous ne nous attardons pas dans la région, un peu trop exploitée pour le tourisme. Après avoir renoncé à la visite d'une grotte qui nous revenait à la bagatelle de 70 €, puis admiré la cascade dite du Voile de la Mariée (entrée gratuite !), nous passons par Cuiaba pour atteindre la petite ville de Poconé, porte du Pantanal nord.
Une piste part de Poconé, la Transpantaneira, et rejoint Puerto Joffre 140 km plus loin. Nous sommes surpris par sa largeur, une véritable autoroute ! Cela a le grand avantage de pouvoir s'arrêter partout sans gêner les autres véhicules ; le but de cette route est en effet de pouvoir admirer la vie sauvage tout au long du parcours.
Annoncé par un panneau, un élément de cette faune est au rendez-vous. Discipliné, il attend au bord de la route son tour pour traverser. Il ne traversera d'ailleurs pas car un touriste venant en face ayant eu la mauvaise idée de descendre de voiture pour le photographier de plus près (pour éblouir les copines ), notre caïman effectue un rapide retour et plonge dans le lac. Nous y verrons ensuite plusieurs museaux aux yeux scrutateurs surveiller leur congénère.
Nous nous arrêtons pour la nuit à la Fazenda Portal do Paraiso, la Porte du Paradis. Quelques caïmans montent la garde à l'entrée. Notre fourgon est logé en pleine nature, sur une herbe bien verte, à côté des palmiers, avec la forêt un peu plus loin. Notre hôtesse nous montre quelques oiseaux dont le Tuiuiu, oiseau fétiche du Pantanal dont nous reparlerons plus tard.

La nuit est des plus calmes et dès le lever du soleil, je profite de ce délicieux environnement, pieds nus dans mes tonks sur l'herbe mouillée de rosée. Le lendemain, des démangeaisons prodigieuses me signalent que j'ai été victime de quelques insectes sournoisement cachés dans cette herbe attirante...

Il fait chaud et surtout terriblement humide ! Nos corps ruissellent de sueur. Même au Portal do Paraiso, le paradis n'existe pas...

Nous allons faire une petite promenade. A peine entrés dans la forêt, la queue d'un caïman nous barre la route ; la tête apparaît de l'autre côté de l'arbre. Mais il a plus peur que nous et s'empresse de courir vers l'eau où l'attendent quelques copains.
Nous traversons des mares sur des ponts faits de planches de bois ; la première planche où nous mettons le pied se brise, pas très rassurant pour la suite du parcours, d'autant plus que ces mares sont bien habitées.
Nous sommes courageux, certes, mais notre bravoure n'est due qu'au fait que nous avons appris que ces caïmans ne sont dangereux ni pour les oiseaux, ni pour les autres animaux (dont les hommes) car il y a beaucoup de poissons et ils n'ont pas faim. Mais quand même, ce sont des caïmans... D'ailleurs, montant sur un mirador, nous nous sommes sentis surveillés...
Nous reprenons ensuite la piste, lentement car il y a tant d'oiseaux à voir et à photographier. Autour de nous, tout est inondé et l'eau arrive au ras de la route, à gauche comme à droite. Passant sur les ponts de bois (il y en a 120 sur cette piste !), nous voyons que l'eau s'écoule de gauche à droite avec un assez fort courant. L'eau semble très noire, mais elle est en fait d'une grande clarté et c'est le fond qui est noir.
Sur notre chemin, nous voyons quelques fazendas dont l'accès est bien inondé. Celle-ci s'appelle aussi Paraisio. Mais ici le Paradis est en vente... De l'eau, de l'eau partout, et le petit ruban rouge de la piste qui passe au milieu...
Parfois l'accès au pont est un peu abimé et il ne faut pas rater son entrée ! Pour certains ponts, du bois a même été mis en contrebas pour éviter qu'un véhicule tombant dans le trou ne se retrouve à l'eau !
Nous rencontrons un troupeau de vaches. Immense. Les gauchos sont occupés à aider une vache qui semble coincée dans le pont. Nous traversons un peu difficilement ce troupeau car certaines vaches n'entendent pas se lever à notre passage ! La grosse machine aura quand même raison des éléments récalcitrants...
Nous les retrouverons le soir quand les gauchos, arrivés à destination, seront occupés à faire entrer le troupeau dans les enclos, au milieu des champs inondés.
La piste est en très bon état, mais le travail de la pluie fait que parfois la terre s'effrite aux abords du pont ou que l'eau stagne en grandes flaques et... Et oui ! Nous avons déjà parcouru 70 km quand la piste apparaît soudain impraticable pour notre véhicule. Les véhicules sont rares ce jour-là et quand un 4X4 arrive, nous le voyons glisser en tous sens dans la boue. Plus tard, un autre véhicule venant en face prend son élan ; nous le voyons sauter dans les grands trous et quand il arrive près de nous, nous constatons qu'il a des chaînes.
Certes, nous en avons aussi dans notre coffre mais nous ne voulons pas prendre le risque de casser notre fourgon dans des trous remplis d'eau rouge dont il est impossible de voir le fond. Notre route sur la Transplantaneira s'est donc arrêtée au km 70 et nous faisons demi-tour sans trop de regrets car Klaus commence à souffrir de son dos et la piste n'est pas pour arranger les choses.

Une grande famille de cochons se promène tranquillement sur la piste (seulement quelques uns des enfants sur la photo!).

Nous promenant sur le chemin de la fazenda, un gros iguane détale devant nous de sa démarche cocasse qui provoque chez nous un gros fou-rire !

Nous passons notre deuxième nuit dans une autre fazenda où l'électricien ambulant m'entretiendra dans un mélange de portugais et d'espagnol sur les « tigres » du Pantanal dont il venait de rencontrer un exemplaire en arrivant ici, de nuit, avec sa moto. Ils sont très nombreux ! me dit-il. En fait, il s'agit de jaguars et je ne suis pas sûre qu'il soient aussi nombreux qu'il le disait....
Avant de quitter la Planspantaneira, nous voyons des Tuiuius, l'oiseau fétiche du Pantanal. Lorsqu'ils volent, ils battent lentement leurs très larges ailes. Nous en observons deux situés assez près de la route. Ils pataugent dans l'eau, au milieu des feuilles, raclant le fond des mares avec leur long et large bec.
Il y a beaucoup de pêcheurs tout au long de la route. Il est très drôle de les voir pêcher au milieu des herbes. On pourrait penser que les lignes s'accrochent sans cesse, mais apparemment la technique est efficace ! On ne les a quand même vus ne prendre que des poissons assez petits.
De retour à Poconé, nous avisons un petit restau qui annonce poissons et jacarés (caïmans). L'après-midi est déjà bien avancé et la patronne, une femme d'un étrange regard bleu métal, nous concocte un petit plat à base de caïman ; délicieux ! En Afrique, on nous avait dit, il y a 30 ans, que le goût du crocodile se situait entre le serpent et la tortue. Nous ne connaissions ni l'un, ni l'autre !
Puis, après un ballet séducteur, ils s'accouplent, la femelle ouvrant légèrement ses ailes sur lesquelles le mâle parvient à s'accrocher. De nouveau côte à côte, ils se lanceront dans un passionnant dialogue en claquant du bec, et chacun entreprendra une longue toilette, ouvrant et referment ses ailes.

En fait le jacaré a une chair semblable à celle du poisson quand elle est crue, à celle du poulet mais très blanche quand elle est cuite ; quand au goût, il est unique pour nous, et finalement peut-être est-il entre la tortue et le serpent ?...
Nous retrouvons au Pantanal le Capivara, peut-être le plus gros rongeur du monde, une sorte d'hamster géant que nous avions déjà rencontré à Ibera, en Argentine. Il a vraiment une bonne bouille !
Nous quittons le Pantanal sauvage, et touristique, et rejoignons Caceres, sage petite ville ... si on n'avait pas eu l'idée de se garer dans une station-service, juste à côté d'un bar-disco ouvrant à 21 h et fermant à 7 h du matin, avec musique non-stop... Terrible !
On part ensuite pour une longue traversée du sud de l'Amazonie en direction du Pérou. Nous suivons la seule grande route est-ouest, au nord de la Bolivie, qui passe par Porto Velho puis Rio Branco.
Nous n'avons que très peu d'informations sur cette route, l'inconnue restant la route du côté péruvien. Nous savons qu'elle est peut-être goudronnée jusqu'à Puerto Maldonado, mais sans doute 500 km de piste peut-être mauvaise ensuite jusqu'à Cuzco, avec le passage d'un col de 4700 m. En fait, peu de voyageurs passent par cette route, la plupart visitant le Pantanal sud et se rendent ensuite en Bolivie, sur la route des missions.
Les kilomètres défilent par milliers... les distances sont énormes. Une moyenne de 500 km par jour, de plus en plus difficile pour Klaus dont le mal de dos ne s'arrange pas. Le climat de l'Amazonie est dur, la température oscille entre 30 et 35° et l'humidité est extrême. Nos vêtements sont toujours mouillés de transpiration et nous apprécions le vent quand nous roulons.

Les champs sont souvent inondés, il y a de l'eau partout. Parfois, l'accès aux maisons n'est que boue, voir carrément un petit lac. Cependant, nous avons de la chance car nous n'avons quasiment pas de pluie. Les nuages sont superbes et les couchers de soleil magnifiques.

( ci-dessous, passage du Rio Madeira sur un bac)

L'état du Mato Grosso est très agricole. On y cultive essentiellement du soja qui, pour une grande partie, est transporté par camion jusqu'à Porto Velho. De là, il sera chargé sur des bateaux descendant le Rio Madeira jusqu'à Manaus puis l'Amazone jusqu'à Bélem. Enfin, des cargos le transporteront jusqu'aux Etas-Unis, principal acheteur du soja brésilien.

Dans le sud du Brésil, l'Amazonie est très « colonisée ». L'élevage extensif est le premier responsable de la déforestation. A gauche et à droite de la route, il n'y a plus de forêt sur des zones allant de quelques centaines de mètres jusqu'à plusieurs kilomètres et puis c'est de nouveau la forêt qui s'étend à l'infini. Pour défricher, on met le feu à la forêt. Des arbres immenses au tronc calciné se dressent au milieu des pâturages. Certains sont même parvenus à survivra à l'incendie.
La route de la Borracha (latex) nous mène à la petite ville de Xapuri, à une centaine de km de la frontière péruvienne. C'est là que se trouve la Casa de Chico Mendes, saigneur de latex, célèbre dans tout le pays pour la lutte qu'il a mené contre la déforestation et qui a abouti à son assassinat en 1988. Il était seringueria, c'est-à-dire qu'il saignait l'hévéa pour récolter la précieuse sève. Le seringa, l'hévéa, est natif de la forêt amazonienne et Chico Mendes s'est battu contre tous ceux qui détruisaient la forêt (donc les hévéas) : les propriétaires des fazendas pratiquant l'élevage intensif, les forestiers, les exploitations minières et tous les politiciens et policiers corrompus qui laissaient faire.
Trop d'ennemis pour rester en vie ! Derrière sa maison (les sanitaires sont au fond de la cour), on me montre l'endroit où il fut assassiné . Un petit bonhomme maigrichon avec une grande moustache et un grand chapeau m'a raconté de manière très vivante l'assassinat. Du moins je le crois... Il fut fort déçu de voir que je n'avais rien compris. Alors il a recommencé et je l'ai vu fort dépité devant cette touriste incapable de comprendre le récit d'un tel événement... Dans le musée, on me montre, exposée sous verre, la serviette de bain et le trou fait par la balle (il sortait de sa douche) ; les objets personnels : une paire de tonks, un short, trois chemises. Quelques photos aussi. Palpitant... Mais les maisons de bois de la petite ville sont jolies et la dernière nuit que nous passons au Brésil, bien tranquille...
Nous sommes fatigués et les nuits ne nous permettent pas de récupérer. Nous sommes dans ce climat chaud et humide pratiquement depuis notre arrivée au Brésil, il y a deux mois et demi et cela est beaucoup plus difficile à supporter qu'un climat sec. Nous avons hâte d'arriver à Cuzco, au Pérou.
Nous sommes sur la Estrada do Pacifico, la route qui relie l'Atlantique au Pacifique. Nous sommes partis de Salvador, au nord de Sao Paulo, et nous avons déjà fait plus de 5000 km quand nous arrivons à la frontière péruvienne. Là, un couple de voyageurs anglais nous annonce une bonne nouvelle : la route goudronnée de Puerto Maldonado à Cuzco est terminée. Il est désormais possible d'aller du Brésil au Pérou, d'un océan à l'autre, entièrement sur route goudronnée. Et pour nous, plus de piste difficile jusqu'à Cuzco !

Quelques palmiers et un gigantesque manguier entourent le portail d'entrée à une fazenda. Celle-ci peut se trouver à des km de là. Les chevaux aiment se baigner dans les champs innondés.

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