Bolivie
9 octobre 2015. La
frontière du Pérou en Bolivie au sud du lac Titicaca est du jamais vu pour nous.
La traversée de la ville frontière péruvienne se fait sur une route totalement
défoncée et nous remarquons l'absence des camions dés l'entrée. Il doit y avoir
un autre poste frontière pour eux. Mais les panneaux nous indiquent la ville,
alors nous continuons.
Sans
transition, nous arrivons sur une sorte de marché grouillant de monde. Alignés
en bord de route, les changeurs sont assis, avec dans les mains de grosses liasses
de billets qu'ils comptent et recomptent sans cesse. Entre eux des vendeurs
de fruits, mangues , pastèques, pommes...
Et
un grand trafic de motos-taxis et de vélos-taxis. Ce type de vélos-taxis se
trouve dans certaines villes du Pérou ; c'est comme un rickshaw mais à l'envers,
c'est-à-dire que le client n'est plus derrière mais devant ; notons un double
avantage : le client a une belle vue dégagée devant lui et pour le pédaleur
c'est un peu une assurance-vie...
Au
milieu de ce tohu-bohu, une banderole annonce : « Bienvenue en Bolivie ». La
frontière se traverse de part et d'autre comme une vulgaire rue, sans grande
formalité pour les locaux et à peine pour nous. Il y a tout de même une grande
queue devant le bureau de l'immigration où est ouvert seulement un bureau. Cela
se dégagera un peu plus vite à l'ouverture des deux autres bureaux.
Un
bus de touristes européens arrive. Chacun doit faire la queue pour faire tamponner
son passeport. A voir la mine des touristes se frayant un chemin, il est clair
que c'est leur première immersion dans la vie du pays, et qu'il ne l'apprécie
guère... Les groupes de touristes sont généralement conduits d'hôtels en sites
touristiques en passant par de bons restaurants privilégiés. Ils ne connaissent
pas le rude contact avec la population et restent très à l'écart de la vie quotidienne
dans le pays. Le passage de frontière est alors pour eux comme un parcours initiatique !
A
l'entrée en Bolivie, on doit se faire inscrire au poste de police. 300 bolivianos
(pas loin de 100 euro!). Par chance il nous reste juste assez d'argent péruvien
pour nous acquitter de la somme, et on nous remet un document où le montant
ne figure pas. Soupçonneux par nature (il vaut mieux l'être en voyage!) nous
demandons à ce qu'un reçu nous soit donné. Pas la peine, le papier suffit. On
insiste et finalement j'inscris la somme sur le papier en question et demande
tampon et signature. Klaus y retournera pour demander aussi le nom du policier.
La confiance règne ! Consultant mes notes de 2010 je verrai qu'on nous avait
déjà demandé la même somme à certaines frontières boliviennes (pas à toutes...)
Nous rejoignons la ville historique de
Tiwanaku. Le site est très fréquenté par les touristes. C'est le plus grand
(et peut-être le seul?) site historique en Bolivie et la culture Tiwanaku
serait à l'origine de beaucoup d'autres cultures plus récentes comme les incas
entre autres.
Ville touristique = argent = banque =
distributeur d'argent
Zut ! Il y a une faute dans l'équation !
Il n'y a ni banque, ni distributeur ! Et ce dimanche, la petite ville est
totalement morte. Il fait de plus un froid mordant. Sur le site on me dit
qu'on ne change que l'argent péruvien.
Dépités, nous nous enfermons dans notre
fourgon pour manger. Finalement.... nous ne regrettons pas la visite ; au
froid s'est ajouté une averse violente qui nous aurait surpris sur le site
et nous aurait obligé à rentrer dare-dare. Nous en savourons encore plus notre
plat de pâtes, au chaud et au sec.
Nous
arrivons à El Alto. El Alto (Le Haut) est la ville haute de La Paz. A 4000 m
d'altitude, c'est une ville grouillante de vie. Ce fut un cauchemar en 2010
lorsque, ayant pris le mauvais couloir, nous nous sommes retrouvés au milieu
d'une circulation auto intense et d'une circulation de piétons sur la route
toute aussi intense. Aujourd'hui c'est dimanche et la circulation est aisée.
Entre les voitures, les marchands ambulants se faufilent. Quelque soit le traffic
et la vitesse des véhicules, nous n'avons jamais vu un accident.
Un
petit bonhomme de neige coiffé d'une casquette devant l'atelier d'un mécanicien,
et quelques tas de neige sale par-ci par-là, nous montrent qu'il a neigé la
veille à El Alto. A côté de la route, des ruisseaux d'eau rouge dévalent. Tout
est boueux et rouge. Les marchands ambulants recherchent des endroits moins
humides pour s'installer. Leurs clients devront, eux, se mouiller les pieds.
Klaus
a cette fois été emballé par la conduite des voitures à El Alto. Tout d'abord,
nous pensions que personne ne respectait les feux rouges. En fait c'est plus
subtil ! On s'arrête au feu rouge quand une voiture ayant vert arrive. Par contre,
si la voie est libre ou si on peut passer sans déranger celui qui a vert, on
passe. Vu le nombre de feux sur la route pour traverser la ville, ce style de
conduite économise bien des arrêts et la circulation est beaucoup plus fluide.
Quel progrès ce serait chez nous si, au lieu d'interdits de toutes sortes, on
laissait le conducteur responsable !
La route vers Oruro, déjà bonne en 2010, est à présent en autoroute et nous
avançons vite. De toutes façons, vu le froid et le crachin, voir la pluie, nous
ne sommes guère enclins à visiter quoique ce soit. Le soir, nous nous arrêtons
au carrefour de Caracolla et faisons un tour dans le village en fête. A peine
arrivés sur le parking d'un restaurant pour la nuit qu'un orage éclate et que
s'abat une pluie torrentielle. Nous sommes toujours à plus de 3500 m et je ne
me sens pas bien.
Et
puis c'est le bonheur, la descente sur Cochabamba, il fait bon, le ciel est
bleu, le soleil doux. Nous ne sommes plus qu'à 2500 m d'altitude et je respire
mieux. Mais cette toux est toujours là et je me décide à aller voir un médecin.
Ma réticence jusque là venait de cette expérience à Santa Marta où un ami ayant
consulté pour une grippe (les symptômes étaient certes plus violents que chez
moi) était resté hospitalisé trois jours et les médecins avaient au début même
parlé de deux semaines ! (à gauche, bébé dans le dos)
M'excusant auprès de la patronne du restau de ne pas être venue manger, elle
me comprend fort bien et m'énumère mes symptômes comme si elle avait été dans
mon lit ! Elle me donne une gélule, médicament bolivien pour le mal des montagnes
: Sorojchi pills (à acheter dans toute farmacia en Bolivie).
La
nuit sera une des pires que j'ai connue ! Le mal des montagnes associé à cette
toux persistante depuis la Colombie m'a anéantie. Mal de tête tambourinant,
douleurs à l'estomac (mais qui s'amuse à faire des nœuds avec ? ) et une respiration
difficile empêcheront tout sommeil. En fait ma quatrième nuit d'insomnie...
Pour moi ce sera plus rapide : en une heure je vois le médecin qui diagnostique
une bonne angine, je reçois une injection de pénicilline, et achète les médicaments
(dont une bonne réserve de ce médicament pour l'altitude). Nous pouvons alors
profiter de cette ville agréable. Bons restaus, jus d'oranges à chaque coin
de rue, jus de fruits exotiques au bar et internet.(à droite, marchande
de jus d'oranges pressées sur place)
Je
vais visiter le couvent des carmélites. Une visite très agréable et assez amusante.
La guide m'a demandé au moment de l'inscription si je parle espagnol et je lui
dis que je comprends à peu près si elle parle lentement. Nous sommes 4 visiteurs,
un couple de mon âge et un jeune gars. Très vite je vois que le couple, américain,
ne comprend pas grand-chose et je leur traduis en anglais. Cinq minutes plus
tard le jeune homme, un italien, se met aussi à leur parler en un anglais hésitant.
L'italien comprend mieux l'espagnol que moi, mais parle moins facilement l'anglais.
La visite se fera ainsi : je traduis en anglais et l'italien corrige si j'ai
mal compris. Pendant ce temps la guide essaie de comprendre l'anglais.
La
visite dure de 30 à 45 minutes m'avait-on dit, et j'ai donc donné rendez-vous
à Klaus. A 18h, la guide nous dirige vers la sortie car le couvent doit fermer ;
cela fait une heure et demi que nous avons commencé la visite ! Dans le petit
jardin de la place centrale, Klaus aura eu le temps de tout voir et tout connaître,
content de me voir enfin de retour.
Un
petit mot sur ce couvent : fondé au XVII è siècle, il y avait toujours 21 nonnes
(3x7, le 7 étant un chiffre sacré). Quand une nonne décédait, une novice pouvait
entrer. Un tableau récapitule les dates des décès des nonnes et ce qui frappe,
c'est le peu de noms. En fait, les carmélites vivaient assez vieilles, beaucoup
dépassaient les 90 ans. La plus âgée est décédée à 98 ans. Celle qui est entrée
la plus jeune avait 13 ans et une autre était entrée à 37 ans, les deux extrêmes.
Aujourd'hui, il faut avoir au moins 18 ans.
Dans
ce tableau, il y a trois colonnes : les voiles noirs, les voiles blancs et les
troisièmes (c'est leur nom). Les voiles noirs sont des filles de familles riches
(en général la 2è fille) qui entrent au couvent parce que la famille l'a décidé
(c'est toujours bien d'avoir quelqu'un préparant le paradis pour soi). Elles
viennent avec une bonne somme d'argent, sont installées dans des chambres plus
grandes et... payent pour l'entrée d'une troisième qui sera à leur service.
Cette troisième est assez pauvre.
Les
voiles blancs sont les filles qui entrent au couvent par vocation (il y en a
quand même !). Elles n'ont pas de dot à apporter et c'est là le hic ! Demandant
pourquoi les troisièmes ne pourraient pas entrer au couvent par vocation et
être voile blanc, nous n'avons pas vraiment eu de réponse. Selon nous, les voiles
blancs n'ont pas d'obligation de dot mais étant de famille riche la donation
suivait toujours. Pour les troisièmes, étant pauvres, il n'y avait rien à attendre.
A
Potosi, les carmélites étaient surtout des filles de riches familles espagnoles.
Ici, seules les fondatrices du couvent étaient espagnoles, les autres nonnes
sont boliviennes essentiellement. Lors de l'élection de la mère
supérieure, les troisièmes n'ont pas droit de vote et l'élue
sera obligatoirement un voile noir. Qui a dit que nous sommes tous des frères
(ou soeurs) égaux ???
Le
métissage obligatoire entre indigènes et espagnols a fait naître de nouvelles
classes sociales. Comme en Afrique, plus on est blanc, plus on est riche et
socialement élevé. Un mariage avec plus blanc que soi va forcément tirer la
famille vers le haut. Maintenant plus que jamais, ces riches métis vont imiter
les mœurs des blancs, s'habiller comme eux (fini les jupettes superposées et
le chapeau rond) et se nourrir comme eux.
Ils exercent un véritable racisme vis-à-vis des « indigènes » qu'ils dédaignent,
n'en faisant plus partie. Nous pouvons imaginer qu'ils ne manquent pas de perturber
la politique d'Evo Morales, le président indien de la Bolivie, qui essaie d'améliorer
la vie des indigènes et a déjà beaucoup fait pour eux. Cette distinction entre
blanc, métis et indigènes est née après l'arrivée des espagnols et persistent
de nos jours.
Nous
sommes garés pour la nuit au centre ville dans un parking gardé. Franklin Mamani,
le gardien est artiste et a aménagé son bureau en atelier.
Entre
deux clients, il dessine, il peint. Ce tableau est entièrement fait de papier
collé et, même de très près, le travail est si fin qu'il est difficile
de voir que c'est du papier. Franklin dessine aussi sur les murs pour la ville.
Une bien agréable rencontre !
Avant
de quitter Cochabamba, nous allons rendre visite au Crist de la Concordia. Cette
statue dépasse de quelques centimètres celle de Rio de Janeiro (Ah ! Ces « toujours
plus ») et domine la ville du haut de la colline.
Après
Cochabamba , la route commence par monter à 3400m, puis c'est la descente sur
plus de 3000 mètres vers Santa Cruz de la Sierra ; les camions très nombreux
se suivent ou se lancent dans de périlleux dépassements, l'odeur des freins
est récurrente et certains véhicules qui n'en peuvent plus sont à l'arrêt, surtout
à la montée.
Dans le paysage, la rigueur de l'Altiplano
disparaît et la végétation tropicale prend sa place. Oranges et bananes par
montagnes sont en vente au bord des routes.
Ayant entendu qu'il pouvait y avoir
des problèmes pour obtenir du carburant en Bolivie, Klaus avait sagement fait
le plein au Pérou. (Ci-dessous, file d'attente à la pompe)
Un peu plus loin on trouve une petite ville et nous nous garons sur une petite
place tranquille. Une demi-heure plus tard résonne une musique très forte :
à quelques dizaines de mètres de notre fourgon, toute la ville se réunit pour
danser la salsa... Un petit groupe musical des Andes prend le relais, jouant
une musique aussi hésitante qu'entêtante accompagné d'un tambour qui lui n'a
jamais hésité.
Nous
voyons avec crainte que le temps passe, que le soleil descend et qu'il nous
faudra vite trouver un endroit où dormir. Finalement, rien ne marche ; alors
la patronne fait je ne sais quoi à la pompe, puis nous fait le plein... au prix
bolivien !
A
présent à Santa Cruz, le réservoir commence à se vider et nous pensons qu'il
est temps de voir ce qu'il en est. Nous faisons plusieurs pompes avec pour seule
réponse « No posible » ( Ce no sé qui avait tant énervé le capitaine Haddock
! ). On demande où, et toujours la même réponse : la pompe suivante. Finalement
oui, la pompe suivante est la bonne. On nous explique alors (suivez-moi bien...)
que le carburant pour les étrangers coûtent plus cher (beaucoup!) mais qu'on
peut en avoir au prix bolivien dans les bidons. On remplit les bidons à la pompe
et on les vide dans le réservoir.
On
ne comprend rien. Il ne nous faut que 40 litres, on va payer le prix fort. OK.
Toutes les pompes sont informatisées ; il faut entrer le n° de la plaque, et
le numéro du carnet. Qu'est-ce que c'est que le carnet ? Permis de conduire ?
Carte grise ? Passeport ? Ah oui ! le passeport c'est bien. La pompiste a beau
essayer de rentrer le n° de passeport, cela ne marche pas.
Nous
continuons vers l'est et l'Amazonie se fait de plus présente. La route que nous
avions eue en construction en 2010, un véritable enfer de trous et de poussière,
est à présent terminée et c'est très rapidement que nous rejoignons San José.
La
musique des Andes c'est surtout beau sur les CD ; en nature il est rare de l'apprécier
(exception pour les deux chanteurs de Cuenca). Vers 23h, tout est redevenu calme
alors que nous nous demandons encore comment nous faisons pour toujours nous
trouver là où il y a une fête...
Avec Christel, il gère ce délicieux hôtel
où il fait bon se reposer.
(Sur la photo, avec Jérôme,
ce n'est pas Christel, bien sûr...)
Nous
nous arrêtons pour manger à la Villa Chiquitana, une adresse que nous avait
donné Alain et Christine, nos motards préférés. Cet hôtel a été créé par Jérôme
que certains connaissent : c'est lui qui a présenté au Grand Bivouac son tour
du monde, 3 ans en scooter.
Nous
partons vers Aguas Calientes, les eaux chaudes, un autre lieu signalé par Jérôme
où nous pouvons passer la nuit. Il pleut durant la nuit mais au matin nous irons
quand même faire une petite trempette dans l'eau chaude du rio.
Devant
nous sur la route nous voyons cette jolie mygale, pas pressée du tout. Nous
nous arrêtons et, alors que nous l'admirons et la photographions, elle se dirige
vers notre fourgon.... Klaus prendra soin de faire marche arrière pour vérifier
qu'elle est toujours sur la route et que nous n'allions pas l'emmener avec nous !
Un
peu plus loin un petit acni à longue queue traverse la route ( acni : animal
courant non identifié) et plus loin encore une autre araignée, sans doute la
sœur de la précédente car elles se ressemblaient beaucoup.
Nous
nous arrêtons pour midi à la dernière ville de Bolivie. Le menu nous confirmera
dans le fait que nous sommes déjà en Amazonie. Pour nous ce sera une dégustation
de jacaré (caïman). Ainsi que le disait Dominique, mieux vaut cela que l'inverse !
Après
quelques échanges sympathiques, nous continuons notre route vers le monolithe
que nous a signalé Jérôme, un immense bloc de pierre qui ferait rêver certains
grimpeurs de notre connaissance. N'est-ce-pas Nico ?
Nous
allons entrer au Pantanal, ce sanctuaire de la vie sauvage et nous savons que
là-bas nous attendent de nombreux jacarés et bien d'autres animaux encore......