Chili-Argentine

Du Chili au Chili en passant par Salta en Argentine. 20 novembre 2010.

San Pedro est, plus encore qu'en mai, une ville artificielle, qui n'existe que par le tourisme. Ils sont nombreux à flâner dans les rues en humant un peu de ce désert d'Atacama. Et pourtant, par définition, un désert n'est-il pas ...désert ? Ici, ce ne sont que restaurants, hôtels et agences de tourisme. Nous y faisons une très petite halte revigorante à coups de bon steaks et d'additions bien salées puis repartons vers les hautes altitudes et la solitude.

Auparavant, nous allons faire une visite à la Vallée de la Luna. En fin de matinée, elle n'est pas très prisée des groupes occupés ailleurs et nous sommes assez peu nombreux à cette heure. Le hasard d'un tunnel nécessitant une lampe électrique sera l'occasion d'une rencontre avec Helmut et Karine, un couple autrichien-allemande habitant depuis 40 ans en Californie. Nous sympathisons, immédiatement sur la même longueur d'onde. Nous les retrouverons avec grand plaisir à San Pedro où nous passerons une partie de la soirée dans notre « salon ».
La Vallée de la Luna mérite bien son nom, succession de roches hérissées, de couleur rouge virant au rose et au violet. Une vallée s'étend au loin, petits tas de sable, rochers pointus et dans un coin de la vallée, une très grande dune dont l'arête est effilée. Bien entendu, son accès est interdit...
Une ancienne mine de sel où nous ne sommes pas descendus car il faut un équipement spéléo ; autour de la mine, on croit parfois marcher sur du verre, le gypse formant le sol étant extraordinairement transparent.

Le lendemain, nous rejoignons la Laguna Miscanti, à 4 000 m d'altitude et passons à côté du Volcan Lascar qui a été en éruption en 2008 ou 2009. En mai, le sommet était recouvert de neige ; aujourd'hui, plus de neige, et un filet de fumée s'échappe du cratère. A quand la prochaine éruption???

Nous sommes très déçus par la Laguna Misacanti.

Non pas qu'elle ne soit pas jolie, mais d'abord, elle est payante, car à San Pedro tout est payant, tourisme oblige ! Et puis dés l'entrée, on nous montre sur une maquette où il faut marcher, un chemin bien limité. Arrivés sur le parking, un homme vient vite nous faire changer de place, nous sommes sur le parking voitures (il n'y aura jamais plus de deux voitures sur un parking de 30 places au moins !) . Et une femme va courir vers nous en criant car nous avons marché dans le sable pour prendre une photo...

Habitués à la liberté des grands espaces, nous sommes vite dépassés par tant de contraintes (inutiles au demeurant) et quittons cet endroit assez agacés. C'est alors que, pour nous faire retrouver le sourire...

Zorro est arrivé !

Le zorro andino est ce délicieux petit renard, curieux et peu sauvage. Il traverse tranquillement la route devant nous puis s'arrête et regarde. Nous nous arrêtons et regardons aussi. Il reste près du fourgon. Je pense que les renards aiment les poules, donc aussi les os de poulet et lui lance nos restes. Il prend le plus gros morceau et court l'enfouir un peu plus loin dans le sable, puis revient.
Ses toutes petites dents pointues auront vite raison de nos os ; quatre coups de dents et l'os de la cuisse a déjà disparu. Il frémit de peur au moindre bruit puis s'habitue à nous. Il est vrai que des individus qui donnent de bons os de poulet ne peuvent pas être bien méchants...
Son repas terminé, et après un échange de regards prolongé, il part se coucher un peu derrière le fourgon, sans plus me craindre lorsque je m'approche un peu. Habituellement, nous repartons quand l'animal a disparu, mais cette fois c'est notre zorro qui nous verra repartir (qui sait si nous n'y aurions pas passé la nuit !).
L'Argentine est séparée du Chili par les Andes et, sur un axe nord-sud, une série de cols à plus de 4 5OOm permet le passage d'un pays à l'autre. Nous continuons notre montée vers le Paso Sico, frontière avec l'Argentine et nous arrêtons 50 km avant au bord d'une laguna à l'eau verte, et peuplée comme toujours de flamants roses.
Dormir à plus de 4 000 m au bord d'une laguna, étendue blanche de sel laissant apparaître ici ou là des lacs bleus, rouges ou verts, dans une totale solitude, avec pour seuls compagnons les flamants roses qui pataugent gracieusement dans l'eau peu profonde, et les vigognes qui viennent nous rendre visite au petit matin, sans autre bruit que celui du vent, sans autre lumière que celle du clair de lune...

La magie de ces lieux vaut bien quelques nuits blanches !

Que de fois avons-nous joui de ces moments exceptionnels !

Une montagne dont le sommet est blanc de gypse, sel ou autre minéral, offre des versants gris où dévalent, comme des glaciers, des rivières de sable ocre, jaune clair ou rouge.Tels des fantômes, des rochers déchiquetés, rouge foncé, émergent du sable, rouge lui aussi.
Au pied de la montagne, une laguna aux eaux turquoise, bordée de sel blanc, où s'activent des centaines de flamants roses.
En descendant vers la vallée, le paysage change et les cactus sont de plus en plus présents.

En arrière, les cônes rose violacé des volcans aux pentes raides avec, ici et là, des taches de neige. Nous sommes à 4 000m et les sommets approchent tous des 6000m.

Le ciel est bleu, sans nuages, l'air est pur.

Une vigogne s'empresse de traverser la route et s'éloigne dans un galop gracieux pour rejoindre ses compagnes.

Après un passage de frontière facile, nous descendons vers Salta.

Le poste de frontière argentin est perdu dans le désert à plus de 4 000 m. Les formalités pour le Chili s'effectuent toutes à San Pedro, plus hospitalier...

Nous traversons la petite ville de Campo Quijano, à 15 km de Salta. C'est la fête au village ! Beaucoup de gauchos à cheval, les rues sont bloquées. Fatigués, nous ne nous arrêtons pas pour aller au plus vite au camping de Salta. Un petit détour pour téléphoner en Wi-Fi aux enfants et nous arrivons au camping. Fermé pour cause travaux. Nous cherchons un autre camping plus au sud. Il n'existe que sur les prospectus. Finalement, nous retournons à Campo Quijano où la fête se termine.
Le camping est agréable, situé dans le parc d'une ancienne maison coloniale. Les derniers pic-niqueurs du dimanche quittent les lieux et nous nous retrouvons seuls.
Nous allons à la recherche d'un restau pour déguster un steak argentin (pays de gauchos oblige) et arrivons sur la place où est encore le marché. On y vend des produits pour gauchos (couteaux, ceintures en peaux, chapeaux,...) beaucoup de choses à manger (beignets, gateaux en quantité, galettes, douceurs,...) et à boire, essentiellement de la salade de fruits dans du jus de fruits.
Beaucoup de gens sont assis sur les bordures dans le jardin de la place, mais personne n'y consomme de bière ou d'alcool ; cela fait un grand contraste avec le Pérou et la Bolivie où les fêtes sont toujours copieusement arrosées. Les gens arpentent le marché de long en large (il n'est pas bien grand), mangent, boivent des jus de fruits. Les gauchos, bien habillés pour l'occasion, profitent de cette fête qui les sort de leur isolement des campagnes. On les rencontre par groupes de trois ou quatre à cheval dans les rues. Puis ils partent le soir, qui à cheval, qui dans la benne d'un pick-up, un sandwich et une bouteille de coca à la main...
Nous profitons du calme du camping et de la présence d'eau pour effectuer certains travaux ; Klaus répare une roue et fait l'entretien du véhicule ; je nettoie le fourgon de fond en comble pour évacuer un maximum de poussière.
Pour rejoindre Belen où nous délaissons la direction sud pour celle de l'ouest, le paysage est assez désertique et la route très peu fréquentée. Nous sommes ici à la limite orientale du désert de l'Atacama.
Les chauffeurs de bus ou minibus (surtout des sprinters!) sont toujours très contents de nous rencontrer et de pouvoir échanger quelques mots "entre chauffeurs". Pour eux nous ne sommes pas des touristes comme les autres car nous partageons les mêmes problèmes de route qu'eux. Nous avons souvent des coups de klaxons ou des signes amicaux de la part des chauffeurs de bus, camions ou 4X4.
Nous quittons la plaine (depuis Salta nous ne sommes plus qu'à 1200 m d'altitude) et commençons à monter vers le col. Comme toujours le paysage est magnifique, le ciel est bleu, des troupeaux de vigognes gambadent de tous côtés. Pour la première fois, le désert est couvert d'herbes jaunes et on dirait un immense champ de fleurs.
A la frontière argentine, nous discutons avec le douanier qui baragouine un peu d'anglais et a une grande envie de parler. Il nous dit sa surprise de voir ici des touristes (bien peu en fait), des touristes qui trouvent que le désert est beau, alors que lui ne voit pas du tout ce qu'il y a de beau dans le désert. Il nous parle de la Laguna Verde, à moins de 20 km de là, qui est très jolie mais où il n'est jamais allé... Etrange conversation avec un homme prisonnier à plus de 4000 m d'une cabane battue par les vents. Les policiers qui sont là aussi n'ont pas cette mélancolie.
Nous continuons notre route vers le col ; le ciel se couvre de plus en plus rapidement et nous arrivons au col San Francisco, à plus de 4700 m, sous une tempête de neige. Ou plutôt un mélange de neige et de grêle, petites billes blanches qui couvrent le sol et le blanchissent. Le vent est violent et la neige tombe presqu'à l'horizontale. La température chute à -5°. Nous mangeons au col, espérant une accalmie qui ne vient pas, puis continuons pendant plusieurs dizaines de km sur une sorte d'altiplano.
Salta a bien changé depuis mai. Il faisait alors mauvais, froid et pluie étaient au rendez-vous. Aujourd'hui, c'est le soleil qui domine et il fait bon. Les rues sont pleines de monde et les terrasses des cafés envahissent la place. Les marchands de glace offrent leurs glaces colorées et dans les vitrines, les maillots de bain sont à l'honneur. Résolument, nous allons vers l'été !
Avant d'arriver à Cafayate nous traversons la magnifique Quebrada de las Conchas, une succession étonnante de rochers, falaises et vallées arborant des couleurs dans les tons rouges et verts. La quebrada est aussi jolie par les formes que par les teintes, et cela dure sur 5O km.
Autour de nous se trouvent les volcans les plus hauts du monde, plus de 6OOO m pour la plupart et jusqu'à 6800 m pour le Ojo de Salado. Mais nous n'en voyons que certains et encore jamais dans la totalité. Le Ojo de Salado tiendra son sommet obstinément invisible.
Par contre, nous jouirons d'un spectacle magnifique à la Laguna Verde, grand lac salé dont l'eau est, parait-il, un véritable poison. Rien n'y vit, pas une algue, pas un poisson, pas de micro-organismes, donc...pas de flamants roses ! On en verra quelques-uns dans la laguna voisine, moins verte et sans doute, pas de la même eau. Les montagnes des Andes sont très riches en minéraux comme en témoignent les très nombreuses mines que nous voyons dans tous les pays. L'arsenic est parfois présent et il semblerait qu'il soit dans ces eaux vertes en particulier.
Nous continuons notre route et finissons par descendre vers Copiapo. Le paysage est toujours aussi beau et nous sommes bien tristes de penser que le Dakar 2011 passera sans doute par ici, d'après les autocollants que nous avons vus à la douane. Quel dommage que cet endroit si calme et si beau puisse être gâché par une caravane de véhicules pétaradant, envahissant le domaine des vigognes et des zorros.
Nous suivons la célèbre « Ruta 40 », une route de plus de 5000km qui traverse l'Argentine depuis la Bolivie au nord jusqu'à Punta Arenas au sud, dernière ville avant l'embarquement pour la Terre de Feu. C'est une grande classique des cyclistes et nous ne doutons pas que les bornes kilométriques soient très encourageantes....
A cette occasion, je voudrais manifester notre agacement vis-à-vis de certains conducteurs de 4X4, amateurs de rallye et de raids, qui connaissent tout et donnent de bons conseils du genre « conduire sur la tôle ondulée à plus de 80 km/h » ou « tenir le volant du bout des doigts », nous considérant avec mépris, nous autres pauvres imbéciles qui conduisons sur la tôle ondulée à 20 km/h, et je peux assurer que Klaus tient le volant bien fort et avec ses deux mains ! Ces gens ne connaissent le désert que pour une ou deux semaines, bien accompagnés et pouvant se permettre de casser la mécanique puisqu'ils seront vite de retour en France.
Pour nous, voyageurs au long cours (qui ne sommes pas tous des imbéciles), il n'est pas question de casser la mécanique ! Nous voyageons pour la plupart seuls, sans aucune assistance, dans des endroits très isolés, et notre véhicule est pour nous vital. Une panne peut être source de gros ennuis et nous ferons tout pour l'éviter.

J'ajouterais que les indigènes, qu'ils soient en 4X4 ou en camion, ne roulent pas beaucoup plus vite sur la vraie tôle ondulée et que nous n'en avons jusqu'à présent vu aucun qui se permettait de rouler à plus de 50 km/h. Pourtant ce ne sont pas non plus des imbéciles !!!! mais ils ont, comme nous, un véhicule à préserver. Le cas est évidemment différent lorsqu'on a loué un véhicule...

Qui veut aller loin ménage sa monture …

Copiapo est petite ville minière qui a fait malgré elle la Une des journaux du monde entier il y a quelques mois. C'est là, en effet, que des mineurs sont restés bloqués pendant des semaines au fond d'une mine d'or. Autour de Copiapo, on trouve des mines d'or, d'argent et surtout de cuivre qui font la richesse de la région et même du Chili.

Nous nous retrouvons quasiment au niveau de la mer, une descente de plus de 40OO m.

Nous nous dirigeons vers le sud pour rejoindre le col San Francisco qui nous fera passer au Chili. La route du vin entre Salta et Cafayate est bordée de prés où paissent les vaches, de forêts, de champs cultivés, mais de vignes, ...nous n'en aurons guère vues !
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