Argentine

Copiahue. 23 janvier 2011.

Nous quittons l'Atlantique, les lions et les pingouins pour retraverser l'Argentine et nous dirigeons plein nord-ouest vers les Andes. Nous sommes toujours en Patagonie, mais le paysage est moins monotone ; nous sillonnons une région riche en arbres fruitiers et, au bord des routes, on vend dans des petites cabanes pêches, nectarines, abricots, cerises, fraises.

Les vergers alignent des pommiers chargés de fruits. Au loin, la Cordillère des Andes commence à se deviner. Les 1000 km qui nous en séparent seront parcourus en deux grandes journées de route et nous arrivons à un tout petit parc régional, à Caviahue.
Le prospectus touristique parle d'une « station de ski peu fréquentée et pas chère ». Nous ne venons pas pour le ski puisque nous sommes au coeur de l'été mais en arrivant à Caviahue, nous reconnaissons que la ville est loin de ressembler à sa grande soeur guindée qu'est Bariloche, quelques centaines de km au sud ! Le cadre de la ville a cependant beaucoup de charme avec son joli lac et ses araucarias.
Ces arbres, que nous trouvons parfois dans nos parcs publics, sont endémiques de cette seule région du monde. Ils sont très anciens et existaient déjà du temps des dinosaures. Leur écorce aux dessins géométriques est dure et épaisse, les troncs hauts et, à partir des branches en bois, partent des grandes tiges extrêmement souples qui ne portent ni feuilles, ni aiguilles, mais comme des écailles vertes et dures.
Malgré le vent violent, une petite ballade nous fait remonter le cours d'une rivière où se succèdent des cascades dans un cadre magnifique de colonnes basaltiques et de rochers lissés par le glacier, au milieu d'araucarias millénaires. La rivière, le Rio Agrio, descend directement du Volcan Copiahue, dont le sommet reste obstinément caché dans les nuages... Selon mon habitude, je goûte l'eau du torrent ; du jamais vu, on dirait de l'acide ! Je comprendrai plus tard pourquoi...
L'information touristique nous assure que le vent va se calmer et que le beau temps sera là demain. Nous attendons et passons la nuit au bord du lac . Un immense araucaria aux troncs multiples et aux branches tentaculaires pousse directement sur la plage.
Toute la nuit un vent très violent va secouer le fourgon, nous transportant une fois de plus au milieu d'un océan imaginaire ; il sera accompagné d'une pluie, violente elle aussi, qui aura au moins le mérite de laver parfaitement le fourgon...
Nous attendons l'accalmie qui nous permettra de voir le sommet du volcan. Puis prenons la piste vers Copiahue, la station thermale au pied du volcan, 20 km plus loin. Sur le chemin, par-ci par-là, quelques petites fumerolles s'échappent des ruisseaux et nous arrivons à Copiahue, le bout de la route ; le bout du monde aussi, et peut-être, qui sait ? l'antichambre de l'enfer...
Copiahue est une petite station thermale située à 2000 m d'altitude, sur les pentes du Volacan Copiahue qui la veille du haut de ses 2600 m. La ville fume, ses nombreuses piscines fument. Piscines ? Pas vraiment car en approchant cet immense bassin situé au cœur des installations thermales, nous voyons l'eau grise fumer et bouillonner .

Les pancartes indiquent «Attention - Ne pas s'appuyer sur la barrière - Eau sulfureuse – Température : 90° ».

Des vapeurs de souffre s'échappent de la laguna et enveloppent toute la petite ville.

Les flancs de la montagne fument et le volcan même est actif ; dans son cratère bordé d'un glacier au front impressionnant (au milieu sur la photo), se trouve un lac avec geysers et fumerolles que nous voyons régulièrement s'échapper du cratère.

Je profite de ces thermes pour faire une mini-cure : massage, bain de boue, hydromassage « laguna verde ».

La Laguna Verde est cette piscine composée de deux bassins dont l'un est interdit pour cause « grandes profondeurs ». Quand on a vu dans les bassins des geysers ces orifices qui semblent rejoindre les profondeurs de la terre, infini terrifiant, on comprend ce que grandes profondeurs signifie... L'extraordinaire couleur verte de l'eau est due aux algues particulières, dotées de propriétés curatives. Je me retrouve donc dans cette eau verte à 37°, massée énergiquement par une douche à haute pression ; un quart d'heure de traitement assomme son homme et exigera une grande sieste.
La boue, c'est en plein air à la Laguna del Chancho, la laguna du cochon (car comme chacun sait, le cochon aime se rouler dans la boue...comme les curistes!). On s'enduit de boue chaude, puis on entre dans la piscine ; c'est la même que celle à 90° mais refroidie à 30°.

Un employé nous appelle dés que les 20 minutes sont écoulées et c'est la douche immédiate pour rincer tout cela.

Et pourtant on se sent si bien après ces bains acides que je recommence le lendemain !!! Les trois heures indispensables entre deux bains (histoire de ne pas faire fondre le curiste, source de revenus quand même) nous permettra de faire une jolie ballade en montagne.

De curieuses plantes qu'on ne distingue tout d'abord pas des cailloux offrent de délicieuses petites fleurs violettes, d'autant plus nombreuses que l'on se rapproche de l'eau.
Dés que je suis de retour de mon dernier bain, nous prenons la fuite, loin des vapeurs de souffre déjà écœurantes, loin de cet enfer bouillonnant aux eaux trop vertes, trop grises, trop acides, trop radio-actives, qui font de ce petit Copiahue le troisième centre thermal au monde, assurément pas pour la taille très très modeste du village, mais sûrement pour la qualité et la variété des eaux thermales car on y soigne autant la peau que les rhumatismes ou encore les maladies respiratoires... à condition que le patient survive !
Nous emportons notre mal de tête de plus en plus fort dû sans doute à ces vapeurs de souffre et non pas à l'altitude comme on nous le dit (à 2000 m, faut pas exagérer !) et nous arrêtons près d'une magnifique cascade de 70 m de hauteur.
Il nous reste un peu plus de 1000km pour arriver à Mendoza. La température augmente rapidement et nous atteignons vite les 37°, deux jours après nous être réveillés à 2°... Le paysage volcanique est magnifique. Les couleurs des montagnes se déclinent en rouge ou violet éclairé de taches vertes ou bleues, le fond de la vallée est de pierres noires.
Dans des petits canyons très profonds aux parois noires s'écoule le flot rapide du cours d'eau. Nous sommes au lieu dit "La Paserela". Vu l'état, il faudrait être bien courageux pour franchir la passerelle. Ou peut-être simplement téméraire.... ?
A l'horizon se dessine un volcan de plus 4700 m. Presque la même altitude et une forme similaire à notre Mont Blanc vu du sud. La latitude est bien autre ; outre que nous ne sommes pas dans le même hémisphère, nous sommes aussi 10° plus proche de l'équateur.
Cette région compte un nombre incroyable de volcans, une moyenne de 10,6 volcans sur 100 km² (un carré de 10 km sur 10 km !). La petite ville de Malagüe a failli être rayée de la carte en 1932 lorsque l'éruption d'un volcan du Chili voisin a recouvert la ville de cendres.

Nous faisons un petit arrêt à San Rafael "où tout le monde est aimable et accueillant", dit le guide du Routard. Et c'est vrai ! Les gens nous disent bonjour, nous sourient, proposent de nous aider si on regarde le plan. Quel dommage que toutes les villes du monde ne soient pas ainsi !

Et maintenant, en route vers Mendoza !

Ces étranges formations noires qui dépassent sont les cheminées d'anciens volcans. Le magma occupant la cheminée s'est solidifié, alors que la montagne formée de lave et de cendres a été lavée par l'érosion, laissant à nu les cheminées de magma. Sur cette photo, il y a une grande cheminée au fond et deux plus petites devant.

20 minutes maximum, et c'est assez dans cette eau boueuse, sulfureuse et ferrugineuse. Le sol est boueux et parfois brûlant car il y a aussi des fumerolles au fond ! Un bon exercice d'équilibre puisqu'il faut être totalement immergé dans 1,20 m d'eau, donc plus ou moins accroupi, et jongler avec le sol glissant et parfois très chaud. Pas question de risquer une goutte d'eau sur le visage ! C'est très acide.

L'eau claire s'écoule au milieu de pierres d'un rouge vif, sans doute conséquence de l'eau très ferrugineuse du Rio Agrio (qui est celle que j'avais goûté en arrivant à Caviahue et trouvé si acide).
S'approchant des fumerolles sur les versants, Klaus découvrira une série de cratères où les geysers de boue font peur, d'autant qu'il n'y a aucune barrière de protection autour. Un randonneur distrait pourrait vite y disparaître...
Sur les flancs du volcan, ce ne sont que cailloux rouges, lave, cendres. Et pourtant, dans ce monde désolé, des fleurs magnifiques se dressent, taches de couleurs éblouissantes.
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