Bolivie
Retour en Bolivie. 9 novembre 2010.
Revenir en Bolivie, c'est un peu comme
revenir chez soi. Ce n'est plus l'inconnu d'un nouveau pays , ni même d'une
nouvelle ville puisque nous revenons à Copacabana et La Paz. Nous ferons une
rapide incursion à Sorata pour voir le magnifique Illampu mais nous le verrons
en fait beaucoup mieux de plus loin. Nous remontons deux vallées pour nous
rapprocher de prestigieux sommets comme le Condoriri et le Huayna Potosi.
Nous
passons ensuite rapidement à La Paz pour aller à Coroico. Cette ville, à 3 heures
de route de La Paz, est déjà, à 1800 m, une approche de l'Amazonie. Nous en
prendrons conscience immédiatement par l'épaisseur du brouillard pour passer
le col à 4 800 m, puis la pluie torrentielle de la nuit et pour finir, le délice
des « petites mouches qui piquent ».
Ces
petits insectes, pas plus gros qu'un point, si petits qu'on leur accorde une
totale innocence, provoquent des piqures extrêmement pénibles qui peuvent atteindre
deux cm de diamètre (X fois la taille de la mouche), démangent énormément et
comme on ne peut s'empêcher de gratter, cela dure ! cela dure ! jusqu'à un mois
et demi parfois ! On les rencontre en dessous de 2000m et en général
près des cours d'eau. Que de voyageurs attirés par la beauté
d'un ruisseau auront été leurs victimes !


Nous jouirons tout de même dans la matinée
de 10 km de route pavée, absolument déserte à ce moment, qui nous fait traverser
une épaisse et magnifique forêt. Des oiseaux noirs à queue jaune volent en
tous sens, leurs nids se balançant au gré du vent. Des fleurs, superbes comme
toujours, poussent sur les talus, et les bananiers sauvages sont très nombreux.
Nous prenons notre temps et nous arrêtons souvent, dans le seul bruit des
grillons et des oiseaux.
D'énormes papillons bleus, gros
comme la main, une petite main, la mienne... voltigent rapidement. Impossible
de les photographier ; on peut seulement les admirer.
Dans
ces vallées oubliées de tous, quelques masures habitées
par des fantômes.... Une petite fille, seule au milieu d'un pré,
une femme plus loin qui garde des lamas, un homme qui pêche... ces gens
qui sortent de nulle part et qui nous regardent comme si nous étions
des extra-terrestes ! A distance respectable, les lamas nous dévisagent
aussi.
Nous retrouvons la particularité de la musique indienne : chaque groupe ne joue
qu'un seul morceau qui se répète, se répète, se répète... Tambours et flûtes
de pan sont à l'honneur et leur musique est assez envoûtante.
Retour
à La Paz dans notre parking préféré où on commence à nous connaître. En ville,
c'est la fête ! Des groupes des villages voisins sont venus faire une petite
représentation en public. Mais celle-ci terminée, ils n'ont guère envie de retourner
dans leurs villages et continuent la fête sur les trottoirs, et la bière coule
à flot ! Il est touchant de voir le bonheur qui rayonne des musiciens et des
danseurs.
Nous
repartons vers la Cordillère Royale et en particulier vers le Huayna
Potosi car lors de la précédente montée, nous avions dû faire demi-tour, la
route étant coupée. Nous montons d'abord par une piste assez difficile à la
station de ski de La Paz, Chacaltaya. Enfin, de la station il ne reste pas grand-chose
; il paraît qu'il y a trois ans il y avait encore des glaciers. Peut-être...
En tous cas, maintenant, nenni !
Mais
nous sommes à 5246 m et la vue est splendide. Klaus montera jusqu'au classique
sommet, à 5 4OO m et de là-haut jouira d'une vue panoramique à 360°. Le Huayna
Potosi est là tout près, d'autres sommets aussi ; et en contrebas, 2 000m plus
bas, La Paz. Pas décidés à redescendre, nous passons la nuit un peu plus bas,
à 4600 m, pour remonter le lendemain vers un autre col. Celui-ci est le point
de départ de l'ascension du Huayna Potosi.
Ce sommet est paraît-il le 6 000
m le plus facile au monde. Mais n'enlevons pas le mérite aux grimpeurs,
il faut tout de même y monter ! A la jumelle, nous suivons les traces
de montée et découvrons le refuge d'altitude.
Sur le chemin du retour, nous passons
à côté d'une magnifique laguna dont l'eau offre tous les dégradés du rouge
au bleu en passant par le violet. Cette couleur rouge serait due au zinc exploité
dans la mine voisine.
Milluni est un village dispersé
de quelques maisons de mineurs.
Comme toujours, le cimetière (en
avant-plan) est beaucoup plus important que le village même.
Cet endroit est emprunt d'émotion
pour nous car Nicolas, notre fils, l'a parcouru en juillet pendant trois jours,
seul, chargé d'un énorme sac à dos et dormant dans la
tente à 5 OOO m. Courageux Nico !
Nous
abordons le Salar par le nord, peu fréquenté des touristes en général. Les agences
pratiquent presque toutes le même trajet à partir d'Uyuni ; nous préparons notre
itinéraire pour ne pas les rencontrer.
Nous
ne repassons pas par La Paz et faisons seulement le plein de provisions pour
partir vers le sud, le Salar d'Uyuni et le sud-Lipez . Nous étions arrivés en
Bolivie, il y plus de 5 mois déjà, par cette région du Sud-Lipez. Il faisait
froid et un vent terrible à décorner des lamas (ils n' ont plus de cornes depuis...)
nous a empêché de profiter de cette région censée être une des plus belle d'Amérique
du sud. Ayant l'intuition que nous avions dû rater quelque chose, nous décidons
donc d'y retourner...
A
3 653 m d'altitude, le Salar d'Uyuni, le plus grand lac salé du monde, couvre
une surface de plus de 10 000 km², soit un peu plus que la Corse. Sa surface
totalement plane et dépourvue de tout obstacle permet d'y rouler à une bonne
vitesse, les motos y faisant parfois la course à 160 km/h (clin d'œil à Nicolas
d'Huanchaco...). Vous l'avez compris, le Salar d'Uyuni se traverse assurément
beaucoup plus vite que...la Corse !!!!
La découverte de cette grande étendue blanche, éblouissante sous le soleil est
assez fantastique. Nous longeons tout d'abord le Salar, un peu en hauteur, ce
qui nous permet d'avoir une meilleure vue. Les lamas paissent au bord du salar,
quelques voitures, minuscules points noirs, se déplacent sur le blanc du sel,
par-ci par-là des maisons de pierre au toit d'herbes séchées ou à demi-détruites,
et le Volcan Tunupa, du haut de ses 5 432 m, veille majestueusement sur tout
ce petit monde...
Le
Salar, c'est un peu le monde à l'envers. Nous voici dans la peau de marins naviguant
sur un océan de sel, infini, et nous débarquons sur des îles de roches et de
terre, paradis de très grands cactus, du haut desquelles nous avons une magnifique
vue sur l'océan blanc.
Nous
abordons sur l'île Pescado où nous passons la nuit, une nuit très tranquille.
Il a peu de vie sur le salar, pas d'oiseau, très très peu d'insectes, et le
silence est total.
Nous
reprenons le lendemain notre navigation et quittons en fin d'après-midi l'océan
blanc pour nous retrouver sur des pistes de terre peu fréquentées et donc peu
entretenues. Nous traversons quelques villages ayant une existence sur la carte
mais qui ne sont plus que des ruines d'où émergent parfois quelques visages
bien étonnés de nous voir.
Après
deux jours où nous n'aurons guère rencontré de véhicules, nous nous retrouvons
sur « la route du Sud-Lipez » et croisons de plus en plus de 4X4 où sont entassés
les touristes. Ô combien nous apprécions notre chance de circuler avec
notre propre véhicule, de nous arrêter où et quand nous le désirons, pour la
durée que nous choisissons, et dormons dans une totale solitude dans le désert
silencieux.
Les
cônes majestueux des volcans aux cratères explosés nous
accompagnent tout le long du chemin. Après avoir contourné le Volcan Ollaque,
5 869 m, volcan semi-actif qui, tout le temps, émet de son flanc un peu de fumée
blanche, nous découvrons une série de lagunas (lacs), chacune de couleur
différente, peuplées de colonies de flamands roses délicieusement colorés de
rose, rouge ou noir selon l'espèce.
Sur les 5 espèces de flamands roses en Amérique du Sud, 3 peuplent cette partie
des Andes : le flamand andéen se reconnaît à ses pattes jaunes, le flamand chilien
à ses pattes jaunes aux genoux rouges et le flamand James à ses pattes rouges.
La couleur des plumes varie aussi selon l'espèce. Pendant leur vol rapide et
gracieux, leurs longues ailes rouges et noires sont déployées et battent d'un
mouvement lent et régulier. Superbe !
La
beauté et la variété des paysages rencontrés sont à couper le souffle. Des vigognes
paissent nonchalamment au bord de la route, mais il ne faut pas s'y tromper,
elles ont, mine de rien, toujours l'œil aux aguets et lorsque l'on s'arrête,
elles maintiennent une distance entre elles et nous, à moins qu'elles ne s'éloignent
en groupe en un galop rapide et gracieux.
Nous
nous arrêtons pour la nuit auprès de l'Arbol de Piedra, l'Arbre de Pierre. Les
rochers sculptés par le vent sont déposés ça et là dans le sable. La nuit est
calme bien que le vent souffle parfois en violentes rafales. La nuit est tombée
depuis deux heures déjà quand, tout à coup... une lumière éclaire le fourgon,
et un 4X4, puis deux, viennent se garer près de nous. D'autres suivront et ce
seront près d'une dizaine de voitures qui s'alignent à nos côtés, phares allumés.
Quelques
personnes très emmitouflées dans leur anorak descendent des véhicules, certains
prennent des photos, car en fait les phares éclairent l'Arbre de Pierre à côté
duquel nous sommes garés. Puis tout le monde remonte dans les véhicules qui
s'éloignent l'un après l'autre, laissant le silence redescendre sur la nuit...
La
Laguna Colorada est un lac salé qui change de couleur au cours de la journée.
Peuplée de milliards de micro-organismes rouges qui restent au fond de l'eau
pendant la nuit et remontent au fur et à mesure que l'air se réchauffe, elle
devient rouge vif peu après midi, ce rouge s'accentuant de plus en plus au fil
des heures. Le sel qui s'accumule sur les bords prend des allures de blocs de
glace éblouissant de blancheur. La lagune est peuplée de milliers de flamands
roses, petits points roses sur fond bleu, qui arrivent au printemps, c'est à
dire dés septembre.
La
Laguna Colorada, joyau de l'Amérique du sud, mérite bien sa réputation. En mai,
nous y avions passé la plus terrible nuit de nos voyages. Le vent extrêmement
violent avait soufflé toute la nuit et menaçait d'arracher la fenêtre du toit
; glacial, soulevant le sable, il ne nous avait pas permis de quitter le véhicule
et de voir ce spectacle fantastique que nous avions maintenant sous les yeux.
Amis d'un moment à Chacaltaya.
Notons que tout ce petit monde tient
dans les deux voitures...
Au fond, le refugio.
Dans
tout cette région de Bolivie située entre 4 000m et 5 000 m, un peu plus bas
pour le salar, il n'y a pratiquement pas d'eau douce. Aucune rivière ne coule
des montagnes et tous les lacs sont très salés, comme le montre tout ce blanc
qui entoure l'eau des lagunas. Personne n'habite ici sauf des mineurs perdus
dans les montagnes, quelques personnes pour les installations touristiques et
les gardes du parc national. Il y fait très froid en hiver et il n'y a pas de
chauffage ; Nicolas rencontré à Huanchaco nous a dit avoir, à l'hôtel
du salar, claqué des dents toute la nuit malgré son sac de couchage et … six
couvertures ! Notre Nicolas a fait la même expérience au Sajama avec seulement
trois couvertures mais son sac était censé aller jusqu'à -20° !
L'eau
chaude émet une vapeur qui enveloppe le paysage. Quelle magnifique matinée !
Nous profitons de cette eau thermale pour faire le plein d'eau, et pourquoi
pas, un peu de ménage dans le fourgon. Quelques indigènes arrivent pour faire
leur toilette et leur lessive ; à chacun son bassin.
C'est mon anniversaire aujourd'hui. Nous
ne pouvons nous empêcher de penser que mon dernier anniversaire, nous l'avions
passé à la frontière Ukraine-Slovaquie, bloqués là de 10 h à 21 h. Et aussi,
il y a de cela bien longtemps, nous entrions au Népal, le jour de mes 25 ans.
Nous fêterons l'évènement et le retour à la civilisation devant un énorme
et délicieux steak et un bon verre de vin rouge !
Après
cet entracte dans l'enfer, nous atteignons la Laguna Verde à l'ombre du Volcan
Licancabur, 5 960 m, au-delà duquel se trouve San Pedro de Atacama, au chili.
Après avoir descendu de 4 800 m à la frontière bolivienne, à 2 400m ,
nous arrivons à San Pedro en fin d'après-midi, .
Nous
continuons vers la douane, située sur le site d'une mine de boraxe, à 5040m
d'altitude, puis rejoignons les geysers de Sol de Manana. Le vent est tout aussi
fort qu'en mai, ils fument toujours autant dans un sifflement venant des entrailles
de la terre et le glouglou de la boue qui bouillonne.
Cette année, c'est la
nature qui m'aura offert le plus beau cadeau qui soit !
Nous passerons notre dernière nuit bolivienne à Polques, au même endroit qu'en
mai, au bord d'une laguna peuplée elle aussi de flamands roses et à côté des
sources chaudes qui s'écoulent de la montagne. Bien que nous ne l'ayons pas
ressenti chez nous, la nuit est fraîche, le thermomètre affiche –12° à 7 h du
matin. Les flamands se sont réunis, la tête baissée, serrés les uns contre les
autres, petit îlot de duvet rose....