Brésil

20 février 2016

Nous retrouvons avec plaisir le Brésil. Les brésiliens sont tout de même beaucoup plus agréables que les boliviens qui ne savent dire ni bonjour, ni bonsoir, ni merci, et qui surtout ont bien du mal à sourire ! Bien sûr, comme partout, il y a des exceptions et nous avons rencontré, en particulier à Santa Cruz, des boliviens tout à fait charmants. Les brésiliens, c'est tout le contraire. Ils ont le soleil dans leur cœur, sont toujours prêts à échanger quelques mots, le sourire à portée de lèvres. Quelle douceur et quelle gentillesse chez ces gens !

Ils ne sont égalés en cela que par les colombiens ; sans doute, 60 ans de guerre civile leur ont donné une joie de vivre extraordinaire que l'on n'a retrouvée nulle part ailleurs.

Le Brésil se mérite et nous avons deux heures d'attente à la frontière ayant eu la malchance d'arriver après le déchargement d'un (ou plusieurs) bus.

Après avoir fait le plein d'argent, de carburant et de vivres, nous partons pour la Estrada do Pantanal que nous avions déjà parcourue en octobre mais cette fois nous la prenons en sens inverse. Sur le goudron, nous voyons pas mal de cadavres de caïmans déjà plus ou moins dévorés par les charognards. Et puis aussi ce serpent tué par un véhicule. Sans doute un boa de belle taille !
C'est déjà le milieu de l'après-midi quand nous attaquons la piste. La nature a changé depuis notre dernier passage du fait des grandes pluies. La température a déjà baissé aussi. Nous devons nous dépêcher car nous voulons rejoindre un carrefour où nous pourrons nous garer pour la nuit. Mais de plus en plus de flaques d'eau, une piste un peu glissante aussi, tout cela baisse notre moyenne qui n'était pourtant que de 20km/h.
Nous voyons un caïman qui déambule sur un chemin, haut sur pattes, en se dandinant, loin de toute flaque d'eau. Comment ne pas s'arrêter pour le regarder ? Puis c'est ce délicieux cervidé qui nous retardera encore un peu plus...
La nuit approche, la piste se dégrade. Nous prenons le chemin qui nous conduit à la Fazenda San Jao. Sur le parking, à notre arrivée, le « gardien » détale à toute vitesse.
Nous sommes accueillis par la patronne, aimable, souriante. Nous pouvons nous garer à côté de la maison (loin du caïman) et passer la nuit pour 30 Reals. Cette fazenda est beaucoup plus familiale que Santa Clara, moins cher et tellement plus sympathique !
Des enfants viennent lui donner du pain et il s'envole vers l'arbre. Dans un grand froufrou, deux autres aras arrivent et l'un d'eux, un vermillon, vient rejoindre le ara azul.
Ils sont là tous les deux à quelques mètres de nous, entourés d'innombrables perruches. Je pensais que ces aras étaient des habitués de la fazenda, mais on me dit qu'ils sont sauvages. Quand on regarde ces oiseaux en liberté, on a un serrement de cœur en pensant à tous ceux emprisonnés dans des cages pour le caprice de leur "propriétaire".

Les enfants, si vous voyez,

Des p'tits oiseaux prisonniers,

Ouvrez-leur la porte vers la liberté... »

(Pierre Perret)

Nous regrettons de devoir partir car cet endroit est bien sympathique. Mais nous ne connaissons pas l'évolution du temps et nous ne voudrions pas rester bloqués par la boue s'il se remet à pleuvoir .
Continuant notre route, nous arrivons bientôt à une zone de boue avec de grosses ornières. Klaus s'arrête et très vite un 4X4 arrive près de nous. Il nous dit d'essayer et qu'il nous aidera s'il le faut. Klaus parvient à franchir presque toute la zone critique, puis... reste planté dans la boue.

Il en sera quitte pour ressortir les sangles qu'il venait juste de ranger après notre remorquage vers Santa Cruz ...

Nous faisons demi-tour, ne voulant pas risquer de rester bloqués dans d'autres zones de boue, d'autant plus que nous devons revenir par le même chemin.

Le Pantanal, c'est la nature sauvage dans toute sa splendeur, nous devons aussi en accepter les souvenirs cuisants !
Sur cette piste les fazendas ne sont pas là que pour les touristes. Elles pratiquent l'élevage de bovins et il n'est pas rare de croiser sur la route de grands troupeaux guidés par des gauchos à cheval. Ils manient le fouet avec dextérité et le bruit des claquements est impressionnant.
Nous nous délectons en contemplant les fleurs plongées dans une eau qui semble d'un noir profond. En fait cette eau est très transparente, mais le fond est une roche d'un rouge si foncé qu'elle paraît noire. C'est dans ce type d'eau que l'on trouve en général les caïmans.
Nous en verrons une dizaine qui fendent l'eau avec rapidité, laissant seulement apparaître leur museau et leurs yeux au-dessus de l'eau. Nous voyons beaucoup d'oiseaux aussi, de nombreuses perruches vert salade ou vert foncé.
Ce rapace que l'on trouve partout en Amérique du sud aime particulièrement se promener sur cette piste. En Bolivie, à 5000 mètres, il avait revêtu son pantalon blanc fourré ; ici, au Brésil, il est en short.
Les capivaris, les plus gros rongeurs du monde, ont une adorable frimousse !
Les fleurs sont elles aussi magnifiques, comme cette passiflore (fruit de la passion).
Nous quittons la piste et à peine avons-nous retrouvé le goudron qu'une très violente pluie se déverse. Qu'importe à présent, nous n'avons plus à craindre la boue et dans notre cœur rayonne le soleil du souvenir de ces heures magnifiques passées au plus près de la nature...
Décidément, le Pantanal nous éblouit toujours et il n'est pas dit que nous n'y reviendrons pas une troisième fois...
Nous reprenons la route vers l'Atlantique, un parcours de quelques 3000 km que nous parcourons en une petite semaine. Contrairement au sud du Brésil, entre le Pantanal et Iguazu, où il n'y avait presque que de la canne à sucre à tous les stades depuis le labour jusqu'à la récolte, puisque ici il n'y a pas vraiment de saison, parcours monotone, contrairement donc à ce parcours, celui que nous faisons à présent est très joli et varié.
Toujours vallonné, jusqu'à 1000 mètres d'altitude, les collines sont recouvertes tout d'abord d'orangers, sur des surfaces propres à ramener les orangeraies d'Espagne à l'état de jardins. Les plantations laissent parfois apparaître une fazenda entourée de hauts arbres qui donnent un peu d'ombre. Ce qui est surprenant dans cette région, c'est l'absence de villages, pourtant de telles plantations doivent nécessiter une nombreuse main d’œuvre.
Plus loin, ce seront d'immenses plantations de café ou des forêts d'eucalyptus qui couvrent les collines.
Au bord de la route, les producteurs d'ananas vendent leurs fruits. Klaus est épouvanté en voyant les dix ananas qu'apporte le vendeur dans le fourgon. Mais, à raison de un à deux par jour, ils seront vite dévorés.
Quittant la route de Brasilia pour nous diriger vers l'est, nous nous trouvons sur une route terrible avec des trous nombreux et profonds et une intense circulation de camions, sur plus de 500 km. Dés que nous le pouvons, nous prenons une petite route vers Piedra Azul. Le paysage change complètement. De nombreux rochers, immenses, sans doute des monolithes, sont parsemés au milieu d'une végétation intense. Puis le goudron fait place à une piste. La prochaine localité est à des dizaines de km et nous n'avançons pas très vite. La nuit approche.
Soudain, nous voyons une moto arrêtée et un homme avec un long bâton qui regarde le bord de la piste. Un immense serpent est devant lui, mort semble-t-il. C'est un crotale, le serpent à sonnettes. L'homme vient de le tuer (proprement, il n'y a pas une goutte de sang) et il nous semble que la queue bouge encore un peu...
Il nous montre les dix anneaux de sa queue qui correspondent à un âge de dix ans. Son ventre est épaissi et notre chasseur, qui a bien regardé son gibier, nous dit qu'il a déjà avalé sept rats, bien rangés à la queue leu-leu dans son ventre.
En reprenant la route, on se demande pourquoi a-t-il tué ce serpent ? Mais en y réfléchissant, le crotale tue en une heure, que ferions-nous si l'un de nous était mordu ? L'autre le regarderait mourir sans rien pouvoir faire. En tuant ce serpent, cet homme protège sa famille car tous doivent redouter de faire une mauvaise rencontre. Nous ignorions qu'il y avait des crotales au Brésil, loin du désert. Il y en a même paraît-il beaucoup. Désormais, nous regarderons mieux où nous mettrons les pieds...
La nuit est arrivée, nous devons nous arrêter en pleine nature, avec ou sans crotale... Le coucher de soleil est magnifique et la nuit sera des plus silencieuses...
A Corumba, nous sommes dans un restaurant quand s'abat une pluie diluvienne. Très vite, l'eau entre sous la porte et s'étend sur le sol du restau, suivie de très près par d'innombrables gouttières qui tombent du plafond. Notre coin est épargné et nous restons à peu près au sec pour regarder tout en mangeant le défilé de tout le personnel armé de raclettes et de balais pour tenter de stopper l'inondation. Le patron regarde de son côté d'un air mélancolique l'eau qui coule sur les murs et sur les tableaux...
Le lendemain matin, on nous fait signe. Sur le poteau électrique se trouve un ara. Il dégringole bientôt sur le bord du toit pour manger le gâteau tendu par une femme.
Cette petite perruche me regarde, comme si elle comprenait ce que je pensais...

« Ouvrez la porte aux oiseaux

Regardez-les s'envoler, c'est beau,

Chaque fois que nous nous arrêtons, la cabine est envahie par une nuée de moustiques. Un tampon de citronnelle sur le plancher les fait monter vers le haut et c'est là que je me lance dans une partie de tennis avec ma raquette électrique. Mais il y aura toujours des petits malins pour se caser dans des endroits inaccessibles ce qui nous vaudra quelques chapelets de piqûres.
Des canards noirs qui étendent leurs ailes pour les sécher, à la manière des cormorans (ou peut-être est-ce de cormorans?), se laissent porter par le courant, le corps entier restant sous l'eau. Seul leur long cou dépasse. L'un d'eux aura bien du mal à avaler son poisson !
A quelques km de Miranda, un très gros iguane (ou est-ce un varan?) traverse la route. Je descends du fourgon, il s'arrête et me regarde, puis fait demi-tour et court tout en agitant sa langue tel un serpent. Il est énorme ! Sa taille est celle d'un caïman !
Nous approchons de Porto Seguro. A une cinquantaine de km de la ville, nous apercevons un immense papillon en béton qui annonce un Borboletario, une serre aux papillons, Asas Magicas « les Ailes Magiques ».
La bonne surprise, c'est que cette serre est tenue par des français, ce qui nous vaut la visite dans notre langue ! Raphaëlle et sa famille (sœur, parents, conjoints et enfants), ont habité de nombreuses années dans les Antilles françaises ; ils ont décidé de créer cette serre au brésil.
Trois grandes serres, aménagées chacune selon un autre milieu, hébergent les papillons. Les serres correspondent à un milieu différent mais aussi à des périodes différentes d'activité des papillons.
Raphaëlle nous montre sur les feuilles des petits grains qui sont les œufs, de la taille de granules homéopathiques pour les plus gros, jusqu'à de minuscules grains jaunes. L’œil expérimenté de Raphaëlle sait où les trouver et, chaque matin, elle les récolte pour les mettre au laboratoire.
Ces œufs vont devenir des chenilles voraces qui dévorent très vite les feuilles qui leur sont données. En fait cette période de la vie est celle où l'animal va manger le plus.
Raphaëlle les prend alors et colle délicatement cette enveloppe de soie sur une tige de bois. Les chrysalides sont absolument magnifiques et bien loin de ce que va donner le papillon plus tard. Certaines ressemblent à des gouttes de jade cerclées d'un fil d'or ; d'autres sont comme des gouttes d'or ou d'argent.
On a tendance à penser qu'un papillon a une vie éphémère, on parle souvent de un jour. Mais c'est une idée fausse car elle nous a montré des papillons qui peuvent vivre près d'une année !
Écouter Raphaëlle parler des papillons est un délice et très vite elle sait nous communiquer sa passion. Elle part avec son filet à papillons pour récolter ses spécimens et remet en liberté une femelle sur dix. Une femelle capturée dans la nature peut donner jusqu'à 200 œufs !
Pour effrayer d'éventuels prédateurs, certains ont une couleur rouge très vive (le rouge étant souvent synonyme de poison dans la nature). D'autre ressembleront, toutes ailes fermées, à une tête de serpent. (voir photo ci-dessus)
Les Ailes Magiques ne sont guère aimées de leurs voisins, planteurs utilisant beaucoup d'insecticides. On voit d'ici le conflit... Les planteurs aspergent leurs agrumes d'insecticides et les Ailes Magiques élèvent des papillons qui, à l'état de chenilles, peuvent dévaster des plantations d'agrumes...
Certains papillons vont ingérer la sève blanche, souvent toxique, de certaines plantes. Le prédateur qui les mangera s'en trouvera pour le moins incommodé, s'il n'en meure pas ; au moins épargnera-il par la suite les autres papillons de la même espèce pour ne pas renouveler le désagrément.
Puis la chenille va développer un fil avec lequel elle va se coller à quelque chose, par exemple à la paroi.
Le papillon va naître de cette chrysalide. Il sera récupéré puis placé dans la serre qui lui correspond. Les ailes mettront près d'une heure à sécher et pendant ce temps, le papillon aura du mal à s'envoler.
Un autre conflit que rencontre Raphaëlle, c'est avec les collectionneurs de papillons qui épinglent leurs spécimens. Comment comparer ces deux passions ? Raphaëlle aiment les papillons vivants et voudrait les préserver ; le collectionneur aime les papillons comme on aime un oiseau en cage, pour le contempler loin de son milieu naturel.
Si Raphaëlle utilise les papillons, c'est pour faire de jolis porte-clés réalisés avec les ailes de papillons morts. Elle nous en a fait cadeau alors que nous quittons précipitamment les Ailes Magiques sous un véritable déluge et que nous sommes bons à tordre ! (site des Ailes Magiques : www.asasmagicas.com.br)
Nous arrivons à Porto seguro et demandons, comme nous en avions pris l'habitude dés que l'on voyait une entreprise de gaz, où on pourrait faire remplir nos bouteilles. Cette fois, on ne nous répond pas « Impossible » mais "Je vais appeler car je connais quelqu'un". Cela marche et l'employé nous guide en moto à travers un dédale de petites rues. Pendant que l'on remplit nos deux petites bouteilles, on papote avec le voisinage. Cette gentille vendeuse de boissons et snacks nous offre à boire.

Klaus, pendant ce temps, se noie sous les bouteilles d'eau... Il est bien tard quand nous quittons la ville en direction du camping tant attendu, souvenir d'il y a cinq ans. Bien entendu, il n'existe plus, il y a un monde fou près de la plage, c'est carnaval, le bruit n'est plus descriptible et c'est fichu pour la tranquillité attendue. Caramba ! Encore raté !...

Le lendemain, nous découvrons une vingtaine de km plus loin un camping sur la plage, pratiquement vide avec des gérants super sympas, un petit restau à côté. Le bonheur ! Nous y restons une semaine, chaque jour apportant une autre tâche, que nous réalisons d'ailleurs avec plaisir !

Nous faisons la connaissance d'un couple de brésiliens qui voyagent dans ce grand bus. Oriom et Lilian sont en route pour visiter leur pays pendant un an et demi. Ayant les mêmes idées sur de nombreux sujets, nous nous sommes bien entendus et avons partagé de bons moments très gais. Et quel entraînement pour parler le portugais ! (ci-dessous, intérieur du bus)

Puis nous rejoignons Canavieras, une petite ville où javais séjourné, seule, pendant trois semaines en 2013. Mes amis me reconnaissent instantanément et le bonheur de se revoir est partagé. Ils se demandaient s'ils me reverraient un jour, promesse que je leur avait faite ; quant à moi, je me demandais s'ils seraient toujours là et si je pourrais les retrouver. Klaus a fait leur connaissance mais je lui avais déjà tant parlé de mes amis et de la ville qu'il lui semblait déjà tout connaître.
Klaus dans la mécanique, moi dans un grand nettoyage et une lessive qui n'a pas de fin. C'est qu'il y avait dans le fourgon quelques milliers de km de désert à nettoyer ! Entre temps, baignade dans une eau calme et tiède, dégustation des spécialités de Bahia et de jus de fruits.
Après près d'une semaine passée près de Dajuda, Joao et Luzia, nous reprenons la route vers le nord.
Nous sommes allés faire une balade en bateau dans la mangrove, très préservée dans cette région. (pour Elisabeth!)
L'eau de la mangrove est un mélange d'eau douce et d'eau salée. A marée haute, l'eau monte dans le rio. La hauteur des racines correspond à la différence de profonfeur lors des marées.
Les racines font penser à la main d'un géant dont les doigts plongeraient dans l'eau...
Dans cette mangrove se trouvent beaucoup de crabes qui sont la spécialité de la ville et que des vendeurs proposent en chapelet dans les rues. Emblème de la ville, toutes les poubelles représentent un crabe !
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