Pérou

De Cusco à Huaraz. 10 août 2010.

Nous quittons Cusco mais au lieu de passer, comme la plupart des voyageurs, par Nasca, puis Lima et la côte pacifique, nous préférons prendre la route des montagnes et rejoindre la Cordillère Blanche à Huaraz. Après 200 km de goudron, nous attaquons les pistes pour près de 800 km. A 20 ou 30km/h en moyenne, cela demande quelques jours...

Klaus boit le maté.

Contrairement à l'Altiplano où nous étions presque toujours autour de 4000 mètres avec des cols de 4400 à 4900m, au Pérou, nous passons des cols à plus de 4000m pour ensuite plonger dans des vallées à 2000 m et remonter à 4000 ensuite. La variété des paysages lors des descentes et montées est extraordinaire. Nous passons plusieurs fois par jour du paysage aride au paysage tropical et sa végétation luxuriante. En altitude, une multitude de gens sont dans des champs parfois très en pente et finissant par des ravins pour ramasser les pommes de terre. Gare à celles qui échappent à leurs mains, elles sont impossibles rattraper !
Dans les vallées, quand le relief le permet, ce sont des cultures de céréales, des arbres fruitiers, des bananiers et plein de fleurs ; les bougainvilliers de toutes les couleurs sont particulièrement présents. Et de la verdure, des rivières très claires, tout ce qui manque en altitude et qui nous rafraîchit après toutes ces semaines passées dans l'aridité.
Les pistes sont la plupart du temps très étroites ; elles jouxtent des précipices de 1000 mètres, sans barrière de protection. Quand il faut croiser un autre véhicule, les roues sont bien proches du vide et je bénis le ciel d'être à la merci d'un conducteur si expert...
Un jour, nous sommes arrêtés par un barrage sur la route. Beaucoup d'animation parmi les habitants du village. Manifestation ? Un véhicule suisse est déjà arrêté et Arthur, son conducteur, me dit qu'un minibus a quitté la route et se trouve une cinquantaine de mètres plus bas. On attend la police et l'ambulance. Ils mettront plus d'une heure à arriver. En attendant, on ne touche rien. Il y a 10 personnes dans le minibus ; il a fait plusieurs tonneaux et la hauteur du véhicule est réduite de moitié. Il y a 3 morts et sûrement beaucoup de blessés. Nous souffrons de notre impuissance à aider les blessés. Il faut attendre la police, et en plus, des gringos...

Cet accident nous rappelle qu'il ne faut attendre aucun secours en cas d'accident... Après le village, la route très étroite remonte de près de 2000 mètres sans protection près du vide vertigineux. Je suis prise de vertige en voyant arriver le premier grand bus à croiser. Klaus continue de conduire avec maîtrise. Heureusement !

Les petites chapelles et les croix en bord de route signalant chaque mort prennent soudain une toute autre signification. Et on en voit tellement !

Mais bien vite la beauté des paysages enlèvent de nos cœurs ces pensées moroses. Nous rejoignons tout d'abord Ayacucho, puis Huancayo après un détour à l'ouest vers de magnifiques lacs à 4600 m où nous passons la nuit.
Le lendemain un péruvien voyant Klaus prendre de l'eau dans le lac (pour le véhicule) lui dit que l'eau est polluée par la mine voisine. Un peu plus haut, il y a un lac très pur où il habite et nous invite à venir. Nous nous retrouvons à 4700 m où la famille élève des truites. Ils pêchent pour nous deux magnifiques truites qui sont sûrement les meilleures et les plus fraîches que nous ayons mangées de notre vie !

Continuant notre route, nous longeons d'autres lacs pour monter ensuite au col « le plus haut du monde » à 5059 mètres. Je ne suis pas certaine qu'au cours de notre périple nous n'en franchirons pas de plus hauts encore !

Au milieu du paysage aride, des petites fleurs jaunes s'épanouissent en ronds réguliers.

Arrivés à Huancavelica, c'est la fête (comme si souvent au Pérou et en Bolivie!) Encore un défilé ! Mais celui-ci n'a rien des défilés classiques d'écoliers sur musique militaire. Ici, on s'amuse ! Des jeunes filles demandent à être photographiées avec les gringos !

Le cuy est l'honneur ! Il figure d'abord sur toutes les cartes des restaurants ; des panneaux en vantent les bienfaits.

Vous ne connaissez pas le cuy ? Mais il participe aussi au défilé ! Le voilà !

Le cuy, c'est le cochon-dinde, élevé et consommé au Pérou depuis des siècles. C'est la meilleure viande qui soit et elle est responsable de l'exceptionnelle santé et intelligence des Incas qui en consommaient déjà (c'est ce que disent les péruviens...) Klaus n'a jamais été chaud pour en manger ; moi, je voulais goûter. Mais à Huaraz, nous en avons vus au marché, dépecés et vendus prêts à cuire. A côté, dans des filets, des congénères bien vivants attendaient de subir le même sort... Cela a suffi pour m'enlever définitivement l'envie de goûter à cette spécialité si répandue ici.
Notre périple continue vers Huancayo, puis Tarma, appelée « La Perle des Andes ». A plus basse altitude, Tarma cultive des fleurs dans sa vallée ; glaïeuls, roses, gypsophiles et bien d'autres fleurs magnifiques que nous ne trouvons pas chez nous et dont je ne connais pas les noms. Au marché, avec un joli sourire, une femme m'a offert une rose dont le parfum m'a rappelé les roses de mon enfance, quand les roses sentaient encore bon...

Cuisine populaire servant du cuy.

Au Pérou, comme en Bolivie, on mange beaucoup dans la rue. Les cuisines populaires s'installent le matin et disparaissent le soir. On y mange dés le matin de la viande, du cuy, des soupes... Des bancs et des tables où s'entassent les clients sont installés pour la journée.

A Junin, de nouveau à 4000 mètres, la police nous conseille d'aller dormir sur la grande place. Farce ou oubli ? On ne saura jamais. Arrivés sur la place, nous voyons beaucoup de monde. On se gare à côté de la place et très vite nous entendons les flonflons annonciateurs d'un défilé... En quelques instants la place est investie par un défilé de jeunes tenant drapeaux et pancartes, suit l'orchestre flonflon, puis une dizaine de voitures qui se garent toutes à côté de nous. Un homme hurle dans un micro. Nous comprenons que nous tombons dans un meeting pré-électoral ! L'estrade dressée à côté de l'église nous avait échappée... Nous préférons fuir ce bruit et allons à la recherche d'un restaurant. Nous le trouverons à l'autre bout de la ville, à une bonne demi-heure de marche. Il fait froid et au restaurant, comme partout en Bolivie et au Pérou, le chauffage n'existe pas. Tout le monde mange en anorak et bonnet ; les serveuses sont habillées pareillement. Tout le monde répète « Hace frio! », il fait froid.
Le retour, dans le froid et les rues mal éclairées, nous ramènent vers notre meeting. Ils sont tous allés à la messe et sortent maintenant de l'église. Sur le parvis de l'église, les candidats jettent par poignées des pièces de monnaie sur lesquelles se précipitent les supporters (les pauvres regardent, sans participer pourtant...). Cela me rappelait la sortie de l'église les jours de baptême dans mon enfance où on jetait aux enfants des poignées de dragées... Dans le discours électoral, on parlait de la lutte contre la corruption du gouvernement actuel. Chacun donne au mot corruption la signification qu'il veut...
Les élections ont eu lieu en Bolivie juste lorsque nous sommes arrivés. Nous n'avons vu que les maisons encore taguées. Mais au Pérou les élections ne sont pas finies et, en particulier le dimanche, les pickups (voitures 4X4 avec plateau à l'arrière) se chargent de gens, les hauts-parleurs se mettent en route et on promène tout le monde avec beaucoup de drapeaux et dans le maximum de bruit, musique et slogans. Toutes les maisons sont taguées, en particulier dans les villages. Nous pensons que les partis politiques proposent aux habitants de peindre leur maison en y ajoutant les noms des partis. Beaucoup de péruviens ne savent pas lire et risqueraient de cocher la mauvaise case (!) alors chaque parti a son logo : étoile, pomme de terre, pelle ou pioche, main, croix andine, arbre... en général en rapport avec l'activité de l'endroit, et on note : « marca la papa asi » (marquer la pomme de terre comme cela) et on montre la pomme de terre barrée pour que tout le monde comprenne. Bref, les élections semblent imminentes. Et bien non ! Les premières sont en octobre et les présidentielles en 2011 !!! A notre retour au Pérou, on sera en plein dedans, qu'est-ce que ça va être !
Dans les montagnes, en Bolivie et au Pérou, c'est l'hiver, la saison sèche. L'herbe est jaune et les paysans pratiquent des brûlis. Ce sont des versants entiers de montagnes que l'on voit sous les flammes et la fumée épaisse.
Ce cours d'eau, aux eaux claires et peu profondes, coule vers le nord, puis vers l'est, et se jettera dans l'Atlantique près de 3000 m plus bas et quelques milliers de km plus loin. Le Rio Maranon va recevoir de nombreux affluents dévalant des hautes montagnes. Il rejoint à Nauta, au nord-est du Pérou, le Rio Ucayali qui vient de Cusco. La rivière prendra alors le nom prestigieux d'Amazone.

D'autres chars plus émouvants, comme celui des "ninos perdidos", les enfants perdus, avec un adorable pitchoune (voir photo en haut de l'article).

(Notez l'abondance des fils électriques...)
Nous avons pensé que nous aurions pu nous mettre aussi dans le défilé : le char des touristes ! Personne n'aurait contesté, c'est certain et nous aurions sûrement été très applaudis !

Journée de repos. Peinture et dessin, sans être dérangée par les poissons...

Klaus en profite pour faire de la mécanique.

Nous passerons rapidement à Huanuco, une ville bruyante, avec une intense circulation bien que soyons dimanche, et la fuyons pour retrouver la montagne, les hautes altitudes et … le silence.

C'est notre dernière étape avant d'atteindre Huaraz et la Cordillère Blanche...

Les cochons ne sont pas ici enfermés dans des porcheries étroites. Ils vivent en liberté et font partie des troupeaux. On rencontre fréquemment des troupeaux comportant des vaches, des chevaux ou des ânes, des lamas, des moutons et ... des cochons.

Comme tous les animaux vivant jusqu'à plus de 4000 m, ils ont des soies très longues.

On les voit devant les maisons, au milieu des gens et des autres animaux, chiens, poules...

Ce sont des animaux de compagnie ; nous avons vu certains de taille moyenne menés en laisse par la mère qui accompagne son enfant à l'école.

L'organisation sociale entre animaux est intéressante : il y a souvent des cochons moyens auprès des tout petits, comme pour garder les petits frères.

Il faut dire que ce sont des familles nombreuses !!!

Tout petit, l'ânon sait déjà qu'il doit revêtir son manteau de fourrure avant de sortir dans le froid en altitude !
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