Chili
10 décembre 2015
Nous quittons l'Argentine après avoir
fait le vide de tout produit frais, le Chili étant, comme je l'ai déjà expliqué,
très suspicieux pour tout ce qui vient d'ailleurs. Nous arrivons à Chile Chico
avec un grand programme !
Tout
d'abord, recherche d'un distributeur pour retirer de l'argent. Pas de choix,
il n'y a qu'une banque ; trois distributeurs sont là, tous avec la mention Visa.
Le bonheur. Première tentative : cette carte n'est pas reconnue... Nous essayons
les trois distributeurs avec la même réponse. Une employée de la banque arrive
et nous demande de réessayer. Même réponse. Alors elle nous explique que cela
marche avec les cartes Visa, mais les Visa Mastercard, charabia incompréhensible
puisque Mastercard et Visa sont deux compagnies différentes.

Nous
allons donc attaquer la Carretera Austral sans autre argent que celui que nous
avions changé au parc Torres del Paine et auquel nous n'avions pas encore touché.
100 euro ; c'est peu pour les 1 000 km que nous avons devant nous... Heureusement
la station service accepte les cartes Visa, et le supermarché aussi ! Nous apprendrons
bien plus tard d'un allemand qu'il a essayé de retirer à ces mêmes distributeurs
avec deux cartes Mastercard et une carte Visa. Sans succès. A côté de lui, un
français a pu retirer sans problème avec une carte Visa. Que faut-il comprendre ?
Nous
quittons Chile Chico en longeant le magnifique Lac Buenos Aires (qui s'appelle
Lac General Carrera au Chili), le deuxième plus grand lac d'Amérique du sud
après le Lac Titicaca. Le lac est d'une couleur bleu-vert avec des taches turquoises
au soleil.
Deuxième
démarche : prendre une assurance pour le Chili. Il y a bien des bureaux mais
ils ne font l'assurance que pour l'Argentine. Cela recommence comme à Iguazu !
Nous sortons du bureau et une femme nous rattrape. Elle a entendu et nous explique
qu'au Chili nous n'avons pas besoin d'assurance, que les bureaux ne sont là
que pour ceux qui veulent aller en Argentine, car ce pays l'exige à la frontière.
Elle nous dit que tous les véhicules que nous voyons là circulent sans assurance.
Le
plein d'eau, de vivres et de carburant fait, nous prenons le chemin de la Carretera
Austral. Sans assurance.
Nous arrivons dans un bois où les arbres sont très hauts. Le changement de paysage
avec l'Argentine, plate et dépourvue de végétation haute, est très agréable.
La lumière est claire et pure en cette fin d'après-midi.
En
arrière-plan les montagnes enneigées et les glaciers contrastent avec les couleurs
de la végétation.
Nous
arrivons à Cochrane le vendredi. La ville est très bruyante ; hauts-parleurs
mal réglés et grésillant déversant une musique saccadée et des appels au micro
trop puissants. C'est le téléton... Notre soif de silence nous fait quitter
la ville rapidement.
Le
lendemain, toujours dans ce même décor extraordinaire, nous arrivons à Puerto
Yungai, pas encore le bout du monde mais presque. En fait, il n'y a que quelques
maisons mais surtout le ferry qui permet de rejoindre le dernier tronçon de
100 km jusqu'à Villa O'Higgins. Pour nous, c'est le bout de la route car il
nous faut refaire le chemin de retour sur la même piste.
Un
seul bar, très limité en boissons (même pas de bière!!!). Devant la porte une
femme épluche de la « rhubarbe » sauvage et géante. Nous la regardons
puis entrons dans le café. Elle se lève, nous suit et nous fait goûter de la
confiture faite avec cette plante ; c'est bon et nous en achetons un tout petit
pot.
Pas
encore familiarisée avec les pesos chiliens, je n'évalue pas tout de suite le
prix ; 6 euro le petit pot... belle arnaque pour touristes naïfs ! D'ailleurs
elle n'est plus retournée à l'épluchage !
Nous
y allons le lendemain, le détour n'étant pas très important. Il pleut et sous
le ciel gris, le paysage perd beaucoup de son charme.
Mais
la ville est très surprenante ! Elle est construite à flanc de coteau et tous
les chemins sont des passerelles, pour piétons bien sûr. Des places de village
sont aménagées dans ce réseau.
La
ville est calme car on n'entend aucune voiture, seulement le bruit de quelque
tronçonneuse ou autre machine pour le travail du bois, la construction de maisons
ou de passerelles ; un peu de musique filtre hors des maisons.
Le
carabiniéri nous avait dit que le yatch l'Oréal était venu un jour y jeter l'ancre.
Il est certain que vu de la mer, la ville doit apparaître bien curieuse.
A
Cochrane, nous arrivons le dimanche soir. Il fait assez froid. La ville est
vide, plus de téléton. Quelques jeunes tapent dans un ballon, quelques piétons
marchent rapidement. Nous cherchons un restaurant. Lorsque nous nous renseignons,
les gens nous regardent comme si nous demandions la lune ! Finalement, on nous
en indique un qui est peut-être ouvert. Le restau Acra est accueillant avec
son arrangement type chalet. Il fait chaud et on y mange très bien. En plus,
on accepte la carte bancaire ! Un bonheur.
La
route ne comporte que de rares tronçons goudronnés mais les pistes
ne présentent aucune difficulté. En 2010, nous avions commencé
à prendre cette route à partir de Puerto Montt, au nord, mais nous avons dû
renoncer à Hornopiren , 100 km plus loin, car il n'y avait plus de bateaux pour
continuer ; cela était peut-être dû à l'éruption d'un volcan qui avait couvert
de cendres toute la région de Chaiten en 2008.
Sur
les 100 km de piste pour revenir à Cochrane, le temps est gris, il pleut souvent,
les glaciers se cachent dans les nuages. Vers 17 heures, nous voyons beaucoup
de personnes en bord de route, des hommes surtout, qui attendent le bus. Parfois
leur femme les accompagne pour attendre. Ce sont les travailleurs de la « ville »
venus passer le weekend chez eux et qui repartent. Lorsque l'on voit l'isolement
de ces estancias, souvent des petites maisons au milieu d'un immense terrain,
maisons très isolées, on imagine la vie des femmes restant seules.
Nous
continuons notre route vers le nord. La route longe le lac Buenos-Aires. Cette
fois, il fait très beau et le lac prend des couleurs absolument magnifiques.
Chaque
virage nous présente un autre point de vue sur les glaciers ; des parterres
de lupins bordent la route ou les rives de quelque rivière bleue ou turquoise
ou verte .
Les notros, ces fleurs rouges que nous rencontrons depuis le Parc du Torres
del Paine, se mêlent aux genêts d'un jaune éclatant et aux lupins multicolores.
Klaus
doit regarder la piste mais moi qui ne regarde que le paysage, je n'en peux
plus de beauté et pour la première fois de ma vie, je sature... j'espère que
le prochain virage m'apportera un paysage quelconque mais mon attente est toujours
« déçue » !
Nous
voilà à Puerto Rio tranquilo, un tout petit village pensions-nous...
Nous arrivons par en haut et la vue est magnifique. Les toits de tôle des maisons
brillent sous le soleil et tout le village est au milieu des lupins.
Mais
ce village ne porte pas vraiment bien son nom. C'est ici le point de départ
pour la Vallée Rio Tranquilo ; de cette vallée, on peut aller marcher sur les
glaciers et tout au bout de la route, des bateaux emmènent les touristes à la
Laguna San Rafael qui est un peu comme le Perito Moreno, peut-être mieux ? Ce
qui justifierait le prix de l'excursion, 200 € la journée au minimum... Dans
le village, de nombreuses agences organisent les excursions, quelques boutiques
alimentent les clients et il y a beaucoup de touristes.

Nous
y rencontrons le camion du Rotel-Tour ! Un mot sur cet organisme allemand. Un
camion rouge et noir(on le reconnaît de loin!) tracte une remorque. Le camion
fait office de bus, la remorque c'est le dortoir. Chaque passager bénéficie
d'un tiroir où il trouvera son lit. Un voyage d'aventure !!! où tout est néanmoins
organisé, sécurisé... A chacun sa définition de ce mot… Nous l'avons déjà
rencontré il y a 35 ans en Inde et en Afrique, l'an dernier en Mongolie dans
le désert de Gobi et d'autres fois en Amérique du sud. Toujours le même camion
rouge et noir. Il faut croire que la formule plaît pour durer si longtemps !
Nous remontons la vallée du rio Tranquilo,
très jolie, et sans faire d'excursion nous y passons deux superbes journées..
Nous
rencontrons un camping-car allemand que nous avions déjà vu à Valdès. Loin de
tout, Baerbel et Jens sont en panne et attendent une dépanneuse, tout en espérant
que la demande en sera bien transmise. Car ici, il n'y a pas de réseau téléphonique
. Ce qui est incroyable c'est qu'il y a un an, ils ont eu une panne au même
endroit et on dû déjà faire dépanner leur véhicule. Et celui-ci n'a que deux
ans !
Le
lendemain nous sommes à Coyaque, la capitale de la Carretera Austral. Nous y
trouvons des banques avec distributeurs (qui fonctionnent!), de bons restaurants
et aussi un wifi qui marche.
Le
lendemain nous partons pour Cochrane, LA grande ville du sud de la route. Nous
longeons une délicieuse rivière d'un vert émeraude avec des reflets turquoises.
L'eau est totalement transparente. Les fleurs sont nombreuses.
Un
carabiniéri vient demander de l'aide à Klaus (et ses outils) pour changer une
roue. Il nous conseille d'aller à Caleta Tortel, une « vraie » ville très jolie
.
La
Route Australe est au Chili ce qu'est la Ruta 40 en Argentine, c'est à dire
une route mythique. La Ruta 40 traverse toute l'Argentine sur plus de 5000 km,
du nord à la frontière avec la Bolivie, au sud en Terre de Feu, et longe les
Andes sur tout son parcours. Cette route est très prisée des cyclistes qui la
parcourent sur tout le trajet, à tort selon nous car, en la suivant, ils passent
souvent à côté de merveilles. Elle est d'ailleurs sur certains trajets d'une
monotonie désespérante, surtout en Patagonie. Mais tout le monde n'a pas le
même objectif dans le voyage !.
La
Carretera Austral est la seule route en Patagonie chilienne. Par quelques pistes
transversales on peut rejoindre l'Argentine. Son parcours est d'environ 1300km
du nord au sud. La fin de la route au sud est Villa O'Higgins. De là il est
possible aux piétons, cyclistes et motards de rejoindre El Chalten, en Argentine.
Il n'y a pas de bacs pour les autres véhicules. Au nord, il faut prendre quelques
bacs pour traverser les fjords.
Nous
nous faisons interpeller. Une petite famille savoyarde voyage en tandem, chacun
des parents ayant devant lui un enfant. Courageux les petits (11 et 14 ans) !!!
Partis en avril de Lima au Pérou, ils achèvent leur périple fin décembre pour
attaquer la rentrée scolaire. Et bien oui ! Ils habitent Nouméa !(Vous
pouvez les suivre sur leur site http://lougarioud.tumblr.com )
Sur
la carretera Austral roulent beaucoup de cyclistes et bien sûr nous ne nous
arrêtons pas pour chacun d'autant plus qu'ils n'ont toujours envie d'interrompre
le pédalage en plein effort !
Mais
nous sommes plus attirés par la nature sauvage que par les villes et ne nous
attardons pas. Sur la route vers Puerto Aysen les lupins bordent toujours la
route, les couleurs en sont plus variées. Il fait chaud, 27° !, et le ciel est
magnifique.
Les
concurrents sont deux par deux, vêtus d'un poncho de même couleur et coiffés
d'un grand chapeau. Un petit veau (sauvage) est lâché et les cavaliers doivent
lui faire suivre un certain itinéraire dans l'arène.
Parfois
il y a des gags comme ces petits veaux qui se couchent et refusent de courir,
ou ceux qui ne veulent pas sortir dans l'arène et que l'on voit arriver par
le postérieur, ou encore ceux qui repartent en sens inverse et font perdre les
concurrents.
L'ambiance est bon enfant, les spectateurs peu nombreux. Les cavaliers s’entraînent
dans le pré à l'extérieur et font exécuter de véritables pas de danse à leur
cheval. Celui-ci participe d'ailleurs bien au rodéo en envoyant quelques
coups de genou au petit veau pour le forcer à aller où il faut.
Mais
il nous a semblé que ce type de concours n'était pas pour le commun des gauchos
et que seuls les patrons d'estancias et leur progéniture pouvaient y participer.
La logistique nécessaire au transport des chevaux n'est pas à la portée de toutes
les bourses.
Nous
traversons un village où règne une grande animation. De nombreux camions sont
arrêtés, il y a du monde et surtout beaucoup de chevaux avec leur cavalier.
C'est un concours de rodéo. Nous assistons d'abord aux éliminatoires puis à
la finale.
Les
estancias sont toutes isolées et entourées de terrains immenses.
Ce type de rencontre permet aux gauchos de se retrouver entre eux. Chacun repartira
ensuite vers son isolement. C'est la première fois que nous assistons
à un rodéo et nous avons là un superbe spectacle.
Le
soir nous arrivons à Puerto Aysen. L'intérêt de cette petite ville tranquille
est son port situé à 15 km de là, Puerto Chacabuco, départs des ferrys
mais aussi port industriel pour le transport du minerai et des marchandises.
La place de Puerto Aysen contient tout ce qu'un touriste peut chercher, place
de parking, restaurants et zone wifi.
Le
soir, au moment d'aller manger, Klaus ferme la porte latérale du fourgon mais
ne retire pas assez vite sa main et l'index reste coincé dans la porte. Le verrouillage
centralisé, qui pourtant ne fonctionne pas souvent, ferme la porte à clé. Il
me faut un certain temps pour comprendre la situation. Je sais que Klaus est
attaché à son fourgon mais à ce point ! Une bonne hémorragie
aura l'effet positif de bien laver la plaie, les stéri-strips font le reste.
Klaus a un bon potentiel de cicatrisation et il retrouvera l'usage normal de
son doigt après deux semaines. Mais quelle peur !
Le
temps n'est plus très agréable, il pleut plus souvent et le vent est froid.
Nous aspirons à aller vers le nord, vers les grandes chaleurs. Mais auparavant,
nous faisons le détour par Puerto Cisnes, la Perla de la Costa (on voit qu'il
n'ont pas la Méditerranée au Chili). Pour nous, ce sera l'occasion de nous rassasier
de pinces de crabes. Un délice !
Nous
rejoignons le parc de Qeulat. Nous faisons auparavant une pause café au bord
d'un fjord. Au milieu du fjord, nous voyons... un aileron, puis deux. Ils se
rapprochent de nous et deux ou trois dauphins commencent à montrer leur dos.
Plus près du bord encore, ce seront de véritables sauts ! Nous admirons ce délicieux
spectacle (et oublions même de le filmer et de le photographier...)
Dans le parc de Qeulat,
on peut suivre un chemin qui monte à travers une forêt luxuriante jusqu'au
mirador du glacier.
Au
moment où nous arrivons, des séracs se détachent dans un fracas de détonation
et s'écoulent le long de la paroi, formant une troisième cascade.
La Carretera Austral
se poursuit encore vers le nord. Nous la quittons pour rejoindre l'Argentine.
Avec ses glaciers, ses
rivières, ses lupins et autres fleurs, La Carretera Austral est une
des plus belles routes que nous ayons faite au cours de nos voyages !