Argentine

16 janvier 2011. La Patagonie Atlantique.

Le 1er janvier de l'an 2011, nous quittons la Cordillère des Andes pour partir plein est et atteindre, 300 km plus loin, Rio Gallegos et l'Atlantique, le km 0 de la Ruta 40. La bonne route goudronnée est beaucoup plus fréquentée par les camions, et par les guanacos aussi comme en témoignent les cadavres d'imprudents qui jalonnent la route... Le paysage est lui toujours aussi patagonien, monotone... La Terre de Feu et Ushuaïa ne sont plus qu'à un jet de pierre, mais nous ne jetterons pas la pierre et bifurquerons vers le nord.

Rio Gallegos est le point le plus austral du continent argentin ; sur la Terre de Feu, Ushuaia est le point le plus austral de la Terre. Proche de l'Antarctique aussi, dont l'excursion est tentante, et le prix … décourageant (environ 3000 € par personne pour une semaine !)

Le Parc Torres del Painé que nous quittons au Chili est le point le plus éloigné de notre domicile où nous soyons jamais allés. Nous avons donc un peu l'impression de faire demi-tour et de nous rapprocher de chez nous.

Ci-dessus, île du Parc Monte Leone peuplée essentiellement de cormorans impériaux.

Sur notre chemin, le parc Monte Leone, nous fera faire connaissance de près avec les manchots de Magellan (en espagnol et en anglais, on dit pingouins, mais en français le pingouin doit être autre chose). Les petits sont nés en décembre, deux par foyer ; les pingouins sont fidèles et restent en couple toute leur vie.

Monsieur arrive dés octobre pour remettre en état le nid de l'année précédente. Madame arrive ensuite, pond deux œufs qui seront couvés par les deux parents. Les petits s'appellent pichones (prononcer pitchonès, grande similitude avec nos pitchounes...).Quand les pichones naissent, les parents se relaient pour les nourrir ; ils vont pêcher, se remplissent le ventre puis régurgitent le poisson prédigéré.
Quand les petits auront grandi et que leur appétit s'affirmera, ce seront les deux parents qui iront pêcher, confiant leur progéniture à une « garderie ». En février, les pichones apprendront à nager et à pêcher et c'est en mars qu'une bonne partie de la colonie partira vers le sud pour ne revenir qu'en octobre.
Bien qu'ils ne fassent pas de grands pas, ils se déplacent rapidement et sur de grandes distances d'une démarche «balancée ». Ils grimpent des pentes assez raides, le ventre bien plein, se reposant de temps en temps. Ils se suivent souvent en file indienne, s'attendent, puis glissent dans l'eau où ils plongent très vite, seuls ou en en groupe, pour pêcher.

Quand ils rentrent « à la maison » et ont une grande distance à parcourir où alternent terre et mer, une plongée permet un petit casse-croûte sur le chemin.

C'est un régal de les contempler.

Peu farouches, ils ont leur nid juste à côté des passerelles pour touristes, et nous regardent, à deux mètres de nous.

Les manchots sont des animaux étranges : ils sont ovipares, ont des plumes et des ailes comme les oiseaux, mais ne volent pas ; ils nagent comme des poissons à une vitesse phénoménale et peuvent plonger à 12 mètres de profondeur en moins d'une minute ; et ils habitent dans des terriers comme les lapins.
Lors de la visite d'une autre pingouinerie, nous les entendrons pousser des cris qui se rapprochent de l'âne qui brait, mais un son plus grave ; on a l'impression qu'ils vont s'étouffer. A quel concert nous avons droit quand ils se mettent à crier de tous les côtés, dressant le bec vers le ciel !
Les petits poussent, eux,des cris aigus, traduisant sans aucun doute une faim non assouvie ; ils crient vers leur parent présent qui, quelquefois excédé, les fait taire d'un coup de bec, voir de l'aile pour les faire aller plus loin. Les deux pichones restent en géneral ensemble à se bisouter, voir se chamailler, le parent se place alors entre eux deux pour les séparer.

Nous avons la chance de les admirer deux fois seuls, à Monte Leone d'abord, à la Péninsule de Valdés ensuite, où nous étions arrivés très tôt le matin.

Nous avons voulu aller voir à Punta Tombo la plus grande colonie au monde de manchots de Magellan. Nous y avons trouvé une très très grande colonie de touristes !!!! Après avoir bien hésité, nous avons renoncé à cette visite ; tant pis si nous n'avons pas vu la plus grande colonie ; à Monte Leone il y avait 60 000 couples ayant pour la plupart deux pichones chacun et nous n'avions déjà pas pu tous les compter ni les photographier. Qu'importe si à Punta Tombo ils sont plus du double !

A Monte Leone, nous avons vu aussi les lions de mer, los lobos en espagnol avec le diminutif de lobito (petit lobo). Du haut de la falaise, nous les voyons sur les rochers en contrebas. Ils sont assez loin et nous devons les observer à la jumelle ; mais ils sont très actifs et nous entendons très bien leurs grognements malgré la distance. Nous les reverrons plus tard !
Un seul des cinq bateaux reviendra en Espagne avec à son bord 12 spectres dont un des 40 marins condamnés à mort. Ce bateau, le Victoria, a une réplique à l'échelle qui est le musée de San Julian, très intéressant bien qu'un peu cher ... Nous nous y retrouvons comme dans un bateau réel, avec des personnages très véridiques et un bruitage accompagné d'un récit. On s'y croirait vraiment.
Nous ferons un arrêt à Camarones, nom promettant. Contre toute attente, Camarones est la capitale … du saumon. Etonnant, non ? puisque camarones signifie crevettes en espagnol. Mais il n'y a aucun bateau dans le petit port et quand on demande à l'office du tourisme où on peut acheter du saumon, des crevettes, … on nous regarde comme si nous demandions un cassoulet toulousain ! Non, il n'y a pas de saumon dans la capitale du saumon et pas non plus de camarones à Camarones !
Un petit détour, sur la carte comme dans le temps, nous amène il y a 100 millions d'années à Los Bosques Petrificados, la Forêt Pétrifiée. Nous parcourons une colline où gisent des troncs d'arbres, des vrais. Ils sont immenses, en hauteur comme en diamètre, ils ont la couleur du bois et de l'écorce, et pourtant ils sont en pierre.
Il y a de cela bien longtemps, 100 millions d'années, il y avait ici une forêt. La Cordillère des Andes n'existait pas encore. Un jour, un volcan a fait éruption et, cassant et couchant tous les arbres de la forêt, les a recouvert de cendres. Pendant 10 000 ans, la pluie s'est infiltrée à travers la cendre, transportant la silice vers chacune des cellules de l'arbre qui s'est lentement pétrifié. L'action combinée du vent et de l'érosion, sans intervention de l'homme, les a lentement découverts.
Sur l'échelle du temps, il y a une petite crotte de mouche tout au bout ; non, ce n'est pas moi seulement, c'est vous aussi ; c'est même l'Humanité toute entière ! Quelle leçon d'humilité !
Plus loin, nous dormons sur une plage où nous rencontrons Aurore et Robin avec deux amis argentins. Ils nous parlent d'une autre plage où ils ont pu approcher les lions de mer très près. Les explications sont un peu floues et nous passerons un bon bout de temps à les chercher, sans succès.
Avisant un petit chemin où nous pourrions arriver à une plage au bord de la mer pour passer la nuit, nous découvrons un gros lion de mer devant nous. Petite consolation. Je vois aussi un petit qui marche vers un rocher derrière lequel il disparaît. Il est seul, nous approchons doucement en maintenant une bonne distance. Il lève la tête, sans crainte, puis se réinstalle pour se rendormir. Pas de mère aux alentours.
Une femelle met énergiquement son petit à l'eau et part pour une grande baignade de plusieurs heures où nous les voyons jouer, plonger, pêcher. Les suivant sur la plage, nous tombons tout à coup sur une grande colonie de lobos, celle que nous avions cherchée bien plus loin. Nous sommes à quelques dizaines de mètres d'eux. Ceux qui sont réveillés nous voient, nous surveillent, font quelques pas vers la mer, puis attendent.

Par contre, ceux qui dorment sont vraiment très drôles ; quand ils se réveillent, ils regardent vers nous d'un air endormi, puis tout à fait réveillés, prennent les jambes à leur cou (façon de parler!) et se précipitent dans l'eau.

Sur la photo, cherchez bien, il y a deux mâles, deux femelles et deux petits !

Le soir, nous voyons que notre lobito est toujours seul contre son caillou.

Au petit matin, des cris semblables à des bêlements d'agneau nous réveillent. Notre lobito est monté jusqu'à nous et nous appelle. Il a faim. Dilemme ! Que mange un bébé lobo???? Quand nous sortons du fourgon, il est là, blotti contre une pierre au soleil, et dort. Il est venu à nous pour trouver une famille, nous expliquera un garde de parc. Depuis, je cherche souvent chez Klaus la ressemblance avec un lion de mer ; la barbe peut-être... pour moi, c'est tout de suite réglé, les lions de mer n'ont pas de cheveux blancs.

Les autres lions sont tous bien réveillés . Nous les regardons se battre, jouer ensemble, se bisouter ou bailler vers le ciel en ouvrant une grande gueule ! Bien que n'ayant pas de jambes, ils se déplacent assez rapidement en prenant appui sur leurs deux nageoires (pattes avant) et leur nageoire caudale unique (pattes arrière).

 

Un petit tout noir comme notre lobito court de l'un à l'autre ; un petit espoir nait en nous ; peut-être notre lobito a-t-il rejoint les siens ? Mais il est toujours là où nous l'avons laissé, étendu sur des pierres dont il cherche le maximum de chaleur. Un garde du parc nous donnera les explications sur tout cela. Les lions de mer sont des mammifères donc la mère allaite le petit. La mère ne quitte jamais son petit ou seulement peu de temps pour se nourrir ; si la mère n'est pas revenue, c'est qu'elle est morte. Les autres femelles n'adoptent pas les petits des autres. Notre lobito est donc condamné à mourir et rejoindre sa maman. Le Roi Lion dirait qu'il y aura une étoile de plus dans le ciel...

A la Péninsule de Valdès, nous retrouvons une colonie de lions de mer que nous « partageons » cette fois avec bien des touristes. Nous savourons notre chance d'avoir pu les rencontrer de manière plus intime... seulement eux et nous !

Ci-dessous, lions de mer au cours de leur activité favorite... dormir.

Autour de la colonie de lobos de Valdés, les orques rôdent... ils sont trois et nous les regardons longuement évoluer dans l'eau, à l'aide de jumelles. Ils sautent à la manière des dauphins, d'un mouvement lent et gracieux. Soudain, alors que nous les observons se rapprochant de la côte, l'un d'eux arrive sur la plage au milieu des lions de mer, puis fait demi-tour et repart dans l'eau. Spectacle extraordinaire mais trop rapide !

L'orque est un très grand mamifère pouvant atteindre 9 mètres et peser 9 tonnes. Il mange chaque jour 4% du poids de son corps, soit 360 kg ! Ils ont une vie sociale bien organisée. Si un petit orque devient orphelin, il est aussitôt adopté par une autre femelle. Ils chassent souvent en groupe. Lorsque l'un d'eux s'échoue sur la plage, il attrappe deux ou trois bébés lion ou éléphant de mer, les envoie à un ou deux copains qui attendent derrière et le bébé sera ainsi la balle avec laquelle ils vont jouer jusqu'à sa mort ; il sera ensuite manger...

Ce spectacle est guetté par tous les touristes. Il n'est pourtant pas si fréquent ; une jeune garde du parc nous disait être née ici il y a 22 ans, et n'avoir jamais réussi à voir un orque...

La Péninsule de Valdés, située à environ 1500km au sud de Buenos Aires, est célèbre pour les animaux qui viennent s'y reproduire chaque année, attirés par les eaux claires et froides du golfe. Le plus grand spectacle est celui des baleines que l'on peut observer de la plage, accompagnées de leurs baleineaux. Mais les baleines partent en décembre vers l'Antarctique et nous ne les verrons pas.
Nous ne verrons que très peu d'éléphants au milieu des lions. Mais ce sont des animaux moins attirants. Ils sont certes énormes, pèsent jusqu'à 5 000 kg alors que les lions atteignent seulement (!) 350 kg, mais ils ressemblent à des limaces flasques et géantes, et se déplacent en rampant sur le sable, très lentement en s'arrêtant souvent. Rien à voir avec l'hyperactivité des lobos !!!
Continuant vers le nord, nous arrivons à Puerto San Julian, petite localité sans prétention, agréable et paisible. Déclarée « Ville historique » car c'est ici qu'a eu lieu la première messe en Argentine... En fait, son rôle historique dépasse un peu la messe ! Magellan a débarqué ici, fait dire une messe, et après celle-ci, les marins de trois des cinq bateaux se sont mutinés. Deux capitaines sont exécutés et enterrés à Puerto San Julian ; 40 marins condamnés à mort sont finalement graciés (il valait mieux, cela représentait l'équipage complet d'un bateau !). Magellan décide de poser temporairement ses valises en attendant la fin de l'hiver et s'installe pour cinq mois à San Julian. Il repartira ensuite pour découvrir et explorer le détroit qui porte son nom. Mais Magellan ne terminera pas son tour du monde car il sera assassiné par un chef de tribu en Océanie.

En fait, Valdés est le seul endroit au monde où les orques s'échouent ainsi sur le sable pour chasser ; avoir pu l'observer est une chance inouïe ! Pourtant, quel paradoxe ! Nous sommes tristes de savoir notre lobito voué à mourir et guettons avec avidité un spectacle qui laissera d'autres orphelins... Comme me disait le garde du Parc, c'est la nature, respectons-la.

A droite, bonzaï sur la plage...

En fait l'éléphant de mer qui n'a pas d'oreilles et se déplace en rampant, fait partie de l'espèce des phoques ; le lion de mer qui a des petites oreilles et marche, appartient à l'espèce des otaries. Ils doivent leur nom à la trompe qu'arbore l'éléphant mâle et à la crinière que porte le lion mâle ; c'est vrai qu'ils ont en plus vraiment le minois d'un lion !

Cormorans et autres oiseaux, pingouins, lions de mer, ce sont les animaux du bord de mer.
N'oublions pas ceux qui courent sur terre et que nous rencontrons souvent ! El Zorro (renard), el Piche (tatou), el Choique et el Zorrino Patagonico ! Et bien sûr los Guanacos.

 

El Choique est de la même famille que l'autruche, mais est plus petit, a un bec pointu et non pas applati, et a trois doigts alors que l'autruche n'en a que deux ! (détail important qui va changer le cours de votre vie comme il a changé le nôtre...) ; en français, on l'appelle émeu. Ici, il porte aussi le nom de Nandu Patagonico.

 

Quant al Zorrino, les inconditionnels de Tintin auront immédiatement remarqué que c'est le prénom du petit marchand d'oranges qui a conduit Tintin au Temple du Soleil ! Bambi l'appelait Fleur...

Tous sont nos compagnons de route...

à Antoine

 

à Day

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