Brésil
La Fazenda Sao Nicolas. 18 mars 2011. Nous quittons Porto Seguro et montons vers le nord, vers Salvador qui est encore à plus de 700 km. La Costa do Cacau, la Côte du Cacao, nous souhaite la bienvenue ! Elle recèle des trésors qui ne tarderont pas à se dévoiler... Nous arrivons à Una, petite ville sans prétention, où de nombreux panneaux nous indiquent l'information touristique. C'est un peu sans conviction que nous pénétrons dans l'immeuble.
Et là, le premier trésor ne tarde pas à apparaître sous les traits de Karlla, jeune fille énergique et efficace ! Nous lui faisons part de notre souhait de visiter une fazenda où nous pourrions connaître le processus de fabrication du cacao.. Nous ne tarderons pas à vouloir interrompre les nombreux coups de téléphone que Karlla va passer pour permettre la réalisation de notre souhait, qui, il faut bien le dire, nous apparaitra vite comme un caprice.

Puis elle nous annonce que nous pouvons aller à la Fazenda Sao Nicolas, et que là-bas, on parle français ; elle nous accompagne. Nous avons vite fait de rallier la fazenda où nous attendent Suzanne et sa fille Thiane.

(photo : gousses de cacao)

Nous sympathisons rapidement ! Suzanne est un peu plus jeune que moi ; de père belge et de mère allemande, elle est née au Congo Belge (actuel Zaïre), pays que la famille doit quitter au moment de l'indépendance. Suzanne a 4 ans quand la famille débarque au Brésil au début des années 60. La Belgique alloue des subventions aux colons qui doivent travailler à la production du latex exclusivement. L'administration belge délègue même des contrôleurs.

Les Seringueiras (Hévéas) ne sont pas très hauts ; très vite les colons verront que sous ces arbres on peut aussi planter du cacao qui aime l'ombre (voir photo tout en haut). Cette visite va vite prendre l'allure d'une promenade amicale où notre soif de découvrir toutes les plantes tropicales n'a d'égal que le plaisir de Suzanne de tout nous montrer et nous expliquer dans un très bon français, même si parfois quelques mots viennent à manquer, les occasions pour elle de pratiquer notre langue étant rares.

Le latex est obtenu par une saignée de l'arbre qui laissera s'écouler son précieux liquide pendant 3 à 5 heures suivant le temps. Il est saigné tous les 2 à 3 jours. Quand le latex cesse de couler, il se solidifie sur le chemin d'écoulement et Suzanne recueille ces fils de caoutchouc dont elle fait des petites pelotes qu'elle nous offre à notre arrivée en signe de bienvenue (voir ci-dessus)
Quand le bol est rempli, le latex va se solidifier en une masse caoutchouteuse et ces galettes sont stockées dans des sacs avant d'être expédiées dans les usines de traitement. Le lait contenu dans le latex fermente exhalant une odeur aigre dans l'entrepôt où sont stockés les sacs. Le bois d'hévéa est excellent pour la fabrication de meubles.
Tout commence par une très petite fleur blanche germant sur le tronc et au centre de laquelle va se développer une toute petite gousse pourpre qui, comme le petit poisson, deviendra grande...
Tout en nous promenant entre les hévéas, nous apprenons à connaître le cacao dont les arbustes poussent en-dessous des hévéas. Les arbustes produisent de nombreux fruits d'une jolie couleur pourpre pour la plupart et qui s'accrochent seuls ou en petites grappes directement sur le tronc.
On ouvre la gousse avec un couteau car la coque est assez dure. On en retire le fruit qui se présente sous forme d'une grappe de nombreuses fèves reliées entre elles par une fine pulpe blanche. Cette pulpe savoureuse se mange et est aussi utilisée pour la confection de jus de fruits ou de confitures, les fèves étant ensuite récupérées pour fabriquer le cacao.
Les fèves sont séchées au soleil ; trois jours suffisent lorsque le soleil brille. Un toit monté sur rail permet d'être tiré pour mettre les fèves à l'abri lorsqu'il commence à pleuvoir, ce qui est fréquent. Lorsque la pluie est permanente ou presque, les fèves sont séchées dans le dessicateur voisin : les fèves sont déposées sur une grille et à l'étage inférieur, un fourneau à bois produit la chaleur nécessaire. D'adorables petites chauve-souris squattent la pièce...
Parmi les différentes variétés de cacao, il en existe une dont les gousses sont vertes et de surface irrégulière, ce qui lui vaut son nom de cacau jacaré (cacao crocodile). Lorsqu'elles sont mûres, ces gousses vertes prennent une teinte jaune.
Nous nous désaltérons avec des noix de coco vertes, cueillies juste avant d'ouvrir à coup de machette le petit orifice par lequel on va boire l'eau délicieusement parfumée. La noix est ensuite coupée en deux pour nous permettre de manger la pulpe tendre. Il existe deux sortes de noix de coco, vertes et jaunes. L'eau des jaunes était utilisée en médecine comme liquide de perfusion ; stérile, elle présente de plus les qualités nutritionnelles requises.
Chez Suzanne, le traitement du cacao s'arrête là. Les fèves séchées sont mises en sacs de 60 kg et envoyées à Sao Paulo où elles seront dépourvues de leur coquille puis soit traitées sur place, soit expédiées vers la Belgique ou autre pays d'Europe, où elles seront réduites en poudre pour devenir les chocolats de Léonidas et autres Jeff de Bruges... Selon Suzanne, le chocolat brésilien n'est pas bon. Nous ne l'avons pas encore goûté !
Suzanne nous demande : « Vous connaissez la muscade? » et nous entraîne vers un arbre sans fruit : « C'est un mâle, il est stérile mais indispensable aux autres ! » Nous découvrons ensuite des fruits jaunes, semblables à de gros abricots, et Suzanne en découvre un qui est ouvert, un peu comme chez nous les coques vertes s'ouvrent pour laisser tomber les noix.
La noix de muscade est enveloppée d'un filet rouge dont on peut faire une infusion aux propriétés apaisantes. La noix est encore enveloppée d'une coque que l'on casse juste au moment de s'en servir pour extraire la précieuse noix à râper qui conserve ainsi toute sa saveur. Quand on pense que les noix de muscade que l'on trouve chez nous ont quitté leur coquille depuis des mois, voir des années...
Un autre arbre, le Piaçaveira, est planté dans la fazenda. Nous l'avions pris pour un cocotier aux noix plus petites. En fait cet arbre est utilisé pour les fibres souples et solides qui poussent à l'intérieur des feuilles recouvrant le tronc.
Les fibres servent à faire des balais, des brosses, des cordes ou pour rembourrer les sièges de voiture. Les feuilles résiduelles sont utilisées pour les toits des maisons rurales. Les petites noix contiennent un petit peu de pulpe comestible, comme celle de la noix de coco, mais surtout un bois extrêmement dur utilisé pour faire des bijoux.
Suzanne et sa fille sont seules pour gérer l'exploitation où sont employés 9 ouvriers, logés avec leur famille dans des petites maisons, à l'intérieur de la Fazenda. Un gros travail, sous un climat chaud et humide, assez éprouvant pour la santé.
Suzanne sera vite une amie et c'est avec émotion que nous nous séparons. Nous repartons chargés « d'échantillons » de la production de la fazenda. Suzanne a un cœur en or et cherche tout ce qui peut nous faire plaisir et nous intéresser, petit bout de femme perdue dans un océan de verdure au bout d'une piste rouge, dans ce vaste territoire hérité de ses parents.

Merci Karlla pour nous avoir menés à la Fazenda Sao Nicolas.

Merci Suzanne, merci Thiane, pour votre accueil et votre gentillesse !

Ces vaillants colons ont dû commencer avec rien, construisant de leur mains les briques pour leur maison, travaillant d'arrache-pied pour que cet enfer vert devienne leur petit paradis. Suzanne se rappelle en riant le jour où la vitre de la fenêtre est arrivée, transportée sur les genoux dans le bus cahotant au gré du relief capricieux de la piste. Ces colons courageux, morts trop jeunes, dorment à présent sous une dalle de marbre blanc, au milieu du jardin...

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