Bolivie

27 janvier 2016 : Un autre voyage...

Nous quittons le Salar d'Uyuni, puis l'Altiplano pour redescendre sur Cochabamba. L'altitude est pratiquement terminée pour nous et il ne nous restera plus qu'un col au-dessus de 4000m entre Cochabamba et santa Cruz. A Cochabamba, nous avons deux choses importantes à faire avant de pouvoir profiter de cette ville que nous aimons bien et de sa bonne cuisine : d'abord chercher un garage Mercédès pour régler nos problèmes de démarrage et ensuite faire remplir nos deux bouteilles de gaz, vides depuis un certain temps et que nous ne sommes parvenus à faire remplir. Le réchaud à gasoil, ça dépanne mais ce n'est pas une panacée.

Nous parlons de El Nino aussi, ce courant chaud qui remonte sur la côte est du Pacifique et qui détraque tout. El Nino (l'enfant en espagnol, mais aussi l'Enfant Jésus) est un fait un sale gosse qui embête tout le monde ! Il provoque dans le climat des extrêmes. Cette année, à Cochabamba, c'est un extrême de sécheresse. Dans d'autres pays comme l'Argentine et le Paraguay, c'est un extrême dans les pluies qui dévastent tout. Il y a des feux de forêts au Pérou aussi. Comme pour contredire notre garagiste, il va tomber des pluies très violentes dans la nuit, provoquant un peu partout éboulements et coulées de boue. Mais quel sale gamin, ce nino !
Trouver le garage ne sera pas aussi simple que nous le pensions... En fait, notre véhicule étant de la génération électronique, mais d'une ancienne génération quand même, il faut trouver le garage qui aura le connecteur pour brancher le véhicule sur l'ordinateur et faire le diagnostic. Il y a peu de voitures diesel en Bolivie et les garages n'ont pas ce connecteur. Quant au garage Mercédès à Cocha, il est inexistant semble-t-il. Nous sommes néanmoins bien accueilli par un garagiste et lui demandons la permission de se garer devant chez lui.
Nous aurons tout l'après-midi pour discuter de tout et de rien. De tout surtout ! Nous lui demandons où nous pouvons faire remplir notre gaz. Pas de problème ! On va faire cela chez lui, avec ses bouteilles à lui. Il installe les bouteilles et attend de voir couler le gaz liquide de la sienne dans la nôtre. Cela ne marche pas. Alors, pensant que sa bouteille n'est pas assez pleine, il part en acheter une autre. Téméraire le bonhomme ! Mais même avec la nouvelle, on attend toujours et rien ou presque ne rentre dans notre bouteille.
Pendant ce temps on papote. Tiens ! Du Dakar justement. Car il revient de Uyuni et c'est la troisième année qu'il y va. Cela représente presque 1000 km aller, donc pas à la portée de chaque bolivien. On lui demande ce qu'il en pense. Réponse ambiguë pour quelqu'un qui fait ce voyage pour la 3ème fois... « Le Dakar, la première fois, c'était nouveau, c'était bien. La deuxième fois, cela va encore. Mais maintenant c'est la 3ème et cela suffit. Le Dakar ne viendra sûrement plus en Bolivie. » On ne peut que se poser la question pourquoi il y est allé.
Il y a deux routes pour rejoindre Santa Cruz où nous voulons nous rendre au plus vite pour régler notre problème de démarrage. Notre homme nous conseille de prendre celle du sud, beaucoup plus jolie que celle du nord que nous avions prise en octobre. Nous n'aurons qu'une quarantaine de km de pistes. Et en plus, la station de remplissage de gaz est sur cette route. Faiblesse de notre part... nous ne devrions jamais écouter les autres et nous fier à notre intuition !
Il pleut toujours quand nous arrivons à la centrale de gaz. Pas de problème pour remplir mais .... seulement les grandes bouteilles ; les petites, c'est impossible. Caramba, encore raté ! Puisqu'on est là, on continue sur l'ancienne route. Terrible erreur !!!!!
Le goudron, sur le plat, fait place à une piste qui monte, qui monte … Il y a eu des coulées de boue et les machines travaillent à dégager la route. Un 4X4 vient en face et le chauffeur n'arrive pas à contrôler son véhicule qui vient dangereusement vers nous et s'arrête juste à temps. Tout le monde roule très doucement mais c'est encore trop vite. Et puis ça monte, si on s'arrête on risque de ne plus repartir. On nous fait de grands signes de nous arrêter et de quitter la route ; une fourgonnette descend en face et ne peut pas freiner.
Il fait nuit quand nous arrivons à la seule ville sur ce chemin. Ville sombre, mal éclairée, qui ne nous semble guère hospitalière. On n'a pas trop le moral non plus... Le lendemain on fait le plein de carburant. On nous annonce le prix pour étranger, deux fois et demi le prix bolivien. Oui, oui, on sait, on prend (a-t-on le choix d'ailleurs ? Il n'y a pas d'autre pompe et c'est pareil dans tout le pays). Un flic vient (pour vérifier le prix étranger) ; il est tout sourire, discute avec nous. Un homme charmant, vraiment ! Nous payons et demandons la facture ; ça, ce n'était pas prévu... le pompiste ne sait d'ailleurs pas comment on fait et je lui dicte les chiffres. Le flic ne rit plus, mais alors plus du tout ! Il était sans doute convenu entre eux qu'ils se partageraient la différence dodue entre les deux prix. Ah ! ces diables d'étrangers qui leur font tout perdre d'un seul mot : « Facture! »
Un camion est parti sur le côté et pour reprendre la piste roule de travers à la manière d'un crabe. La boue est glissante comme du verglas et on ne dirige pas bien notre véhicule. L'histoire se corse quand un camion glisse autant que nous et vient en face. D'autant plus que les machines n'ont dégagé qu'une voie... Dans un virage, Klaus sent le fourgon qui lui échappe un peu et glisse vers le bord de la route. Il n'y a pas de barrière et la piste se termine par un à pic de quelques centaines de mètres. Mais on repart à temps dans la bonne direction. On s'étonnera simplement de ne pas avoir vu d'accident dans cette patinoire...
La piste continue, pas en très bon état. Des trous, des cailloux, plein de virages, on n'avance pas, on se traîne même ... Plus de 500 km entre les deux villes. Le soir arrive et on n'a pas encore fait la moitié. Le paysage serait joli mais Klaus a les yeux rivés sur le sol pour éviter les innombrables obstacles. Alors, le paysage...
Ils nous annoncent quand même la bonne nouvelle, c'est que le goudron commence à la fin de la ville. Mais ce ne devait pas être notre jour car une trentaine de km plus loin le moteur s'arrête en pleine course et ne devait plus redémarrer.... Dans le paysage, il y a ces cactus géants si typiques en Bolivie. Mais nous n'en sommes plus à regarder le paysage mais à savoir ce que nous devons faire, à 240 km de Santa Cruz...
Comme nous avons un réseau pour le téléphone, je demande à ma sœur de m'appeler et de voir si en France elle peut trouver le numéro de téléphone du garage Mercédès à Santa Cruz, recherche pas si facile qu'elle ne le pensait ; c'est que la Bolivie, ce n'est pas la France !!! Curieusement, pour notre moral à nous, cet appel va nous faire le plus grand bien. Quelqu'un sait que nous sommes ici, en panne au milieu des cactus, même si ce quelqu'un est à des milliers de km de nous.
Mais il nous faut trouver une solution. Nous décidons d'arrêter un 4X4 pour lui demander de nous remorquer jusqu'au dernier village, à 5km de là. Klaus ouvre le capot pour « faire en panne ». Comme par un fait exprès, il n'y a pratiquement plus de véhicules qui passent et que des voitures de tourisme. Les seuls 4X4 sont des voitures d'entreprise qui passent à toute allure. Ce n'était pas aussi facile que nous le pensions !
Et puis finalement, un antique camion arrive à allure (très) modérée. Un couple d'une quarantaine d'année. Ils se consultent et acceptent de nous remorquer. La sangle est accrochée à l'arrière du camion à une planche qui me semble bien fragile... Et le convoi se met en route, jusqu'au petit village (500 habitants tout au plus), très lentement, car nos freins ne fonctionnent plus normalement ; ils nous amènent directement chez le mécano qui travaille très bien nous assurent-ils. Mais il sera bien difficile de leur faire comprendre que le meilleur des mécaniciens ne pourra rien faire pour notre petit fourgon s'il n'a pas LE connecteur adapté à ce véhicule.
En passant dans un trou sur la piste, la sangle s'enroule autour de la roue avant et Klaus constate qu'un tuyau de frein a été brisé. Plongée du moral.... Après c'est la fameuse planche qui s'arrache, suivie de la barre de fer qui avait pris le relais de la planche. Je croyais voir un film comique où le camion ne serait plus qu'un tas de ferraille... Mais cela ne faisait pas perdre le sourire à nos sauveteurs qui disaient qu'il suffirait d'un coup de marteau pour réparer.
Maintenant, que faire ? Je leur donne le numéro de téléphone qu'a trouvé ma sœur et leur demande d'appeler pour faire envoyer un véhicule de remorquage. Sceptiques, ils regardent le numéro et pensent que ce n'est pas Santa Cruz. Pas de réponse à l'appel. Je pose une question tout à fait incongrue vu l'endroit « N'y-a-t-il pas par ici quelqu'un ayant un véhicule de remorquage ? » Et la petite dame me répond de la manière la plus naturelle et la plus évidente « Si, mon cousin. » Je pense m'être mal exprimée, avoir mal compris, je redemande deux, trois fois « Il peut emmener notre fourgon à Santa Cruz ? » « Oui, je pense, on va lui demander ».
On monte dans la cabine de leur antique camion, tellement bourrée de fils électriques qu'on ne sait où mettre les pieds. La dame se fait enfermer dans la benne avec le chien et le chargement. Avec une vitesse de pointe de 30km/h, nous arrivons chez le cousin où nous voyons ... deux superbes camions.
Mes 100 bolivianos (15€) vont les combler de joie et apparemment suffiront largement pour réparer le camion et leur apporter bien d'autres petits bonheurs. Ils ont dû remercier le Seigneur car ici rien ne se passe sans que Dieu y soit pour quelque chose. Nous le remercions donc aussi de nous avoir fait rencontrer des gens si serviables, si gentils, si honnêtes et aussi si utiles !
Le cousin confirme, oui il peut nous emmener. Aux questions quand et combien, il répond « A deux heures (il est midi et demi!) et 1500 bolivianos. » Si vite ! Et à un prix très sage (200 €). Et nous qui nous imaginions bloqués ici pour un temps infini. Il s'agit maintenant de dédommager notre couple. Ils sont timides, je dois demander au mari, non à la femme ; finalement ils me laissent décider.
Nous nous posons une question : comment vont-ils mettre le fourgon dans le camion ???? La réponse vient vite : una rampa ! Nouveau remorquage pour arriver à une butte de terre coupée : la rampe !
Entre le cochon qui grogne et le camionneur qui dort sous son camion, le fourgon sera poussé sur le camion.
Il est 16 h quand on démarre. On nous a dit 6 heures pour Santa Cruz, 240 km seulement, mais quels kilomètres ! Nous étions sortis de la mauvaise piste et nous entrions dans la mauvaise route. Des trous profonds entre lesquels slaloment camions, bus, voitures et motos. Nous ne voyons rien car nous sommes assis au fond de la cabine, sur la couchette du conducteur. La vue à travers le pare-brise est limitée au minimum par deux bandes en haut et en bas et le paysage se réduit à ce que doit voir le conducteur, c'est à dire la route. Le temps nous paraît bien long ! Des petits coups d’œil au GPS nous montrent que nous n'avançons pas vite... le coccyx est de plus en plus douloureux, les jambes voudraient remuer un peu. Un arrêt à un contrôle de police. On vient voir d'un air sceptique ce véhicule dans la benne. En plus des étrangers. Où est le numéro de châssis ? Quelques contorsions pour y accéder et voilà le policier satisfait. Enfin presque car il faudra encore attendre et attendre. Nous attendons dehors, le chauffeur est dans le bureau de police. Un éternel sourire sur les lèvres, il vient parfois nous voir pour nous dire qu'il faut patienter encore.
Puis on repart. A la tombée de la nuit, on s'arrête ; chauffeur et copilote descendent avec un sourire complice. On en profite pour acheter un petit quelque chose à manger et du coca. Eux sont en train de se faire remplir quelques sacs de feuilles de coca. A chacun son ou sa coca. Ils nous regardent comme des enfants pris en flagrant délit de gourmandise. Et c'en était bien un ! Les heures qui suivent vont être rythmées par un petit « clic » toutes les minutes environ.
Il s'agit du bruit que fait la rupture de la tige d'avec la feuille, entre les dents. Clic ! On jette la tige par la fenêtre, on met la feuille dans la bouche. Clic ! On recommence. De l'arrière nous voyons les joues de nos deux compères gonfler progressivement avec la chique. Puis viendra une série de raclements de gorge, de crachats par la fenêtre. Clic ! Clic ! On en remet encore...
La nuit, elle tombe tôt ici, vers 18 heures. La circulation devient intense. Dans la nuit noire, à la lueur de nos phares on aperçoit ici une moto qui slalome tous phares éteints ; là un homme avec son âne au bord de la route, ou plutôt sur la route car le talus arrive au goudron. Chez nous on ne lui donnerait pas une espérance de vie de 10 minutes ; ici, apparemment il fait le trajet chaque jour. Et les trous énormes sur la route obligent le camion quasiment à s'arrêter.
En arrivant à Santa Cruz le pressentiment que j'avais, à savoir que notre chauffeur ne savait pas où il devait nous conduire, s'est avéré exact... Mais ce que je n'avais pas pensé, c'est que pendant qu'on roulait, dans le village, on s'activait pour trouver justement cette destination.
Des camions sont là que l'on charge ou décharge, beaucoup de piétons qui courent partout. Notre chauffeur nous emmène dans un endroit calme pratiquement vide de véhicules. Il est déjà 23 heures passées. Notre chauffeur est très fatigué et il le reconnaît toujours en souriant. Chacun gagne son lit, nous dans notre fourgon dans la benne, eux dans la cabine du camion qu'ils partagent avec un nombre indéfini de moustiques.
Le camion s'arrête et le chauffeur nous explique que, suite au coup de téléphone qu'il vient de recevoir, nous ne pourrons pas aller au garage ce soir. On va donc se rendre dans un parking où on va dormir et on déchargera le lendemain. Zigzaguant dans un dédale de petites rues, nous arrivons à un parking où il y a beaucoup d'animation malgré l'heure tardive.
Le lendemain, dés 7heures, nous nous mettons en route. Le parking est plein à présent et il faut se frayer un chemin au milieu des portefaix qui transportent de gros sacs sur leur dos ou sur leur brouette. Les muscles sont tendus, les mâchoires crispées ; les charges semblent bien lourdes.
Ce sont essentiellement des fruits et des légumes. A peine sortis du parking, nous arrivons dans un marché en gros, les Halles de Zola, le Ventre de Santa Cruz !
Pour ce qui est du devenir de notre fourgon, et du nôtre du même coup, c'est d'abord aller vers une rampe pour décharger, puis une dépanneuse va nous prendre en charge. La ville de Santa Cruz est entourée de périphériques concentriques appelés anillos (anneaux). Il y en a 7, le premier étant au centre ville.
Les camions lourds n'ont pas le droit de dépasser le 6ème et le garage Mercédès supposé (!) se trouverait au centre ville. Il y a beaucoup de véhicules qui arrivent pour utiliser la rampe, qui s'avère être la même butte de terre coupée que dans le village. Nous voyons ainsi qu'il n'y a pas que notre véhicule en panne vu tous les camions venus pour décharger les leurs.
On repart avec notre dépanneuse et près du Christo (Amen !) nous entrons dans le garage où on nous attend. La réception se fait avec Michel Ruben, dont le père est suisse, et qui parle français comme moi (enfin avec un peu d'accent suisse quand même...). On se sent en de bonnes mains et nous leur confions notre enfant qui sera immédiatement pris en charge, comme dans un service d'urgence à l'hôpital. Immédiatement branché au connecteur, le travail commence.
Il s'arrête aussi pour laisser passer les bus, toujours pressés ; pour laisser passer d'autres camions plus rapides, certaines voitures aussi. Notre chauffeur est le calme et la patience même, et toujours son éternel sourire sur les lèvres. Il est très jeune, sans doute à peine plus de 20 ans. Il connaît cette route et conduit bien. Pour nous, ce sera intéressant de voir, derrière un autre pare-brise, les difficultés rencontrées par d'autres véhicules.
Pour sortir, à chacun sa gymnastique !
Nous n'avons jamais vu un tel marché . Les caisses de tomates, de fruits variés, de légumes inconnus, se superposent sur de hautes piles. Le camion a bien du mal à trouver un chemin au milieu de toute cette masse grouillante.
Notre chauffeur ne nous quitte pas tant que le fourgon n'est pas chargé sur la dépanneuse. Et nous voilà repartis vers...vers quoi en fait ? Car il n'y a pas de garage Mercédès à Santa Cruz ! Nous faisons confiance à notre nouveau chauffeur qui va nous emmener d'un garage à l'autre à la recherche du fameux connecteur pouvant brancher notre moteur à un ordinateur Mercédès lequel fera le diagnostic de la panne. Pas facile ! Mais notre dépanneuse ne nous lâche pas tant que nous ne sommes pas en de bonnes mains. Nous arrivons finalement à un garage devant lequel stationnent des Mercédès, des BMW. Cela devient bon ! Oui, mais il ne répare pas les véhicules diesel... Quelques coups de fil, on me passe quelqu'un qui parle...français ! Et qui nous dit de venir.
Michel Ruben nous indique une petite hostal tout près de là. Nous y arrivons sales, fatigués et il est clair que la fille à la réception se demande quels sont les clodos qui viennent squatter ici...
Nous sommes rassurés sur la prise en charge de notre fourgon. Dans toute cette histoire de dépannage, nous avons eu beaucoup de chance. Nous sommes tombés dés le début sur des gens qui ont compris notre détresse, compris combien il nous était difficile de téléphoner, de trouver une dépanneuse et qui ont surtout compris combien, en tant qu'étrangers, nous étions vulnérables et comme il serait facile de nous arnaquer. Qu'aurions-nous pu faire si nous étions tombés sur des bandits ? Ces gens foncièrement honnêtes se sont fait un devoir de nous prendre en charge et du début à la fin de la chaîne, chacun s'est assuré que le relais était bon avant de nous laisser.
Ci-dessus, petits esquimaux confectionnés par "notre" glacier.
Nous ne reverrons pas ces gens, nous ne savons rien d'eux, ni même leur nom, mais nous leur garderons toujours une place dans un petit coin de notre cœur...
Nous sommes très fatigués, d'une part par les dernières journées, d'autre part par la fatigue accumulée depuis des mois. Dans notre hostal, n'ayant rien à faire qu'à attendre, nous allons tout d'abord dormir ! Pendant trois jours, nous allons faire de longues nuits et de longues siestes avec, entre, quelque temps de repos. Et nous comptons les moutons...
Notre situation à Santa Cruz est finalement assez bonne. Nous sommes entourés de restaurants divers, en particulier notre voisin spécialisé en poissons a la parilla , qui nous sert d'énormes demi-poissons d'Amazonie cuits au grill. Des glaciers sympas aussi chez qui nous prendrons vite un abonnement. Finalement nous allons dormir et profiter de tout ce qui nous a manqué au cours de notre voyage. Il faut dire qu'à Santa Cruz, il n'y a pas grand-chose d'autre à faire.
Chaque jour nous nous rendons au garage pour connaître l'avancée des travaux. Nous allons aussi faire un tour en ville. Au centre ville, sur la place centrale, les décorations de Noël sont encore là. Cette place nous rappelle le jour où nous avons retrouvé Nicolas qui venait pour deux mois lors de notre précédent voyage. Quelques jours plus tard, les décorations seront enlevées. Quant à la crèche qui se trouvait à côté du Christo à notre arrivée, ce fut un casse tête pour caser la vierge avec les chameaux dans les pickups !
Sur les murs, on trouve ces affiches, réclame pour une école qui enseigne le guarani (langue des indiens d'Amazonie) et le quechua (langue des indiens de l'Altiplano). Ces cours sont destinés aux fonctionnaires et postulants. Il est intéressant de constater que maintenant on ne demande plus aux indiens d'apprendre l'espagnol mais aux fonctionnaires de se mettre à la portée de ceux chez qui ils vont exercer. Sans doute doit-on cela à Evo Morales, le président, lui-même d'origine indienne.
Ouvrons une parenthèse : lorsque Evo Moralès a commencé son deuxième mandat présidentiel, il a fait voter une loi interdisant de se présenter plus de deux fois à la présidence. La loi n'étant pas rétroactive, il pouvait donc faire un troisième mandat. Il arrive au terme de ce troisième mandat et aimerait se présenter encore. Il va donc y avoir un référendum pour annuler (le si) ou conserver (le no) cette loi. En ce moment, affiches et manifestations vont bon train. Le SI ou le No ???

Palais de justice de santa Cruz

"Dieu éclaire l'homme pour qu'en ce temple se fasse la justice "

A Santa Cruz, c'est l'ouverture du carnaval. Nous irons prendre un bain de foule pour voir le défilé.
On s'occupe vraiment bien de notre fourgon ! Il y a toujours une ou deux personnes travaillant dans le moteur et démontant, démontant toujours... Sur la petite table s'alignent trois injecteurs, le quatrième est récalcitrant et ne cédera qu'au bout de trois jours. Problème d'alimentation en carburant, pas assez de « mazout » qui arrive au moteur. On nous dit que le moteur est fatigué, usé. Nous sommes surpris, il avait encore mené notre fourgon plus d'une fois au-dessus de 4500 m sans broncher dans les derniers jours.
Ils ont eu bien des déboires lors de ce voyage ! Les pluies diluviennes d'Argentine les ont accompagnés jusqu'à Rio de Janeiro et même au-delà. Ils n'ont même pas pu voir le Christo à Rio tant il y avait eu de brouillard. Comme ils nous l'écrivaient, ils avaient peur de commencer à moisir... Au Pantanal, c'est une chaleur écrasante qui les a incommodés, avec des nuées de moustiques à chaque arrêt. Les caïmans restaient au frais sous l'eau, ce qui fait qu'ils n'en ont guère vus. Quel dommage ! Le Pantanal est si merveilleux !
Quand nous pouvons enfin partir, un immense sentiment de liberté nous envahit ! Nous ne sommes pas fait pour vivre dans un hôtel, nous avons besoin de rouler, de découvrir le paysage, d'entrer dans la vie du pays et non pas de se laisser dorloter dans un hôtel. Même avec la clim ! Il faut dire que durant tout notre séjour à Santa Cruz, la température oscillait entre 35° et 40°. Il y a eu de la pluie juste pour l'arrivée de nos motards. C'est vrai qu'ils l'amènent avec eux !!! Au moins cela a rafraîchi un peu la ville et tous les habitants de Santa cruz leur en ont été reconnaissants. Comme nous partions dans la direction opposée, le soleil est tout de suite revenu pour nous.
A notre tour de partir. Nous allons retrouver notre fourgon. Au garage, on le bichonne avant de le laisser reprendre la route : vérification des niveaux, de la pression de pneus, des lumières. Et même, on nettoiera tout le tableau de bord qui était recouvert de la poussière des pistes. Notre petit fourgon crotté est entre nos mains. Nous pouvons partir. Sauf que, sauf que... nous voilà de nouveau avec des problèmes de carte bancaire refusée par les distributeurs et qu'il nous faudra encore téléphoner en urgence à la banque et que, ras-le-bol, on aimerait quand même bien pouvoir enfin quitter Santa cruz !!!!!!
Nous nous rencontrons lors de notre dernière nuit dans cette ville. Quel bonheur ces retrouvailles à l'autre bout du monde ! Pour leur souhaiter la bienvenue à l'hôtel, nous avons acheté quelques fruits de saison, de délicieuses fraises et cerises croquantes. Et nous pouvons parler français avec des amis ! Cela ne nous est pas arrivé depuis longtemps (sauf avec Michel au garage, mais ce n'est pas un français ni un ami).
Les pièces pour le moteur du fourgon sont commandées au Paraguay et moins de deux semaines après notre arrivée à santa Cruz nous pourrons reprendre possession de notre cher compagnon. Entre temps, nos amis motards de Sisteron, Alain et Marie-Christine, en route depuis début janvier de Valaparaiso, au Chili, à Rio de Janeiro, sont sur le chemin du retour et arrivent vers Santa Cruz.
Nous passons la soirée ensemble et nous nous quittons après le petit déjeuner. Ils repartent vers Cochabamba. Jérôme, à San José de Chiquitanos, leur avait conseillé le chemin antigo. S'ils n'avaient pas eu déjà tant de problèmes, nous leur aurions fait la farce de les encourager de le prendre. Mais vu la galère que ce fut pour nous, il était quand même plus chrétien de leur conseiller l'autre route.
Arrêtés à côté de la route pour prendre un café, une voiture s'arrête, un homme en descend qui nous lance un « Bonjour ! » C'est un français qui a une exploitation juste à côté. Vu qu'il a habité dans différents pays d'Amérique du sud, nous avons beaucoup de choses à discuter. Il nous parle des mennonites, les mennos comme on les appelle ici. Ces personnes sont les descendants des protestants qui ont fui l'Europe parce que trop persécutés (comme les mormons ou les hamiches ou bien d'autres groupes). Les mennos sont des agriculteurs et possèdent d'immenses plantations. Ils ont un mode de vie sociale tout à fait archaïque fondé sur une religion draconienne.
Ils sont tous habillés pareils ! Les hommes sont en salopette bleue marine et chemise à carreau avec un chapeau de cow-boy ; les femmes portent de longues robes dans les tons rose foncé ou bleu foncé, les cheveux coiffés avec deux nattes, couverts d'un grand chapeau rond. Les enfants, répliques des adultes, sont habillés de la même façon et il est amusant de voir un garçon de 2 ans à côté de son père, tous deux habillés de la même salopette (à la taille près). Toute la vie suit les principes de la religion, le péché étant au centre de tout. Leur mode de vie a peu évolué depuis des siècles.
Evo Moralès a donné un coup de pied dans la fourmillière et leur a interdit de se faire eux-mêmes justice les obligeant à suivre les lois et la justice bolivienne (et à payer des impôts). Lorsque nous étions dans le désert de Gobi, nous avions lu que le chameau était le seul mammifère qui, petit, ne jouait pas . Nous en ajouterons un deuxième : l'enfant mennonite ne joue pas non plus. Ce qui est plus triste, c'est qu'il ne joue pas parce que c'est interdit, parce que c'est un péché.
Ils avaient il y a encore peu de temps, leur propre justice, moyenâgeuse, violente. Par exemple, l'alcool est interdit, mais les jeunes gens vont parfois au bar du coin boire un coup et rentre un peu éméchés. Il est alors demandé aux pères et aux frères de les punir à coups de fouet. Pour des méfaits plus graves, ils ont recours à des méthodes tout à fait inhumaines.
A Aguas Calientes, source d'eau chaude où nous sommes retournés, il y avait un grand groupe de mennos. Nous avons vu que les enfants marchent ou sont assis les uns à côté des autres, court parfois mais sans jouer. Une chose est sûre c'est qu'on est très au calme à côté des mennos !!! Un couple de fiancés se baignait près de nous. Totalement habillés ! Avec salopette et tout et tout... De près nous avons mieux évalué la dégénérescence de la race. Consanguinité depuis des siècles, les femmes surtout font particulièrement maladives. Il faut dire que dès le mariage, leur rôle est de produire des enfants. Les familles de 8 enfants sont habituelles.
Ce qui est très dur pour ces gens, c'est qu'ils n'existent que par le groupe. Ils n'ont rien appris, sauf la religion ; et s'ils quittent le groupe, c'est définitivement. Comme ils ne se sont jamais pris en main eux-mêmes, ils ont peur de sortir du groupe. Rares sont ceux qui partent. Alors ils doivent interdire à leurs enfants de jouer, même s'ils aimeraient bien les voir le faire. Pauvres petits chameaux...
A Aguas Calientes (Eaux Chaudes), heureusement, nous n'avons pas vu que des mennonites ! Nous avons découvert ce phénomène de sables mouvants assez impressionnant qui consiste à repèrer le sable qui salit l'eau, y mettre les deux pieds bien parallèles et se laisser aspiré et enseveli rapidement. Heureusement, cet ensevelissement s'arrête à la taille. Une chose à ne pas faire (et que bien sûr j'ai faite) est de ne mettre qu'un pied dans le sable mouvant. Aspirée seulement par une jambe, l'autre se trouvait en haut, et ma position déséquilibrée particulièrement grotesque a fait éclater de rire nos voisins !
Quittant l'eau bouillante, dans un air à plus de 35°, tout transpirant, nous nous sommes remis en route pour atteindre la frontière avec le Brésil à la nuit tombée. Bye bye Bolivia ! je ne sais pas si nous reviendrons un jour !
En 2010, on les voyait encore avec des voitures à cheval, mais cette année, les déplacements se font plus en 4X4 (peut-être parce que sur la grande route, un panneau interdit les voitures à cheval !). Ils vont à l'école des mennos, sans aucun contact avec l'extérieur, la langue enseignée se veut l'allemand mais est plus près du hollandais.
<==précédent suivant==>