Bolivie
27 janvier 2016 : Un autre voyage...
Nous quittons le Salar d'Uyuni, puis
l'Altiplano pour redescendre sur Cochabamba. L'altitude est pratiquement terminée
pour nous et il ne nous restera plus qu'un col au-dessus de 4000m entre Cochabamba
et santa Cruz. A Cochabamba, nous avons deux choses importantes à faire avant
de pouvoir profiter de cette ville que nous aimons bien et de sa bonne cuisine :
d'abord chercher un garage Mercédès pour régler nos problèmes de démarrage
et ensuite faire remplir nos deux bouteilles de gaz, vides depuis un certain
temps et que nous ne sommes parvenus à faire remplir. Le réchaud à gasoil,
ça dépanne mais ce n'est pas une panacée.
Nous
parlons de El Nino aussi, ce courant chaud qui remonte sur la côte est du Pacifique
et qui détraque tout. El Nino (l'enfant en espagnol, mais aussi l'Enfant Jésus)
est un fait un sale gosse qui embête tout le monde ! Il provoque dans le climat
des extrêmes. Cette année, à Cochabamba, c'est un extrême de sécheresse.
Dans d'autres pays comme l'Argentine et le Paraguay, c'est un extrême dans les
pluies qui dévastent tout. Il y a des feux de forêts au Pérou aussi. Comme pour
contredire notre garagiste, il va tomber des pluies très violentes dans la nuit,
provoquant un peu partout éboulements et coulées de boue. Mais quel sale gamin,
ce nino !
Trouver
le garage ne sera pas aussi simple que nous le pensions... En fait, notre véhicule
étant de la génération électronique, mais d'une ancienne génération quand même,
il faut trouver le garage qui aura le connecteur pour brancher le véhicule sur
l'ordinateur et faire le diagnostic. Il y a peu de voitures diesel en Bolivie
et les garages n'ont pas ce connecteur. Quant au garage Mercédès à Cocha, il
est inexistant semble-t-il. Nous sommes néanmoins bien accueilli par un garagiste
et lui demandons la permission de se garer devant chez lui.

Nous
aurons tout l'après-midi pour discuter de tout et de rien. De tout surtout !
Nous lui demandons où nous pouvons faire remplir notre gaz. Pas de problème !
On va faire cela chez lui, avec ses bouteilles à lui. Il installe les bouteilles
et attend de voir couler le gaz liquide de la sienne dans la nôtre. Cela ne
marche pas. Alors, pensant que sa bouteille n'est pas assez pleine, il part
en acheter une autre. Téméraire le bonhomme ! Mais même avec la nouvelle, on
attend toujours et rien ou presque ne rentre dans notre bouteille.
Pendant
ce temps on papote. Tiens ! Du Dakar justement. Car il revient de Uyuni et c'est
la troisième année qu'il y va. Cela représente presque 1000 km aller, donc pas
à la portée de chaque bolivien. On lui demande ce qu'il en pense. Réponse ambiguë
pour quelqu'un qui fait ce voyage pour la 3ème fois... « Le Dakar, la première
fois, c'était nouveau, c'était bien. La deuxième fois, cela va encore. Mais
maintenant c'est la 3ème et cela suffit. Le Dakar ne viendra sûrement plus en
Bolivie. » On ne peut que se poser la question pourquoi il y est allé.
Il
y a deux routes pour rejoindre Santa Cruz où nous voulons nous rendre au plus
vite pour régler notre problème de démarrage. Notre homme nous conseille de
prendre celle du sud, beaucoup plus jolie que celle du nord que nous avions
prise en octobre. Nous n'aurons qu'une quarantaine de km de pistes. Et en plus,
la station de remplissage de gaz est sur cette route. Faiblesse de notre part...
nous ne devrions jamais écouter les autres et nous fier à notre intuition !
Il
pleut toujours quand nous arrivons à la centrale de gaz. Pas de problème pour
remplir mais .... seulement les grandes bouteilles ; les petites, c'est impossible.
Caramba, encore raté ! Puisqu'on est là, on continue sur l'ancienne route. Terrible
erreur !!!!!
Le
goudron, sur le plat, fait place à une piste qui monte, qui monte … Il y a eu
des coulées de boue et les machines travaillent à dégager la route. Un 4X4 vient
en face et le chauffeur n'arrive pas à contrôler son véhicule qui vient dangereusement
vers nous et s'arrête juste à temps. Tout le monde roule très doucement mais
c'est encore trop vite. Et puis ça monte, si on s'arrête on risque de ne plus
repartir. On nous fait de grands signes de nous arrêter et de quitter la route ;
une fourgonnette descend en face et ne peut pas freiner.
Il
fait nuit quand nous arrivons à la seule ville sur ce chemin. Ville sombre,
mal éclairée, qui ne nous semble guère hospitalière. On n'a pas trop le moral
non plus... Le lendemain on fait le plein de carburant. On nous annonce le prix
pour étranger, deux fois et demi le prix bolivien. Oui, oui, on sait, on prend
(a-t-on le choix d'ailleurs ? Il n'y a pas d'autre pompe et c'est pareil dans
tout le pays). Un flic vient (pour vérifier le prix étranger) ; il est tout
sourire, discute avec nous. Un homme charmant, vraiment ! Nous payons et demandons
la facture ; ça, ce n'était pas prévu... le pompiste ne sait d'ailleurs pas
comment on fait et je lui dicte les chiffres. Le flic ne rit plus, mais alors
plus du tout ! Il était sans doute convenu entre eux qu'ils se partageraient
la différence dodue entre les deux prix. Ah ! ces diables d'étrangers qui leur
font tout perdre d'un seul mot : « Facture! »
Un camion est parti sur le côté et pour reprendre la piste roule de travers
à la manière d'un crabe. La boue est glissante comme du verglas et on ne dirige
pas bien notre véhicule. L'histoire se corse quand un camion glisse autant que
nous et vient en face. D'autant plus que les machines n'ont dégagé qu'une voie...
Dans un virage, Klaus sent le fourgon qui lui échappe un peu et glisse vers
le bord de la route. Il n'y a pas de barrière et la piste se termine par un
à pic de quelques centaines de mètres. Mais on repart à temps dans la bonne
direction. On s'étonnera simplement de ne pas avoir vu d'accident dans cette
patinoire...
La
piste continue, pas en très bon état. Des trous, des cailloux, plein de virages,
on n'avance pas, on se traîne même ... Plus de 500 km entre les deux villes.
Le soir arrive et on n'a pas encore fait la moitié. Le paysage serait joli mais
Klaus a les yeux rivés sur le sol pour éviter les innombrables obstacles. Alors,
le paysage...
Ils
nous annoncent quand même la bonne nouvelle, c'est que le goudron commence à
la fin de la ville. Mais ce ne devait pas être notre jour car une trentaine
de km plus loin le moteur s'arrête en pleine course et ne devait plus redémarrer....
Dans le paysage, il y a ces cactus géants si typiques en Bolivie. Mais nous
n'en sommes plus à regarder le paysage mais à savoir ce que nous devons faire,
à 240 km de Santa Cruz...
Comme
nous avons un réseau pour le téléphone, je demande à ma sœur de m'appeler et
de voir si en France elle peut trouver le numéro de téléphone du garage Mercédès
à Santa Cruz, recherche pas si facile qu'elle ne le pensait ; c'est que la Bolivie,
ce n'est pas la France !!! Curieusement, pour notre moral à nous, cet appel
va nous faire le plus grand bien. Quelqu'un sait que nous sommes ici, en panne
au milieu des cactus, même si ce quelqu'un est à des milliers de km de nous.
Mais
il nous faut trouver une solution. Nous décidons d'arrêter un 4X4 pour lui demander
de nous remorquer jusqu'au dernier village, à 5km de là. Klaus ouvre le capot
pour « faire en panne ». Comme par un fait exprès, il n'y a pratiquement plus
de véhicules qui passent et que des voitures de tourisme. Les seuls 4X4
sont des voitures d'entreprise qui passent à toute allure. Ce n'était pas aussi
facile que nous le pensions !
Et
puis finalement, un antique camion arrive à allure (très) modérée. Un couple
d'une quarantaine d'année. Ils se consultent et acceptent de nous remorquer.
La sangle est accrochée à l'arrière du camion à une planche qui me semble bien
fragile... Et le convoi se met en route, jusqu'au petit village (500 habitants
tout au plus), très lentement, car nos freins ne fonctionnent plus normalement
; ils nous amènent directement chez le mécano qui travaille très bien nous assurent-ils.
Mais il sera bien difficile de leur faire comprendre que le meilleur des mécaniciens
ne pourra rien faire pour notre petit fourgon s'il n'a pas LE connecteur
adapté à ce véhicule.
En
passant dans un trou sur la piste, la sangle s'enroule autour de la roue avant
et Klaus constate qu'un tuyau de frein a été brisé. Plongée du moral.... Après
c'est la fameuse planche qui s'arrache, suivie de la barre de fer qui avait
pris le relais de la planche. Je croyais voir un film comique où le camion ne
serait plus qu'un tas de ferraille... Mais cela ne faisait pas perdre le sourire
à nos sauveteurs qui disaient qu'il suffirait d'un coup de marteau pour réparer.
Maintenant,
que faire ? Je leur donne le numéro de téléphone qu'a trouvé ma sœur et leur
demande d'appeler pour faire envoyer un véhicule de remorquage. Sceptiques,
ils regardent le numéro et pensent que ce n'est pas Santa Cruz. Pas de réponse
à l'appel. Je pose une question tout à fait incongrue vu l'endroit « N'y-a-t-il
pas par ici quelqu'un ayant un véhicule de remorquage ? » Et la petite dame
me répond de la manière la plus naturelle et la plus évidente « Si, mon cousin. »
Je pense m'être mal exprimée, avoir mal compris, je redemande deux, trois fois
« Il peut emmener notre fourgon à Santa Cruz ? » « Oui, je pense, on va lui
demander ».
On
monte dans la cabine de leur antique camion, tellement bourrée de fils électriques
qu'on ne sait où mettre les pieds. La dame se fait enfermer dans la benne avec
le chien et le chargement. Avec une vitesse de pointe de 30km/h, nous arrivons
chez le cousin où nous voyons ... deux superbes camions.
Mes
100 bolivianos (15€) vont les combler de joie et apparemment suffiront largement
pour réparer le camion et leur apporter bien d'autres petits bonheurs. Ils ont
dû remercier le Seigneur car ici rien ne se passe sans que Dieu y soit pour
quelque chose. Nous le remercions donc aussi de nous avoir fait rencontrer des
gens si serviables, si gentils, si honnêtes et aussi si utiles !
Le cousin confirme, oui il peut nous emmener. Aux questions quand et combien,
il répond « A deux heures (il est midi et demi!) et 1500 bolivianos. » Si vite !
Et à un prix très sage (200 €). Et nous qui nous imaginions bloqués ici pour
un temps infini. Il s'agit maintenant de dédommager notre couple. Ils sont timides,
je dois demander au mari, non à la femme ; finalement ils me laissent décider.
Nous
nous posons une question : comment vont-ils mettre le fourgon dans le camion ????
La réponse vient vite : una rampa ! Nouveau remorquage pour arriver à une butte
de terre coupée : la rampe !
Entre
le cochon qui grogne et le camionneur qui dort sous son camion, le fourgon sera
poussé sur le camion.
Il
est 16 h quand on démarre. On nous a dit 6 heures pour Santa Cruz, 240 km seulement,
mais quels kilomètres ! Nous étions sortis de la mauvaise piste et nous entrions
dans la mauvaise route. Des trous profonds entre lesquels slaloment camions,
bus, voitures et motos. Nous ne voyons rien car nous sommes assis au fond de
la cabine, sur la couchette du conducteur. La vue à travers le pare-brise est
limitée au minimum par deux bandes en haut et en bas et le paysage se réduit
à ce que doit voir le conducteur, c'est à dire la route. Le temps nous paraît
bien long ! Des petits coups d’œil au GPS nous montrent que nous n'avançons
pas vite... le coccyx est de plus en plus douloureux, les jambes voudraient
remuer un peu. Un arrêt à un contrôle de police. On vient voir d'un air sceptique
ce véhicule dans la benne. En plus des étrangers. Où est le numéro de châssis ?
Quelques contorsions pour y accéder et voilà le policier satisfait. Enfin presque
car il faudra encore attendre et attendre. Nous attendons dehors, le chauffeur
est dans le bureau de police. Un éternel sourire sur les lèvres, il vient parfois
nous voir pour nous dire qu'il faut patienter encore.
Puis
on repart. A la tombée de la nuit, on s'arrête ; chauffeur et copilote descendent
avec un sourire complice. On en profite pour acheter un petit quelque chose
à manger et du coca. Eux sont en train de se faire remplir quelques sacs de
feuilles de coca. A chacun son ou sa coca. Ils nous regardent comme des enfants
pris en flagrant délit de gourmandise. Et c'en était bien un ! Les heures qui
suivent vont être rythmées par un petit « clic » toutes les minutes environ.
Il
s'agit du bruit que fait la rupture de la tige d'avec la feuille, entre les
dents. Clic ! On jette la tige par la fenêtre, on met la feuille dans la bouche.
Clic ! On recommence. De l'arrière nous voyons les joues de nos deux compères
gonfler progressivement avec la chique. Puis viendra une série de raclements
de gorge, de crachats par la fenêtre. Clic ! Clic ! On en remet encore...
La
nuit, elle tombe tôt ici, vers 18 heures. La circulation devient intense. Dans
la nuit noire, à la lueur de nos phares on aperçoit ici une moto qui slalome
tous phares éteints ; là un homme avec son âne au bord de la route, ou plutôt
sur la route car le talus arrive au goudron. Chez nous on ne lui donnerait pas
une espérance de vie de 10 minutes ; ici, apparemment il fait le trajet chaque
jour. Et les trous énormes sur la route obligent le camion quasiment à s'arrêter.
En
arrivant à Santa Cruz le pressentiment que j'avais, à savoir que notre chauffeur
ne savait pas où il devait nous conduire, s'est avéré exact... Mais ce que je
n'avais pas pensé, c'est que pendant qu'on roulait, dans le village, on s'activait
pour trouver justement cette destination.
Des
camions sont là que l'on charge ou décharge, beaucoup de piétons qui courent
partout. Notre chauffeur nous emmène dans un endroit calme pratiquement vide
de véhicules. Il est déjà 23 heures passées. Notre chauffeur est très
fatigué et il le reconnaît toujours en souriant. Chacun gagne son
lit, nous dans notre fourgon dans la benne, eux dans la cabine du camion qu'ils
partagent avec un nombre indéfini de moustiques.
Le
camion s'arrête et le chauffeur nous explique que, suite au coup de téléphone
qu'il vient de recevoir, nous ne pourrons pas aller au garage ce soir. On va
donc se rendre dans un parking où on va dormir et on déchargera le lendemain.
Zigzaguant dans un dédale de petites rues, nous arrivons à un parking où il
y a beaucoup d'animation malgré l'heure tardive.
Le
lendemain, dés 7heures, nous nous mettons en route. Le parking est plein à présent
et il faut se frayer un chemin au milieu des portefaix qui transportent de gros
sacs sur leur dos ou sur leur brouette. Les muscles sont tendus, les mâchoires
crispées ; les charges semblent bien lourdes.
Ce
sont essentiellement des fruits et des légumes. A peine sortis du parking, nous
arrivons dans un marché en gros, les Halles de Zola, le Ventre de Santa Cruz !
Pour
ce qui est du devenir de notre fourgon, et du nôtre du même coup, c'est d'abord
aller vers une rampe pour décharger, puis une dépanneuse va nous prendre en
charge. La ville de Santa Cruz est entourée de périphériques concentriques appelés
anillos (anneaux). Il y en a 7, le premier étant au centre ville.
Les
camions lourds n'ont pas le droit de dépasser le 6ème et le garage Mercédès
supposé (!) se trouverait au centre ville. Il y a beaucoup de véhicules qui
arrivent pour utiliser la rampe, qui s'avère être la même butte de terre coupée
que dans le village. Nous voyons ainsi qu'il n'y a pas que notre véhicule en
panne vu tous les camions venus pour décharger les leurs.
On
repart avec notre dépanneuse et près du Christo (Amen !) nous entrons dans le
garage où on nous attend. La réception se fait avec Michel Ruben, dont le père
est suisse, et qui parle français comme moi (enfin avec un peu d'accent suisse
quand même...). On se sent en de bonnes mains et nous leur confions notre enfant
qui sera immédiatement pris en charge, comme dans un service d'urgence à l'hôpital.
Immédiatement branché au connecteur, le travail commence.
Il
s'arrête aussi pour laisser passer les bus, toujours pressés ; pour laisser
passer d'autres camions plus rapides, certaines voitures aussi. Notre chauffeur
est le calme et la patience même, et toujours son éternel sourire sur les lèvres.
Il est très jeune, sans doute à peine plus de 20 ans. Il connaît cette route
et conduit bien. Pour nous, ce sera intéressant de voir, derrière un
autre pare-brise, les difficultés rencontrées par d'autres véhicules.
Pour
sortir, à chacun sa gymnastique !
Nous
n'avons jamais vu un tel marché . Les caisses de tomates, de fruits variés,
de légumes inconnus, se superposent sur de hautes piles. Le camion a bien du
mal à trouver un chemin au milieu de toute cette masse grouillante.
Notre
chauffeur ne nous quitte pas tant que le fourgon n'est pas chargé sur la dépanneuse.
Et nous voilà repartis vers...vers quoi en fait ? Car il n'y a pas de garage
Mercédès à Santa Cruz ! Nous faisons confiance à notre nouveau chauffeur qui
va nous emmener d'un garage à l'autre à la recherche du fameux connecteur pouvant
brancher notre moteur à un ordinateur Mercédès lequel fera le diagnostic de
la panne. Pas facile ! Mais notre dépanneuse ne nous lâche pas tant que nous
ne sommes pas en de bonnes mains. Nous arrivons finalement à un garage devant
lequel stationnent des Mercédès, des BMW. Cela devient bon ! Oui, mais il ne
répare pas les véhicules diesel... Quelques coups de fil, on me passe quelqu'un
qui parle...français ! Et qui nous dit de venir.
Michel
Ruben nous indique une petite hostal tout près de là. Nous y arrivons sales,
fatigués et il est clair que la fille à la réception se demande quels sont les
clodos qui viennent squatter ici...
Nous
sommes rassurés sur la prise en charge de notre fourgon. Dans toute cette histoire
de dépannage, nous avons eu beaucoup de chance. Nous sommes tombés dés le début
sur des gens qui ont compris notre détresse, compris combien il nous était difficile
de téléphoner, de trouver une dépanneuse et qui ont surtout compris combien,
en tant qu'étrangers, nous étions vulnérables et comme il serait facile de nous
arnaquer. Qu'aurions-nous pu faire si nous étions tombés sur des bandits ? Ces
gens foncièrement honnêtes se sont fait un devoir de nous prendre en charge
et du début à la fin de la chaîne, chacun s'est assuré que le relais était bon
avant de nous laisser.
Ci-dessus, petits
esquimaux confectionnés par "notre" glacier.
Nous
ne reverrons pas ces gens, nous ne savons rien d'eux, ni même leur nom, mais
nous leur garderons toujours une place dans un petit coin de notre cœur...
Nous
sommes très fatigués, d'une part par les dernières journées, d'autre part par
la fatigue accumulée depuis des mois. Dans notre hostal, n'ayant rien à faire
qu'à attendre, nous allons tout d'abord dormir ! Pendant trois jours, nous allons
faire de longues nuits et de longues siestes avec, entre, quelque temps de repos.
Et nous comptons les moutons...
Notre
situation à Santa Cruz est finalement assez bonne. Nous sommes entourés de restaurants
divers, en particulier notre voisin spécialisé en poissons a la parilla , qui
nous sert d'énormes demi-poissons d'Amazonie cuits au grill. Des glaciers sympas
aussi chez qui nous prendrons vite un abonnement. Finalement nous allons dormir
et profiter de tout ce qui nous a manqué au cours de notre voyage. Il faut dire
qu'à Santa Cruz, il n'y a pas grand-chose d'autre à faire.
Chaque
jour nous nous rendons au garage pour connaître l'avancée des travaux.
Nous allons aussi faire un tour en ville. Au centre ville, sur la place centrale,
les décorations de Noël sont encore là. Cette place nous rappelle le jour où
nous avons retrouvé Nicolas qui venait pour deux mois lors de notre précédent
voyage. Quelques jours plus tard, les décorations seront enlevées. Quant à la
crèche qui se trouvait à côté du Christo à notre arrivée, ce fut un casse tête
pour caser la vierge avec les chameaux dans les pickups !
Sur
les murs, on trouve ces affiches, réclame pour une école qui enseigne le guarani
(langue des indiens d'Amazonie) et le quechua (langue des indiens de l'Altiplano).
Ces cours sont destinés aux fonctionnaires et postulants. Il est intéressant
de constater que maintenant on ne demande plus aux indiens d'apprendre l'espagnol
mais aux fonctionnaires de se mettre à la portée de ceux chez qui ils vont exercer.
Sans doute doit-on cela à Evo Morales, le président, lui-même d'origine indienne.
Ouvrons
une parenthèse : lorsque Evo Moralès a commencé son deuxième mandat présidentiel,
il a fait voter une loi interdisant de se présenter plus de deux fois à la présidence.
La loi n'étant pas rétroactive, il pouvait donc faire un troisième mandat. Il
arrive au terme de ce troisième mandat et aimerait se présenter encore. Il va
donc y avoir un référendum pour annuler (le si) ou conserver (le no) cette loi.
En ce moment, affiches et manifestations vont bon train. Le SI ou le No ???
Palais de justice de santa
Cruz
"Dieu éclaire
l'homme pour qu'en ce temple se fasse la justice "
A
Santa Cruz, c'est l'ouverture du carnaval. Nous irons prendre un bain de foule
pour voir le défilé.
On
s'occupe vraiment bien de notre fourgon ! Il y a toujours une ou deux personnes
travaillant dans le moteur et démontant, démontant toujours... Sur la petite
table s'alignent trois injecteurs, le quatrième est récalcitrant et ne cédera
qu'au bout de trois jours. Problème d'alimentation en carburant, pas assez de
« mazout » qui arrive au moteur. On nous dit que le moteur est fatigué, usé.
Nous sommes surpris, il avait encore mené notre fourgon plus d'une fois au-dessus
de 4500 m sans broncher dans les derniers jours.
Ils
ont eu bien des déboires lors de ce voyage ! Les pluies diluviennes d'Argentine
les ont accompagnés jusqu'à Rio de Janeiro et même au-delà. Ils n'ont même pas
pu voir le Christo à Rio tant il y avait eu de brouillard. Comme ils nous l'écrivaient,
ils avaient peur de commencer à moisir... Au Pantanal, c'est une chaleur écrasante
qui les a incommodés, avec des nuées de moustiques à chaque arrêt. Les caïmans
restaient au frais sous l'eau, ce qui fait qu'ils n'en ont guère vus. Quel dommage !
Le Pantanal est si merveilleux !
Quand
nous pouvons enfin partir, un immense sentiment de liberté nous envahit ! Nous
ne sommes pas fait pour vivre dans un hôtel, nous avons besoin de rouler, de
découvrir le paysage, d'entrer dans la vie du pays et non pas de se laisser
dorloter dans un hôtel. Même avec la clim ! Il faut dire que durant tout notre
séjour à Santa Cruz, la température oscillait entre 35° et 40°. Il y a eu de
la pluie juste pour l'arrivée de nos motards. C'est vrai qu'ils l'amènent avec
eux !!! Au moins cela a rafraîchi un peu la ville et tous les habitants de Santa
cruz leur en ont été reconnaissants. Comme nous partions dans
la direction opposée, le soleil est tout de suite revenu pour nous.
A notre tour de partir. Nous allons retrouver notre fourgon. Au garage, on le
bichonne avant de le laisser reprendre la route : vérification des niveaux,
de la pression de pneus, des lumières. Et même, on nettoiera tout le tableau
de bord qui était recouvert de la poussière des pistes. Notre petit fourgon
crotté est entre nos mains. Nous pouvons partir. Sauf que, sauf que... nous
voilà de nouveau avec des problèmes de carte bancaire refusée par les distributeurs
et qu'il nous faudra encore téléphoner en urgence à la banque et que, ras-le-bol,
on aimerait quand même bien pouvoir enfin quitter Santa cruz !!!!!!
Nous
nous rencontrons lors de notre dernière nuit dans cette ville. Quel bonheur
ces retrouvailles à l'autre bout du monde ! Pour leur souhaiter la bienvenue
à l'hôtel, nous avons acheté quelques fruits de saison, de délicieuses fraises
et cerises croquantes. Et nous pouvons parler français avec des amis ! Cela
ne nous est pas arrivé depuis longtemps (sauf avec Michel au garage, mais ce
n'est pas un français ni un ami).
Les
pièces pour le moteur du fourgon sont commandées au Paraguay et moins de deux
semaines après notre arrivée à santa Cruz nous pourrons reprendre possession
de notre cher compagnon. Entre temps, nos amis motards de Sisteron, Alain et
Marie-Christine, en route depuis début janvier de Valaparaiso, au Chili, à Rio
de Janeiro, sont sur le chemin du retour et arrivent vers Santa Cruz.
Nous
passons la soirée ensemble et nous nous quittons après le petit déjeuner. Ils
repartent vers Cochabamba. Jérôme, à San José de Chiquitanos, leur avait conseillé
le chemin antigo. S'ils n'avaient pas eu déjà tant de problèmes, nous leur aurions
fait la farce de les encourager de le prendre. Mais vu la galère que ce fut
pour nous, il était quand même plus chrétien de leur conseiller l'autre route.
Arrêtés
à côté de la route pour prendre un café, une voiture s'arrête, un homme en descend
qui nous lance un « Bonjour ! » C'est un français qui a une exploitation juste
à côté. Vu qu'il a habité dans différents pays d'Amérique du sud, nous avons
beaucoup de choses à discuter. Il nous parle des mennonites, les mennos comme
on les appelle ici. Ces personnes sont les descendants des protestants qui ont
fui l'Europe parce que trop persécutés (comme les mormons ou les hamiches ou
bien d'autres groupes). Les mennos sont des agriculteurs et possèdent d'immenses
plantations. Ils ont un mode de vie sociale tout à fait archaïque fondé sur
une religion draconienne.
Ils
sont tous habillés pareils ! Les hommes sont en salopette bleue marine et chemise
à carreau avec un chapeau de cow-boy ; les femmes portent de longues robes dans
les tons rose foncé ou bleu foncé, les cheveux coiffés avec deux nattes, couverts
d'un grand chapeau rond. Les enfants, répliques des adultes, sont habillés de
la même façon et il est amusant de voir un garçon de 2 ans à côté de
son père, tous deux habillés de la même salopette (à la taille
près). Toute la vie suit les principes de la religion, le péché étant
au centre de tout. Leur mode de vie a peu évolué depuis des siècles.
Evo
Moralès a donné un coup de pied dans la fourmillière et leur a interdit de se
faire eux-mêmes justice les obligeant à suivre les lois et la justice bolivienne
(et à payer des impôts). Lorsque nous étions dans le désert de
Gobi, nous avions lu que le chameau était le seul mammifère qui, petit, ne jouait
pas . Nous en ajouterons un deuxième : l'enfant mennonite ne joue pas non plus.
Ce qui est plus triste, c'est qu'il ne joue pas parce que c'est interdit, parce
que c'est un péché.
Ils avaient il y a encore peu de temps, leur propre justice, moyenâgeuse, violente.
Par exemple, l'alcool est interdit, mais les jeunes gens vont parfois au bar
du coin boire un coup et rentre un peu éméchés. Il est alors demandé aux pères
et aux frères de les punir à coups de fouet. Pour des méfaits plus graves, ils
ont recours à des méthodes tout à fait inhumaines.
A
Aguas Calientes, source d'eau chaude où nous sommes retournés, il y avait un
grand groupe de mennos. Nous avons vu que les enfants marchent ou sont assis
les uns à côté des autres, court parfois mais sans jouer. Une chose est sûre
c'est qu'on est très au calme à côté des mennos !!! Un couple de fiancés se
baignait près de nous. Totalement habillés ! Avec salopette et tout et tout...
De près nous avons mieux évalué la dégénérescence de la race. Consanguinité
depuis des siècles, les femmes surtout font particulièrement maladives.
Il faut dire que dès le mariage, leur rôle est de produire des enfants. Les
familles de 8 enfants sont habituelles.
Ce
qui est très dur pour ces gens, c'est qu'ils n'existent que par le groupe. Ils
n'ont rien appris, sauf la religion ; et s'ils quittent le groupe, c'est définitivement.
Comme ils ne se sont jamais pris en main eux-mêmes, ils ont peur de sortir du
groupe. Rares sont ceux qui partent. Alors ils doivent interdire à leurs enfants
de jouer, même s'ils aimeraient bien les voir le faire. Pauvres petits chameaux...
A
Aguas Calientes (Eaux Chaudes), heureusement, nous n'avons pas vu que des mennonites !
Nous avons découvert ce phénomène de sables mouvants assez impressionnant qui
consiste à repèrer le sable qui salit l'eau, y mettre les deux pieds bien parallèles
et se laisser aspiré et enseveli rapidement. Heureusement, cet ensevelissement
s'arrête à la taille. Une chose à ne pas faire (et que bien sûr j'ai faite)
est de ne mettre qu'un pied dans le sable mouvant. Aspirée seulement par une
jambe, l'autre se trouvait en haut, et ma position déséquilibrée particulièrement
grotesque a fait éclater de rire nos voisins !
Quittant
l'eau bouillante, dans un air à plus de 35°, tout transpirant, nous nous sommes
remis en route pour atteindre la frontière avec le Brésil à la nuit tombée.
Bye bye Bolivia ! je ne sais pas si nous reviendrons un jour !
En
2010, on les voyait encore avec des voitures à cheval, mais cette année, les
déplacements se font plus en 4X4 (peut-être parce que sur la grande route,
un panneau interdit les voitures à cheval !). Ils vont à l'école des
mennos, sans aucun contact avec l'extérieur, la langue enseignée se veut l'allemand
mais est plus près du hollandais.