Colombie

Quatre ans après avoir achevé notre voyage de 15 mois en Amérique du sud, nous le reprenons là où nous l'avions interrompu, Cartagena en Colombie. En 2011, à l'aéroport de cette ville nous avions vu cette affiche :

« The only risk in Colombia is that you want to stay »

(le seul risque en Colombie est que vous vouliez y rester).

Nous sommes tombés dans le piège, nous sommes revenus...

Fin juillet, nous emmenons notre fourgon à Fos/Mer. Dans son conteneur, il part sur les mers et nous attend à Cartagena, où nous le rejoignons deux semaines plus tard, le 16 août 2015. Nous connaissons déjà Cartagena puisque c'est de là que nous avions envoyé notre fourgon vers la France lors de notre précédent voyage en Amérique du sud, en 2010-2011. Lors d'un voyage, revenir dans un endroit connu est toujours un plaisir ; le commencer là est un grand avantage.
En attendant de sortir le fourgon du port nous nous replongeons avec bonheur dans la vie sud américaine. Dégustant de délicieux jus de fruits, mangue, ananas, papaye, mandarine ou orange, nous regardons la rue et la vie « sportive » qui s'y déroule.
Les bus barriolés défient les taxis jaunes trompe-la-mort et les motos qui déboulent en tous sens. Pourtant, dans ce cirque, il y a une logique, des lois qui ne s'écrivent pas et que l'on pourrait appeler bons-sens et courtoisie. Chacun est responsable et surveille l'autre, la voiture qui le frôle à quelques centimètres, le piéton qui tente une traversée entre les voitures, les motos qui se glissent dans le moindre interstice laissé vide.
Klaus n'aura pas besoin de bien longtemps pour retrouver ses réflexes sud américains et se fondre dans la circulation.
Après cinq jours à Cartagena nous faisons nos adieux au sympathique personnel de l'hôtel Bahia, à Bocagrande, et partons vers le Vénézuela.
Nous connaissons ce pays de réputation, pas très bonne auprès des voyageurs. Nous voulons juste le traverser (quelques milliers de km quand même !) pour rejoindre, au sud, l'Amazonie au Brésil. Des vénézueliens rencontrés en France un mois plus tôt nous avaient chaudement recommandé de ne surtout pas nous arrêter dans la zone frontalière, fort mal fréquentée et dangereuse. C'est tôt le matin que, dédaignant la magnifique plage de Rio Hacha, nous partons vers la frontière avec l'espoir d'atteindre Maracaibo ou même plus loin si on peut.
Nous sommes dimanche et le service est fermé jusqu'au lundi 10h. Notre zèle nous a amenés à la frontière à 9h30 et nous voilà bloqués dans ce no-man's land qu'on nous avait si soigneusement conseillé d'éviter ! Dans cette région quasi désertique, il fait chaud, il y a beaucoup de poussière. De quoi rêver à la si jolie plage de Rio Hacha... Nous restons là 24h, en nous rapprochons du poste de police pour la nuit.
Maracaibo est une grande ville. Nous cherchons tout d'abord un bureau d'assurance, ce qui n'était pas gagné d'avance. Les queues devant les distributeurs d'argent sont longues, mais aucun ne délivre plus de 600 Bolivars à la fois, ce qui représente seulement quelques euro. Fatigués, nous nous rendons vers un hôtel 5 étoiles pour y demander une place de parking et finalement prenons une chambre, pas bien chère. Déjà nous hésitons à faire demi-tour...
Lundi, nous prenons la route pour Maracaibo. Nous arrivons sur une autre planète. Dans le premier village, nous retrouvons l'Afrique et ses souks poussiéreux, des poubelles partout, et les voitures !!! toutes des américaines des années 1950 qui auraient fait rêver plus d'un collectionneur, mais qui sur la route... paraissent plus appartenir au concours du plus déglingué. Certaines sont à peu près entretenues ou repeintes, mais ce sont des exceptions.
La frontière colombienne se passe sans problème, quelques vénézueliens se proposant comme interprètes et nous donnant des conseils sur la route. Pas de problème pour le service de migration au Vénézuela, gens très aimables. Pour l'importation du véhicule, cela se corse...
Alors pour nous, la question se pose à nouveau : on fait demi-tour ? Nous avons juste assez de carburant pour retourner en Colombie. Nous nous accordons une journée de réflexion. Nouvelle nuit à l'hôtel.
Le lendemain, nous nous mettons en quête de diesel. Bien que le Vénézuela soit un des premiers producteurs de pétrole, trouver du diesel à Maracaibo relève de la performance ! Dans la plupart des pompes, il faut une vignette sur le pare-brise, donc exclu pour nous étrangers. Ensuite il n'y a presque pas de pompes ayant du diesel. Alors, il faut trouver une pompe pour camions et la file d'attente est impressionnante ! Bien sûr, comme nous le diront plus tard Louis et Michèle qui viennent de traverser le Vénézuela, il faut se glisser devant la file. Mais ce n'est pas dans nos habitudes...
Nous n'arrivons pas à saisir le taux de change dans ce pays. A la frontière, nous avons changé 1$ pour 400 Bolivars ; les boutiques de change le proposent à 200 seulement et internet nous donne un cours officiel de... 7 ! Nous commençons à paniquer ! Nous avons payé hôtel et assurance avec la carte bancaire en comptant avec un cours de 400, mais, à ce cours officiel de 7, la facture se monterait déjà à 4 500€ !!!
De plus le téléphone ne passe pas et nous ne recevons pas les messages d'alerte de notre banque. Cela nous décide définitivement à quitter ce pays où de plus nous ne nous sentons pas à l'aise, ni en sécurité. Nous rencontrons à l'hôtel Louis et Michèle, deux français en voyage, qui sont bien loin d'imaginer nos problèmes, eux qui ont changé dans le sud du pays à un cours de 700 B pour 1 €... 50 km après la frontière, une cascade de sms de la banque nous informe des dépenses au Vénézuela ; une joie immense nous envahit en voyant que finalement seulement 120 € ont été débité au lieu des 4 500€. Nous n'avons pas compris le taux de change employé, mais n'allons de toutes façons pas réclamer ! Nous n'avons pas compris non plus pourquoi ces 120€ de dépenses au Vénézuela ont entraîné le blocage de ma carte bancaire...
A la frontière se trouvent beaucoup de militaires qui n'étaient pas là quelques jours plus tôt. La situation entre les deux pays n'évolue pas dans le bons sens. Bien plus tard, nous apprendrons que la frontière a été fermée moins d'une semaine après notre passage, ce qui signifie que la situation au Vénézuela s'est encore détériorée. Nous n'aurons pas de regret d'avoir fait demi-tour.
Maicao, dernière ville colombienne avant la frontière, est un repère de trafiquants, de carburant en particulier ; acheté pour rien au Vénézuela, le carburant passe la frontière on ne sait pas comment et est revendu en Colombie moins cher que le carburant colombien. Tout le long de la route, les revendeurs nous attirent en faisant de grands signes. Vu la quantité de carburant présent, il doit être interdit de fumer en ville pour ne pas risquer un embrasement général...
... d'autant plus qu'autour de la ville, c'est le "bosque seco", cette forêt sèche où les arbres semblent morts, à part les grands cactus qui eux sont bien vivants !
Retour à Santa Marta le lendemain où nous retrouvons Louis et Michèle. Il s'agit pour nous de refaire un itinéraire car nous devons aller vers la côte Pacifique et oublier l'Amazonie pour le moment. Nous partons donc plein sud alors que Louis et Michèle se rendent à Cartagena pour envoyer leur véhicule vers Panama.
Les paysages de la Colombie sont magnifiques et changent sans arrêt. Nous passons des régions très chaudes et humides de la mer des Caraïbes aux zones montagneuses de la Cordillère des Andes. Bogota, à 2600 mètres d'altitude, a des températures oscillant entre 11 et 18° toute l'année. Nous traversons des rizières, des bananeraies, des champs de canne à sucre, des plantations de café, de cacao, des régions quasi désertiques, ou des zones d'élevage de bovins avec des cow-boys à cheval.

Au bord des routes, les restaurants proposent les spécialités de la région ; ici, saucisses, pommes de terre, bananes plantain, yuca (manioc), arepa, le tout cuit a la plancha (grill), sans oublier la peau de poulet grillé (à gauche).

 

A chaque ralentisseur, péage, contrôle de police, travaux, en fait chaque fois que les véhicules ralentissent ou s'arrêtent, une multitude de vendeurs sont là pour offrir jus d'oranges fraîchement pressées, chips de bananes plantains, eau ou autres boissons. Sans oublier les délicieux fruits préparés pour pouvoir être dégustés en roulant sans se salir les mains : mangues, papayes, ananas.
A Zapaquira nous visitons la Catedral de Sal, immense « construction » taillée à l'intérieur d'une mine de sel. Réalisée dans les années 1990, elle fait partie des merveilles de la Colombie.
Dans la pierre saline est taillé d'abord un très long chemin de croix avec ses 14 stations. Pour chacune une croix différente en une, deux ou trois pièces dans un site chaque fois différent . Tout au bout, on arrive à la catedral proprement dite avec deux chapelles. Tout est grandiose et intime à la fois . Cela est dû à la semi-obscurité régnante, les différents éléments étant mis en évidence par des éclairages colorés mais doux.
De jolies sculptures, également en pierre saline, ornent la catedral.
La visite se termine bien entendu par la tournée des boutiques vendant principalement des émeraudes colombiennes certifiées (la Colombie est un grand producteur d'émeraudes). Ces boutiques sont elles aussi dans la galerie de la mine.
Un sacré bonhomme ce Simon Bolivar ! Il a libéré tous les pays d'Amérique latine, l'un après l'autre et partout des hommages lui sont rendus : on retrouve son nom pour la Bolivie ou la monnaie du Vénézuela ; le grand périphérique autour de Quito en Équateur et, dans de nombreuses villes d'Amérique Latine, des places centrales ou des avenues portent son nom.
Après avoir contourné Bogota et ses embouteillages (quelle capitale en est épargnée??), traverser des déserts puis sans transitions des régions à la végétation luxuriante, monter à plus de 3000 mètres pour redescendre à 1000 et remonter encore... nous finissons par arriver à San Augustin.
Continuant notre route vers le sud nous visitons quelques villes coloniales comme Vila de Leva. La place centrale est la plus vaste de Colombie et dans l'une de ses maisons a été signée la paix par Simon Bolivar lui-même en 1813, donnant ainsi l'indépendance de la Colombie face à l'Espagne.
Nous avons beaucoup roulé les derniers jours, je suis très fatiguée par une violente grippe dont je me remets à peine, nous décidons donc de nous accorder une journée de repos dans cet endroit idéal. Situé à 1800 m, la température est agréable et ici l'air est très pur. Garés sur le parking du site, nous aurons la fréquente visite des guides, désœuvrés en cette période de carence touristique.
Nous leur expliquons que nous ne prenons pas de guide pour bénéficier du silence sur des lieux aussi beaux. Ils le comprennent très bien et comme nous avions dit que nous sommes cependant prêts à les aider, Humberto ne manquent pas de ressources. Il nous propose immédiatement des promenades à cheval ce qui provoque nos éclats de rire (nous avons l'un et l'autre peur de monter à cheval) ; il sort une nouvelle carte de sa manche et nous propose d'acheter du café de sa propre plantation. Là, nous sommes tout de suite partant.
Humberto va passer beaucoup de temps à discuter politique avec nous (bel entraînement pour l'espagnol !) et nous exposer son point de vue sur la situation en Colombie, un pays en pleine évolution mais où le peuple est laissé pour compte, comme presque toujours. Cinq familles se partagent les richesses et le peuple survit comme il peut.
Humberto se sent à l'abri ayant une petite finca (propriété) où il fait pousser tout ce qui assure les repas à sa famille. Je lui demande de visiter sa finca et le rendez-vous est pris pour 18h « avant la réunion politique ».
Les sites ne sont pas surchargés en statues, la végétation est exubérante, il y a très peu de monde donc pas de bruit sauf ceux de la nature. L'air est extrêmement pur. Ce site est vrai délice et nous nous y attardons toute la journée, rencontrant de temps en temps notre ami Humberto qui à chaque fois nous rappelle notre rendez-vous du soir.
Nous passons la journée sur le site étonnant de San Augustin que nous avions déjà visité il y a 4 ans. On retrouve trois périodes d'habitations s'échelonnant sur 6000 ans sur le site mais la majeure partie des statues datent de 300 à 900 après JC. Les statues et les sites funéraires sont répartis dans des petites clairières reliées entre elles par des passages en forêt.
Rossignol ou Dynastar ?

Trouver sa maison n'est pas une mince affaire ! Mais il nous attend et nous amène vite là où l'on prépare le café. Première étape : « éplucher » les grains de café. Cela se fait avec une machine qui sépare les pelures rouges des grains blanchâtres. Autrefois ce travail fastidieux se faisait manuellement.

Ci-dessous : à gauche grains entiers ; à droite grains épluchés.

Puis les grains sont lavés et mis à sécher au soleil 4 à 5 jours. D'abord triés, opération dédaignée pour les cafés de mauvaise qualité, ils sont ensuite placés sur des plaques pour les torréfier dans un four style four à pain de chez nous.
Sous ce four, profitant de la chaleur , quelques habitants ont été installés.... Ouvrant une planche, nous découvrons quelques cochons d'Inde. Le cuy est en effet un met très apprécié en Colombie, en Équateur et au Pérou. C'est de lui que, en partie, les Incas, grands consommateurs de cuy, auraient tenu leur force et leur intelligence.
La visite de la finca n'est pas vraiment celle d'un jardin.... S'étendant sur trois hectares, elle révèle de multiples plantations de café, bananiers, avocats, lulo, oranges et mandarines. Tout cela dans un agréable désordre. Les chiens et les chats nous accompagnent dans la visite de ce petit paradis. En chemin, quelques provisions de bouche sont ramassées.
Le café est un Arabica. Cueillis quand les grains sont rouges, le café sera plus doux que le café brésilien, Robusta, plus fort, cueilli quand les grains sont verts.
Humberto nous fait visiter sa maison. Il rêve d'avoir un jour assez d'argent pour en faire une auberge pour les touristes aimant le calme. Il nous donne le numéro de téléphone de sa fille qui fait des études à Popayan où elle apprend le français et l'anglais.
Nous ne repartirons pas sans biscuit de la finca...
Nous serons les plus surpris car il ne faudra pas plus de 5 secondes à Raquel pour nous reconnaître ! Beaucoup d'émotions, de chaleur et d'amitié que cette nouvelle rencontre.
Le lendemain, nous partons pour Popayan. Il y a plus de route goudronnée que lors de notre dernier passage, mais il reste encore de la piste avec beaucoup de trous et d'ornières. Camions, bus et 4X4 ne vont guère plus vite que nous sur cette piste défoncée ! Pas de chance, il pleut, et la boue va donner à notre fourgon une allure de véhicule « extrême » !!! Nous attendons la prochaine pluie pour qu'il retrouve ses couleurs pimpantes.

A Popayan, nous retrouvons Valentina, la fille d'Humberto, une charmante jeune fille de 17 ans, très volontaire, qui sait ce qu'elle veut et fait tout pour l'obtenir. Et ce qu'elle veut, c'est être professeur de français et d'anglais et surtout venir en France en tant que professeur d'espagnol, dans le cadre d'échanges universitaires. Nous lui avons promis de lui faire visiter nous aussi notre finca, c'est à dire notre jardin, ce qui sera très vite fait ! A bientôt en France, Valentina !

Puis nous allons faire la surprise de notre visite à Raquel que nous avons rencontrée à une station service il y a 5 ans.

 

File d'attente devant un distributeur d'argent.
Nous quittons alors Popayan pour rejoindre la frontière de l'Equateur. Tout le long du chemin, le paysage nous semble assez désertique, beaucoup plus sec qu'il y a 5 ans. On voit que bien souvent de grandes étendues ont été brûlées. Raquel nous avait dit que cet été avait été très chaud. Delphine et Hervé que nous rencontrerons plus tard en Équateur et qui avaient stationné pour la nuit à côté des pompiers à Popayan, nous le confirmeront aussi, les incendies de forêts sont très nombreux.
En arrivant à Cartagena, il m'aura fallu quelques jours seulement pour me remettre à l'espagnol et très vite je pouvais tenir une conversation digne de ce nom. Par la suite, nous aurons souvent du mal à comprendre un seul mot de ce que l'on nous dit. C'est un peu frustrant !
Mais quand nous voyons qu'il existe au Vénézuela 36 langues officielles qui n'ont rien à voir avec l'espagnol, plus de 70 dialectes en Colombie, qu'un équatorien nous avait dit il y a 5 ans que les gens de la montagne ont du mal à comprendre ceux de la plaine, alors on se dit qu'il est peut-être normal que nous non plus nous ne comprenions pas toujours tout...
En Colombie l'état est respectueux des peuples indiens. Dans de nombreuses régions, ils ont leur propre gouvernement avec leurs propres lois, leur culture, leur langue et ils ont des représentants au plus haut niveau politique.
A la frontière, il est facile de sortir de Colombie, mais il y a beaucoup de monde pour l'entrée en Équateur et nous serons épuisés quand nous pourrons enfin nous arrêter dans un immense parquéadero tout vide... Le propriétaire est cependant très enthousiaste et il peut l'être ! C'est le jour d'ouverture et nous sommes ses premiers clients, des clients venus de France ! Il nous indique une place sous un toit et le sol cimenté. Pratique pour ne pas amener plein de sable dans le fourgon. La nuit j'entends une bonne averse tambourinant sur le toit. Dommage, à l'extérieur notre fourgon aurait pu se décrasser un peu...
La Colombie est un pays magnifique, très varié pour les paysages, de la mer des Caraïbes aux sommets de plus de 5000mètres de la Cordillère des Andes. Pays méconnu de beaucoup, l'idée que nous en avons en Europe est bien trompeuse. Il y a autre chose en Colombie que les Farc ou la cocaïne. Comme partout, le peuple est la première victime des 60 années de guerre civile qui déchire le pays. Les gens sont extrêment sympathiques, serviables et les plus souriants que nous ayons rencontrés dans le monde. Il suffit dans la rue de croiser le regard de quelqu'un pour le voir nous saluer et nous sourire. En Colombie, il ya tout d'abord un peuple très généreux et accueillant. Nous serons heureux de le retrouver l'an prochain !
<==précédent suivant==>