Argentine

1er janvier 2011. Les glaciers de Patagonie. Los Glaciares...

Tout change dés que nous arrivons en Argentine. Il fait beau, il fait presque chaud et le paysage est comme toujours magnifique. Très vite, nous retrouvons la mythique Ruta 40, quittée au sud de Salta à 4000 km ; les bornes kilométriques indiquent à présent 2000 km. Les cyclistes, de plus en plus nombreux, sont nettement encouragés !

Nous ne nous attardons pas dans la région de Bariloche, bien que très jolie avec ses nombreux lacs et ses montagnes. Comme du côté chilien, on se croirait en Suisse. Et en plus, Bariloche est la capitale du chocolat ! Nous en trouvons du délicieux, le meilleur d'Amérique du sud (pas difficile...) et peut-être même meilleur qu'en Suisse ! Il faut dire que du chocolat, non sucré, et à 95% de cacao est une réelle curiosité ! Mais Bariloche est aussi une station de ski très touristique et très huppée, et nous préférons continuer notre route vers le sud.
Le Parc National des Alerces nous accueille pour un week-end, véritable bain de nature. L'alerce est un arbre de Patagonie, qui peut vivre très vieux puisque certains atteignent 2600 ans, un diamètre et une hauteur prodigieuses.

La promenade dans la forêt d'alerces, au milieu des buissons de bambous et le long de lacs d'une eau délicieusement claire et pure, la nuit au bord du lac dans un silence troublé à peine par le chant des oiseaux et le clapotis de l'eau sur la berge, tout ce qu'il nous fallait pour remonter le moral.

Un parcours assez long, moitié piste, moitié goudron, nous mène au Parc National de Los Glaciares...

Nous ferons d'abord une halte à la Cueva de Las Manos, le Lascaux argentin. Sur des rochers en surplomb sont dessinées une multitude de mains. Le dessin se faisait en posant la main sur la paroi rocheuse, et avec des peaux teintes en rouges, jaunes, blancs ou noirs, le rocher est peint autour de la main. Cette méthode explique que les mains gauches sont beaucoup plus nombreuses que les mains droites.
On y trouve des mains de toutes tailles, de la grande main à la petite main, jusqu'à la main de bébé. Des peintures d'animaux aussi, comme les guanacos en gestation peints en rouges avec le fœtus en blanc à l'intérieur du ventre (en haut à droite); à côté , le dessin du disque blanc de la pleine lune car les naissances se font à cette époque.
Trois époques de dessins s'échelonnent de 1000 à 7000 ans, reconnaissables à la couleur employée. Cette immersion dans ce lointain passé, dans un canyon verdoyant, est une pause agréable sur ce long parcours de 700 km où nous découvrons que le violent vent de Patagonie n'est pas une légende !
Nous quittons la Ruta 40 pour El Chalten et très vite nous voyons se dessiner devant nous d'impressionnants pics, à 100 km de là. Petit à petit, le Fitz Roy et son cortège de glaciers se fait plus net, magnifique !
El Chalten est un tout petit village qui a beaucoup proliféré grâce aux andinistes, les montagnards des Andes. Partout, on ne voit que sacs à dos et chaussures de montagnes, restaurants et hôtels pour les accueillir, et agences pour les transporter et les guider. Et au-dessus, majestueux , le pic de granit du Fitz Roy qui domine. La paroi n'a été vaincue qu'en 1953 par... Lionel Terray ! Cocorico ! Il a quand même bagarré 21 jours dans la paroi avant d'atteindre le sommet.
Autour du Fitz Roy s'étend une chaîne de glaciers qui dévalent jusqu'à moins de 500 m d'altitude. Les montagnes ne sont pas très hautes comparées à celles que nous avons vues plus au nord et qui frôlaient les 7000 m pour certaines ; le Fitz Roy atteint seulement (!) 3400 m, mais la hauteur de neige et de glace est impressionnante dans les glaciers. Nous passerons la journée du lendemain dans le fourgon à nous mettre à jour dans nos activités personnelles, la pluie et le vent violent ayant été incessants. Tous les marcheurs se jettent dans les cafés internet, Noël approche, et les restaus et cafés sont remplis.
Le lendemain, il fait beau même si le vent reste très fort. Nous suivons une route vers le nord qui offre des vues toujours magnifiques et renouvelées à chaque virage. Le Fitz Roy nous apparaît sous différents angles, tous impressionnants. Le Cerro Torre se devine en arrière-plan...

En Patagonie, on trouve partout des arbres morts tels des fantômes tendant vers le ciel leurs bras décharnés. Ils portent en eux le souvenir d'incendies parfois très anciens.

Nous quittons El Chalten pour arriver à El Calafate par 200 km de très bon goudron et un vent extrêmement violent ; on rencontre pourtant sur la route des cyclistes qui luttent contre ce déchaînement de la nature...

El Calafate, dans un creux du relief, est un véritable havre de repos. Il fait chaud, pas de vent. La ville est le point de départ de toutes les excursions vers les glaciers, El Chalten et le Fitz Roy au nord, le Glacier du Perito Moreno au centre, et le Parc National des Torres del Paine du Chili au sud. On y voit beaucoup de touristes, donc beaucoup d'hôtels et de restaus et dans l'ensemble, la ville est assez chère. Nous n'y restons que pour faire les différents pleins (eau, diesel, nourriture et sous) . Nous retrouvons François et Monique, que nous avions croisés avant Bariloche. Nous décidons d'aller directement au Glacier du Perito Moreno et de fêter ensemble Noël là-bas. Nous sommes le 24 décembre.
On ne nous laissera pas entrer dans le parc le soir et nous passerons la nuit sur le parking à l'entrée du parc. Petite soirée toute simple, tous les quatre, avec quand même un inespéré et délicieux foie gras ! Le temps passe vite, surtout quand la soirée commence tard, et nous nous couchons à 2h du matin, du jamais vu en voyage !
Le glacier avance dans le lac Argentino, le plus grand lac d'Argentine, le deuxième plus grand d'Amérique du sud après le Lac Titicaca. Sur un front de 2,5 km et d'une hauteur de 40 à 60 m, plus 120 m sous l'eau, il se déplace chaque jour de près de 2 mètres. Quatorze km depuis le front du glacier jusqu'aux rochers au centre(photo), et ce n'est que la moitié ! le Perito Moreno s'étend sur plus de 30 km.
C'est le seul glacier au monde à avancer et ne pas reculer ! François et Monique nous ont rejoint ainsi que quelques touristes . Devant nous, un gros bloc de glace bleu se met à se retourner dans l'eau, à plusieurs reprises, lentement, lentement, traduisant un mouvement dans l'eau, donc du glacier. On dirait une baleine...

Et tout à coup, à côté, une tour de glace se détache et tombe dans le lac avec fracas. Le mouvement est lent. Le pilier de glace bleue s'enfonce verticalement dans l'eau, puis remonte très haut, puis redescend et enfin se couche sur l'eau. A ce moment, une autre tour se détache à côté ; puis une autre encore ! Des enfants sont à côté de nous et à chaque chute crie un aaah!!!! de plus en plus aigu ! L'émotion est grande chez tous...

Le lendemain, nous faisons une balade en bateau sur le Lac Argentino, d'un bleu magnifique. Sur l'eau flotte des icebergs de forme et de couleurs bleues merveilleuses. Le bateau va doucement de l'un à l'autre tout en se dirigeant vers le glacier Upsala, gigantesque glacier qui, contrairement au Perito Moreno, recule ; le retrait du glacier dû au réchauffement climatique est de 7 km en 20 ans.
Les icebergs empêchent le bateau d'approcher le glacier Upsala. Après avoir navigué à la recherche d'un passage, le capitaine renonce et nous ne pourrons voir cet immense glacier que de loin. Qu'importe ! Il y en a d'autres ! Et nous repartons vers un autre dont le front est à quelques centaines de mètres de nous. Les bateaux tournent au ralenti et nous laissent admirer ce spectacle.

Le bateau, n'ayant pu s'approcher du glacier Upsala, nous conduira au pied du Perito Moreno qu'après avoir longtemps admiré du haut, nous pouvons voir maintenant de l'eau. Pendant les deux jours où nous serons restés devant le glacier, nous aurons vu beaucoup de chutes de glace, mais jamais une série comme celle du premier jour.

C'était vraiment un cadeau de Noël...

Il m'a semblé qu'une amie nous avait accompagnée dans le bateau... Se reconnaitra-t-elle???
Nous retournons à El Calafate pour refaire les différents pleins et quittons à regret François et Monique qui partent vers Ushuaia où ils comptent être pour le nouvel an. Nous partons, quant à nous, moins loin, au Parc National des Torres del Paine, au Chili.
Nous passerons notre première nuit au bord du lac Sarmiento, lac très salé, avec en toile de fond les superbes Torres qui ont donné leur nom au parc. Ce parc est très grand et est un haut lieu du trekking mondial. De nombreuses randos, de 1 à 10 jours, parcourent le parc. Celui-ci a de nombreux lacs d'un bleu turquoise magnifique, et aussi de grands glaciers.
Le glacier Grey se jette dans le lac du même nom. Ce lac est à 70 mètres d'altitude, ce qui n'empêche pas de nombreux iceberg détachés du glacier de flotter sur le lac. Certains sont échoués et vont fondre très lentement, car n'oublions pas que la hauteur de glace est deux fois plus grande sous l'eau que sur l'eau. Par le soleil et la magie de la physique, la glace schtroumpf deviendra Blanche-Neige, lorsqu'elle sera devenue plus poreuse.
Nous passerons deux nuits très ventées dans le parc en particulier l'une d'elle, près d'une cascade, où nous nous sentions dans un bateau perdu dans la tempête. Difficile de dormir dans ces conditions. Pourtant nous étions prévenus ! Nous pensions à ceux qui dormaient sous la tente ou ceux qui durant leur trekking devaient lutter contre ce vent.
Des montagnards nous ont raconté que lors d'une rando au Fitz Roy, ils terminaient leur casse-croute quand ils ont entendu « un TGV sortant d'un tunnel » ; ils n'ont rien vu et soudain ont été projetés à terre à plusieurs mètres de là, par une rafale de vent ; ils ont descendu 200m à 4 pattes dans les rochers, dans l'impossibilité de se tenir debout.
Ce lichen indique par sa présence 0% de pollution. Dans toutes les forêts des parcs nationaux de Patagonie, nous l'avons rencontré et les gardes des parcs sont fiers de sa présence. C'est pourquoi nous n'avons jamais compris que, dans ces endroits si purs, les chauffeurs de bus laissent tourner leur moteur quand ils sont à l'arrêt, parfois plus d'une demi-heure ; et des bus, il y en a beaucoup !!!
Mais ce n'est pas une raison pour traîner au lit. Le lendemain, à 8 h, nous entrons dans le parc et arrivons au glacier ; personne sur le parking. Nous pourrons découvrir cette merveille de la nature, seuls, dans le silence... Relatif ce silence, car le glacier, toujours en mouvement craque et gronde. Des explosions dans la glace, semblables à des détonations, nous accueillent.
Tout à coup, un vacarme résonne et nous voyons remonter un bloc de glace, monstrueux ! Il sort de l'eau très lentement et il semble que cela n'en finit pas... puis il s'enfonce dans l'eau et disparaît pour revenir immédiatement, en se couchant dans l'eau, se tournant, se retournant....le spectacle est fascinant ! A côté de moi, des japonais s'exclament ; d'autres touristes restent silencieux, pétrifiés...

Joyeux Noël !

Nous sommes le 25 décembre et le Perito Moreno nous offre le plus extraordinaire des cadeaux !

Nous voyons aussi des guanacos, des centaines et des centaines de guanacos ! Le guanaco est le quatrième et dernier représentant de la famille des lamas, qui sont de la famille des camélidés (chameaux) ; les trois autres sont le lama et l'alpaga, domestiqués, et la vigogne, sauvage comme le guanaco. Les guanacos ont deux façons de courir, soit la tête haute, soit la tête baissée rasant le sol ; la première est de beaucoup plus élégante !

Les parents s'activent déjà pour les prochaines naissances! Ils sont très tranquilles et leurs têtes tournent à droite et à gauche :

« Tiens, où sont les enfants ? »

« Oh ! Des touristes arrêtés sur la route ! »

« Il va faire beau demain » .....

Nous y verrons beaucoup d'animaux aussi. A l'entrée du parc, une mouffette (certains disent putois) fait la course avec nous. Ne la voyant plus et pensant qu'elle est entrée dans un terrier, je m'approche doucement à pied. Rien. Et soudain, je vois sa petite frimousse sortir de la touffe d'herbe devant mes pieds ; et la voilà repartie pour la course. Je ne devais pas représenter un danger pour elle, sinon j'aurais eu droit à un petit jet d'urine nauséabond ! Et Klaus ne m'aurait plus laisser remonter dans le fourgon...

L'autre zorro prendra son chemin habituel qui l'amènera en gambadant à moins de deux mètres de nous ; il ne semble même pas nous remarquer. Ce qu'il y a d'étonnant ici, c'est que tous les animaux vivent ensemble sans crainte. Le zorro passe au milieu des lièvres, puis des oiseaux et chacun continue sa vie sans y prendre garde. Chez nous, nous n'avons plus cette vie sauvage ; dire que cela a dû être un jour comme cela chez nous aussi, mais cela doit être il y a si longtemps ! C'est dans ce cadre magique que nous changeons d'année dans un sommeil profond, quatre heures après vous.

BONNE ANNEE A TOUS !

Dans le parc, lors d'une promenade, nous voyons deux zorros (renards) et de nombreux lièvres. Les lièvres sont assis à distance respectable et un des zorro un peu plus loin. Nous nous approchons doucement sans que personne ne bouge lorsque soudain, devant moi, un autre lièvre détale à toute vitesse, provoquant la débandade générale, vraiment très drôle !
<==précédent suivant==>